C’est la grande révélation faite par notre confrère Jeune Afrique, hebdomadaire paraissant à Paris, dans sa dernière livraison, n°3065 du 6 au 12 octobre.
Selon le magazine panafricain, ce ne fut pas une invitation à la fortune du pot. Des facilitateurs de premier ordre comme les Présidents Dénis Sassou NGuesso du Congo-Brazzaville et Mamadou Issoufi du Niger ont débroussaillé le terrain en amont pour une rencontre sans risques d’épines. Au début de septembre, Ibrahim Boubacar Kéïta avait ainsi rompu la glace en écrivant à Alpha Oumar Konaré, qui lui avait immédiatement répondu. Tout est alors allé vite – et mieux- dans le meilleur des mondes. Ainsi, dans la nuit du 12 au 13 septembre, IBK a longuement reçu dans la villa Nelson Mandela, sur les hauteurs de Koulouba, celui dont il fut, entre autres, Conseiller diplomatique, puis Premier Ministre pendant plus de six ans, mais avec qui il était en froid depuis février 2000, date de la démission difficilement obtenue d’IBK de la tête du Gouvernement.
Si on ne sait pas combien d’heures a duré l’entrevue entre les deux hautes personnalités du pays, encore moins le contenu des deux correspondances qu’ils se sont échangées pour en arriver aux retrouvailles, Jeune Afrique assure qu’ils ont vidé leur vieille querelle et que l’enjeu portait sur le dialogue politique inclusif pour la réussite duquel IBK souhaite l’implication personnelle d’AOK afin que l’opposition ne reste pas en rade. Souhait pieux, s’il en est, au moment où le pays subit de plein fouet des avalanches d’attaques djihadistes et autres milices semant de plus en plus la mort au sein de nos forces armées et des populations civiles. À l’heure aussi où, malheureusement, l’évidence de la corruption et de la délinquance financière est si prégnante que la Justice est, situation inédite, résolument aux trousses des personnages hautement perchés de l’État pour plusieurs manquements qui alimentent régulièrement la chronique.
Tout compte fait, le gentleman’sagreements entre IBK et AOK est à saluer. Le Mali mérite bien être au-dessus de leurs petites querelles byzantines. Pour avoir cheminé ensemble le long des premières années de l’ère démocratique, à la hauteur que l’on sait, les deux Hommes sont, de toutes les façons, comptables de la situation actuelle du Mali. Mais il ne s’agit pas, loin s’en faut, de dresser un réquisitoire contre l’un et l’autre. La patrie a plutôt à gagner dans l’addition de leurs expériences et de leur sincérité citoyenne.
Mais le problème qu’appréhendent aujourd’hui nombre de Maliens est de savoir si leur rencontre pourra encore servir à quelque chose d’utile puisqu’elle a tout l’air d’être intervenue un peu tard. Les partis politiques les plus représentatifs de l’opposition dont celui du Chef de file Soumaïla Cissé et ceux de ses Alliés du FSD ont déjà fait savoir qu’ils ne participeront pas aux assises du dialogue politique inclusif. Ce qui est manifeste depuis le début des concertations où leur absence est partout constatée.
Dans un tweet en date du 8 octobre, l’ancien Garde des Sceaux, Me Mamadou Ismaïl Konaté, a posé le problème à sa façon: «Le débat, nécessaire et utile, serait-il national ? Inclusif? Sans fioritures partisanes et connotations bassement politiciennes pour que le Malien fustige la pire gouvernance d’un pays où la fraude, le vol et la corruption font légion en tant que sources du pouvoir?». Quand on se rappelle qu’après la série de massacres au Centre du pays, le même Ministre de la Justice, alors démissionnaire, avait prédit en parlant d’IBK: «Il n’est plus sauvable», on veut bien connaître la réponse des oracles.
Ahmad Ould Bilé
LE COMBAT