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Redouwane Ag Mohamed Ali : «Les distributions alimentaires gratuites suivent leur cours normal»

Insécurité civile, poches de sécheresse par endroits, inondations, impacts du changement climatique et de la Covid-19 sont, entre autres, facteurs à l’origine de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle qui sévit dans notre pays, selon le ministre-commissaire à la sécurité alimentaire. Redouwane Ag Mohamed Ali fait un état des lieux de la situation depuis le lancement des opérations par le président de la Transition, le colonel Assimi Goïta

 

L’Essor : Monsieur le ministre-commissaire, comment se présente la situation alimentaire et nutritionnelle des Maliens pendant cette soudure 2021 ?

Redouwane Ag Mohamed Ali : Je tiens à remercier le Quotidien national L’Essor pour cet espace de communication qui nous permet de partager avec nos compatriotes, la mission du Commissariat à la sécurité alimentaire et de son dispositif qui est d’assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle de nos compatriotes sur toute l’étendue du territoire national, ce qui est de toute évidence un défi majeur en particulier dans le contexte actuel marqué par une insécurité civile, devenue aujourd’hui la première cause d’insécurité alimentaire.

Pour revenir à votre question, nous pouvons dire que la situation alimentaire et nutritionnelle de notre pays cette année est assez préoccupante dans les régions situées au centre et au nord de notre pays.

L’évaluation définitive du Système d’alerte précoce à travers le Cadre harmonisé 2021, a montré que plus de 5 millions de compatriotes sur les 21,112 millions à travers le pays sont en insécurité alimentaire et nutritionnelle, soit 23,68%. Parmi ceux-ci, plus de 1,3 million, soit plus de 6% de la population globale de notre pays sont en insécurité alimentaire sévère et très sévère et ont besoin, en urgence, d’une assistance alimentaire estimée à plus de 43.000 tonnes de vivres.

L’État a consenti des efforts qui nous permettront d’avoir 33.000 tonnes sur les 43.000 tonnes. Certaines régions identifiées dans l’urgence notamment les Régions de Mopti, Tombouctou, Taoudéni, Gao, Kidal et Ménaka ont commencé à recevoir les appuis alimentaires.

L’Essor : De nombreux facteurs contribuent à la crise alimentaire et nutritionnelle actuelle. Leur combinaison a-t-elle eu des répercussions sur l’état nutritionnel de nos compatriotes si oui, combien sont menacés au titre de cette année 2021?

Redouwane Ag Mohamed Ali : évidemment, l’insécurité alimentaire et nutritionnelle de cette année, résulte de la combinaison de tous ces facteurs que vous venez de citer. Les effets conjugués des conflits, du faible accès aux services sociaux de base, des variabilités climatiques et du déficit alimentaire chronique pendant la période de soudure, certaines zones du pays notamment des Régions de Mopti, Tombouctou, Gao et Kidal sont aujourd’hui sujettes aux niveaux les plus aigus d’insécurité alimentaire. Ces régions du Centre et du Nord regroupent plus d’un million de personnes vulnérables avec Mopti en tête avec plus de 620.000 personnes.

D’autre part, la Covid-19 avec les différentes restrictions nationales pour les voyages, la limitation des importations et le ralentissement des échanges économiques, a eu un impact réel dans la dégradation des revenus des ménages, notamment les plus pauvres. L’accès à la nourriture a alors été perturbé du fait que les communautés dépendent de plus en plus des marchés pour s’approvisionner en denrées de base (céréales, tubercules, légumes). De plus, pendant la période de soudure, la plupart des prix des aliments augmentent régulièrement et souvent de façon inquiétante dans certaines régions.

L’Essor : Peut-on parler des activités majeures de ce PNR et quelles sont ses articulations entre les différentes parties prenantes ? Je veux parler de la contribution de l’état, des Partenaires techniques et financiers, des collectivités, des Services techniques déconcentrés, et les bénéficiaires eux-mêmes?

Redouwane Ag Mohamed Ali : Pour faire face à ces menaces, le Commissariat à la sécurité alimentaire et ses Partenaires techniques et financiers ont élaboré le Plan national de réponses à l’insécurité alimentaire au titre de l’année 2021, qui d’ailleurs a étéapprouvé par le Conseil national de sécurité alimentaire lors de sa 17ème session tenue le 30 avril 2021, sous la présidence du Premier ministre, chef du gouvernement, quantifie ce besoin d’assistance alimentaire à 54.000 tonnes de vivres au titre de la soudure 2021.

Ce PNR 2021 prévoit également plusieurs autres réponses aux difficultés alimentaires des personnes et des animaux impactés par la Covid-19 et les inondations notamment : des mesures d’atténuation spéciales Covid-19, dont le financement est à rechercher pour l’achat de 3.000 tonnes d’aliment transformé (farine, semoule et pâtes), l’achat de 5.000 tonnes d’aliment bétail, l’achat de 500 tonnes d’aliment poisson, des actions de relèvement pour les plus vulnérables comme l’octroi des semences végétales améliorées à des paysannes victimes d’inondations, etc.

Concomitamment à cette assistance alimentaire en céréales, le CSA, à travers le Programme de renforcement de la résilience des communautés (PRESA), envisage d’opérer du cash transfert direct à 1.792 ménages très vulnérables et 100 groupements collectifs, pour un montant de 242.572.000 Fcfa dans certains Cercles. à cet effet, les Cercles de Ténenkou et Youwarou, qui sont concernés dans la Région de Mopti, totalisent à eux deux 78.683.000 Fcfa.

Les ménages ciblés recevront 30.000 Fcfa/ménage en plus des céréales pour leur diversification alimentaire. Les femmes enceintes et celles allaitantes recevront 22.500 Fcfa/FEFA pour un appui en nutrition. Les ménages vulnérables, qui veulent entreprendre une activité économique d’amélioration de leurs moyens d’existence, recevront un montant de 50.000 Fcfa/ménage et les groupements collectifs auront un appui financier d’un montant de 300.000 Fcfa/groupement.

En plus de cet ensemble de mécanismes d’intervention, d’autres actions du PNR-21 sont programmées pour l’appui au bétail, aux cantines scolaires, à la lutte contre la malnutrition sous toutes ses formes, ou encore à la reconstitution des stocks de sécurité.

Nos compatriotes ainsi que les plus hautes autorités de notre pays attendent beaucoup de nous. Ils attendent de voir des signaux positifs d’atténuation des difficultés alimentaires de nos compatriotes les plus vulnérables. C’est pourquoi, dès le lancement officiel de ce plan par le président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, nous avons engagé les opérations d’acheminement des stocks dans les localités menacées. Aujourd’hui, nous sommes en plein dans les opérations de distributions alimentaires gratuites dans certaines zones pendant que d’autres commencent à recevoir les stocks.

L’Essor : Lors du lancement du Plan national de réponses à l’insécurité alimentaire, le président de la Transition a insisté sur la bonne gouvernance dans la distribution gratuite des aides alimentaires. Y a-t-il des dispositions particulières pour que l’assistance alimentaire arrive aux vrais bénéficiaires ?

Redouwane Ag Mohamed Ali : Oui, c’est l’une des recommandations phares du président de la Transition. Cependant, c’est un chantier fondamental pour nous qui avons en charge cette mission. Suite à cette recommandation, nous avons engagé des concertations régionales avec tous les acteurs en charge de la mise en œuvre du PNR – 2021 pour permettre à chaque acteur de connaître, son rôle. Par exemple : Qui sont les bénéficiaires des aides alimentaires? Comment sont-ils ciblés? Qui sont les acteurs impliqués dans la distribution? Quelles sont leurs responsabilités? De quelle quantité chaque ménage doit bénéficier, etc.?

Autant de questionnement que nous avons tenté d’éclaircir. Aussi, avons-nous sollicité l’implication dans chaque Commune, des autorités administratives, politiques, les leaders communautaires, les chefs de village, des femmes, les jeunes et même les autorités de répression pour nous assurer que les vivres parviennent réellement aux vrais bénéficiaires.

Cependant, des équipes de suivi seront mobilisées pour superviser ces opérations. Il s’agit d’une panoplie de dispositions que nous avons prises cette année pour nous assurer de la mise en œuvre efficace et efficiente de ces opérations.

Au niveau du Dispositif national de sécurité alimentaire, nous avons mis en place à travers l’assistance technique de Sofreco (un programme de l’Union européenne) des outils de renforcement de la bonne gouvernance dans toutes nos structures par le respect des procédures administratives, par la probité et l’honnêteté. Désormais, la notion de budget-programme est une réalité dans notre pays, de même que la gouvernance basée sur la gestion par objectif et la culture du résultat. Nous allons également renforcer l’interaction entre le commissariat et les structures sous tutelle. Les efforts sont également faits pour l’accroissement de la visibilité des actions menées pour répondre plus efficacement aux attentes de nos compatriotes.

L’Essor : Un gap de plus de 8 milliards de Fcfa existe relativement à la couverture financière du PNR-2021. Comment comptez-vous mobiliser ce financement supplémentaire en vue d’atteindre vos objectifs de départ ? Et quel impact sur la sécurité alimentaire des personnes vulnérables au cas où ce gap n’est pas mobilisé ?

Redouwane Ag Mohamed Ali : À la date d’aujourd’hui, nous disposons d’un stock de 34.000 tonnes. Cependant, nous avons adressé à la Cedeao une requête pour disposer de 7.372 tonnes de la réserve régionale. Une réponse favorable de la Cedeao porterait à 41.372 tonnes de céréales le stock dont disposerait le CSA pour faire face au besoin de 54.000 tonnes. Cela laisserait un gap en nature important d’environ 13.000 tonnes, sans tenir compte des frais de transport et de ciblage des populations bénéficiaires.

Au total, les ressources mises à la disposition du CSA pour atténuer les souffrances alimentaires des populations les plus vulnérables du pays s’élèvent à 9,2 milliards de Fcfa, laissant ainsi un gap de 8,8 milliards relativement au besoin global exprimé. Et nous avons espoir que ce gap sera mobilisé. Déjà, nous sommes en discussions avec le ministre des Finances qui, d’ailleurs, est très réceptif à nos doléances mais aussi nous avons entrepris des démarches auprès de certains Partenaires techniques et financiers. Nous espérons que toutes ces démarches aboutiront pour permettre d’apporter une réponse adéquate à cette difficulté fondamentale de nos compatriotes.

Propos recueillis par
Cheick M. TREAORÉ

Source : L’ESSOR

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