Le samedi dernier, le président de la République a encore surpris son monde, en procédant à ce qu’il appelle, un réaménagement technique qui lui permet de garder un gouvernement incompétent.
Samedi 22 juin, à l’annonce d’un réaménagement ministériel, beaucoup sont restés scotchés à leur téléviseur ou à leur radio, s’attendant à d’importants changements dans un gouvernement qui patauge depuis qu’il a été formé, d’abord par Cheick Modibo Diarra, ensuite par Diango Cissoko. Mais, le peuple malien a été assez surpris de constater, après lecture de ce décret, que Dioncounda Traoré reprend les mêmes et continue. En fait de réaménagement, Abdel Kader Konaté quitte le département de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie pour les Finances, en remplacement de Tiéna Coulibaly qui hérite d’un ministère amputé, Industrie et Commerce. La troisième activité de ce département, l’économie est associée à l’aide humanitaire et confiée à Mamadou Namory Traoré, lequel était précédemment ministre en charge de la Fonction publique. C’est Demba Traoré, désormais ancien ministre des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine, puisque remplacé par l’ex-ministre délégué au budget, Marimpa Samoura, qui hérite de son fauteuil.
On pourrait croire que cette tempête dans un verre d’eau a été provoquée pour amuser la galerie. De fait, tout ceci n’avait pour seul but que de colmater les nombreuses brèches ouvertes par l’ancien ministre des finances. En effet, depuis sa nomination, Tiéna Coulibaly a multiplié les bourdes et trempé dans de sombres affaires relatives à la passation de certains marchés publics dont, notamment, l’achat de véhicules pour l’armée, de la présidence, de la primature ou de la Commission dialogue et réconciliation. A l’époque, le gouvernement a provoqué une telle cacophonie, des ministres se contredisant publiquement ou s’en prenant à des cadres subordonnés, que sa dissolution était devenue nécessaire. Mais, le président par intérim a préféré faire le sourd. Cependant, il n’a pas pu s’empêcher d’entendre l’énorme bruit de casseroles provoqué par l’affaire dite de «l’attribution de la troisième licence de téléphonie globale ». Un marché de plusieurs milliards de FCfa attribué par entente directe à une société insolvable. Selon certaines indiscrétions, le Mali n’aurait pas encore perçu le moindre franc symbolique et serait encore derrière la première tranche.
La gestion catastrophique du département-clé des finances commandait donc un changement. D’autant plus que dans le cadre de la reprise de la coopération internationale, d’importants fonds sont attendus pour la relance du développement, la stabilisation du pays et l’organisation des élections générales. D’autre part, pour sécuriser l’aide humanitaire, il fallait un homme intègre et compétent. Or, Mamadou Namory Traoré a déjà fait ses preuves avec l’affaire des radiés de la fonction publique, une affaire dans laquelle, malgré les pressions et les sollicitations diverses, il a fait preuve de fermeté et mis en avant les seuls intérêts de la nation et du peuple. Et quand on sait que c’est un cadre de l’Urd qui a créé cette situation et que c’est un autre cadre de l’Urd qui remplace Mamadou Namory Traoré à ce poste, il y a des soucis à se faire.
Même si un réaménagement est aussi un changement dans l’esprit de la plus haute autorité de notre pays, Dioncounda Traoré a eu tort de rester sourd aux sollicitations et de n’avoir pas opéré un changement de fond. En mettant tout le monde à la porte, ceux qui sont incapables de reconquérir l’intégrité territoriale ou d’assurer la sécurité des populations, ceux qui sont incapables de mettre le pays en marche, celles qui détournent les dons en nature faits pour les personnes déplacées, etc.
Encore une fois, le président aurait manqué de lucidité et mérite que la communauté internationale réclame un président légitime et légal.
Abdel HAMY