Dans un article intitulé «La Poste du Mali : la nécessité vitale de s’adapter» publié dans L’Essor du lundi 6 janvier, le directeur commercial de La Poste en la personne de Abdramane Kalil Haïdara, a accordé un entretien au journaliste A. Touré dans lequel il évoque les causes de la dégringolade de La Poste du Mali.
Je me suis réjoui de la parution de cet article, car notre Quotidien national s’est enfin intéressé à la situation lamentable de La Poste. C’est pourquoi, en tant qu’usager de cette structure depuis des années, j’ai jugé nécessaire d’apporter ma contribution et de dire ma lecture de ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui la dégringolade de La Poste. Je ne veux pas entrer dans une polémique stérile avec monsieur le directeur commercial. Même si je partage la plupart des causes qu’il a recensées pour expliquer les problèmes de La Poste, je ne suis pas d’accord avec certains de ses propos qui lient en partie les difficultés actuelles de La Poste à l’avènement de l’internet. J’estime que les difficultés actuelles sont dues à l’abandon de La Poste par l’Etat à travers la tutelle qu’est le ministère de la Communication et des Nouvelles Technologies de l’Information.
Avec la restructuration de La Poste qui s’est vu amputée de ses bras financiers que sont les volets de la télécommunication, de la gestion des mandats et de l’épargne, l’Etat aurait dû prendre des mesures d’accompagnement en accordant des subventions subséquentes à La Poste, comme il le fait avec l’ORTM ou le secteur énergétique. Comment comprendre qu’une structure comme La Poste dont les premiers bureaux ont ouvert leurs portes en 1871, donc un service plus vieux que la République du Mali, puisse se trouver dans l’incapacité quasi-totale de faire face à sa vocation première qui se trouve être l’acheminement de courriers à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Dans le même temps, l’Etat a autorisé la création de sociétés privées d’épargne, de transfert d’argent et également de gestion des courriers. Idem, pour les compagnies privées de transport qui s’occupent de l’acheminement des courriers à l’intérieur et à l’extérieur du pays. La prolifération anarchique de ces structures concurrentielles a plongé La Poste dans les tréfonds de la crise. Cette dégringolade a été facilitée par la complicité de certains agents de l’administration publique qui préfèrent sous traiter l’envoi du courrier des services publics avec ces structures privées plutôt que de le confier à La Poste dont les fonds alimentent le trésor public.
Tant et si bien qu’aujourd’hui, La Poste végète dans une crise de trésorerie qui l’empêche de faire face à ses charges quotidiennes. L’insuffisance des moyens financiers a eu comme conséquence l’insolvabilité de La Poste vis-à-vis de ses partenaires. Elle a perdu toute crédibilité aux yeux de ceux-ci qui n’ont aucune confiance en sa capacité à honorer ses engagements. A cette perte de crédit s’ajoute la lenteur chronique dans l’acheminement du courrier à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
La Poste est logée dans des locaux vétustes et la majorité de son parc de véhicules de liaison est immobilisée dans la cour de la direction face au Grand Hôtel. Au centre des boîtes postales, à côté de l’immeuble Sahel Vert, les courriers sont entassés les uns sur les autres dans un local exigu et à même le sol.
Le fait le plus grave et le plus révoltant est qu’en raison des difficultés financières, les courriers du Mali qui quittent Bamako pour la France passent d’abord par Abuja (Nigéria) pour arriver à Londres (Grande Bretagne) avant, enfin, d’atterrir à Paris. Selon certaines informations, les courriers destinés au Mali en provenance de France seraient acheminés dans les colis de l’opération Serval qui transitent par Dakar avant d’arriver à Bamako. Parfois, semble-t-il, il arrive que Serval abandonne ces courriers à Dakar.
Quant aux compagnies aériennes qui desservent Bamako, elles refusent d’embarquer au départ les courriers de La Poste sous prétexte que cette dernière ne règle pas les frais de transport à la date échue. Tout ceci explique le retard chronique dans l’acheminement des courriers à l’intérieur come à l’extérieur. Quand vous envoyez une lettre à destination de certains pays comme la France, la Côte d’Ivoire, les Etats-Unis d’Amérique, le Cameroun, elle n’arrivera au minimum que dans trois à six mois, souvent plus. Cette situation provoque parfois à des conflits entre les clients et les agents chargés de la gestion du courrier au niveau des boîtes postales. J’ai ainsi été témoin d’altercations entre le chef du centre des boîtes postales et des clients protestant contre le retard chronique que prennent les courriers attendus à Bamako en provenance de l’extérieur.
Toute cette faute incombe à l’Etat qui a tourné le dos à La Poste en la laissant orpheline après l’avoir dépouillée de toutes ses ressources financières. Pour attirer l’attention des autorités sur cet état de fait, j’ai personnellement adressé à celles-ci deux lettres (une à l’autorité de tutelle qu’est le ministère de la Communication et des Nouvelles Technologies de l’Information et l’autre à l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes). Ces lettres sont restées sans suite alors que la situation se dégrade de jour en jour. Dans le cadre de la vente de la Sotelma sa, plusieurs structures étatiques ont bénéficié de la part des plus hautes autorités d’alors, d’appuis financiers pour développer leurs activités. La Poste qui fut la mère de la Sotelma sa, n’a pas reçu un centime des autorités alors qu’elle avait géré le volet de la télécommunication qui était un service rattaché à elle. Quel paradoxe ! Pire, l’Autorité malienne de régularisation des télécommunications et de la poste (AMRTP) n’apporte aucun soutien à La Poste qui constitue l’une de ses raisons d’être.
La souveraineté d’un Etat ne se résume pas seulement à la seule indépendance territoriale mais aussi à la confidentialité et à la sécurisation de ses correspondances publiques comme privées. Celles-ci doivent être traitées avec le plus grand professionnalisme. La Poste regorge de cadres valables dont les compétences sont avérées en la matière. Tout comme l’ORTM, La Poste doit être considérée comme un établissement à vocation de « passion de service public ». A ce titre, elle mérite assistance, accompagnement et soutien de la part de l’Etat qui doit l’aider à prendre son envol.
Dans la situation actuelle de La Poste, les Maliens se trouvent exposer à toute sorte d’insécurité. Et, si rien n’est fait dans les jours, voire les mois à venir, pour tirer La Poste de l’ornière, il est fort probable qu’un jour, un conflit terrible éclate entre elle et ses usagers dont la résolution pourrait se terminer devant les juridictions compétentes de l’UEMOA ou de la CEDEAO.
Pour éviter cela, je lance un appel pressant à toutes personnes physiques ou morales qu’elles soient du Mali ou d’ailleurs, de se mobiliser pour sauver notre patrimoine à tous. De même, j’en appelle au sens élevé de l’Etat de monsieur le Premier ministre et de son gouvernement pour qu’ils aient un regard attentif envers cette structure qui constitue aussi un service social de développement à la base à l’instar de l’éducation, de la santé et de l’agriculture.
Moussa DIAKITE
Usager de La Poste, Missabougou Commune VI
Contact : 76 30 13 55 / 69 17 66 15.
E-mail : moussadiakite2009@gmail.com