Les forces armées congolaises ont repoussé lundi une série d’attaques quasi-simultanées dans la capitale Kinshasa et dans d’autres villes du pays, dans des échanges de tirs nourris qui ont fait au moins 70 morts parmi les assaillants anti-gouvernementaux dans ce qui s’apparente à un véritable coup de force.
Le ministère congolais de la Défense a annoncé lundi soir que les forces armées contrôlaient « totalement » la situation.
Au total, plus de 70 assaillants et trois militaires – dont un officier supérieur – ont été tués, et deux civils ont été blessés à l’aéroport de Kinshasa, a précisé à l’AFP le porte-parole gouvernemental Lambert Mende. Les autorités ont également indiqué que 52 « terroristes » avaient été tués et 39 capturés rien qu’à Kinshasa. Une partie de ces assaillants s’est réclamée du pasteur Joseph Mukungubila Mutombo – opposant au chef de l’Etat Joseph Kabila.
Tour à tour, les assaillants, munis d’armes et de machettes ont attaqué le siège de la télévision nationale, l’aéroport international et la base de l’état-major militaire dans la capitale congolaise.
Des attaques ont aussi été signalées à Lubumbashi, la deuxième plus grande ville du pays, et à l’aéroport de Kindu, capitale de la province diamantifère du Maniema, où des troupes de la Mission de l’ONU (Monusco) ont riposté face aux agresseurs, selon Martin Nesirky, un porte-parole de l’ONU.
M. Mende a souligné qu’un bilan plus précis serait communiqué mardi « le temps de compiler les données » sur les trois villes qui ont été attaquées: Kinshasa, Lubumbashi, capitale de la riche province du Katanga (sud-est), et Kindu.
Aucun détail n’avait encore filtré en début de soirée sur le mode opératoire de ces attaques qui ont pris la population congolaise par surprise.
C’est en regardant la télévision nationale lundi matin, où des assaillants en armes et avec des machettes ont réclamé la lecture d’un communiqué anti-gouvernemental, que les Congolais ont réalisé qu’une attaque était en cours. Peu après, les programmes ont été interrompus.
A l’antenne, une partie des assaillants à Kinshasa se sont clairement réclamés du pasteur Mutombo, candidat à la présidentielle de 2006, remportée par l’actuel chef de l’Etat, Joseph Kabila. Les deux hommes sont originaires du Katanga, où se trouve actuellement le président Kabila.
Mutilations de cadavres
Juste quelques instants plus tard, des tirs ont résonné à l’aéroport international de Ndjili et à l’état-major général à Kinshasa. A Lubumbashi, des tirs ont également été entendus, tout comme à Kindu, où l’aéroport a été ciblé par des assaillants.
Une source proche du pouvoir a évoqué des « attaques bien orchestrées à Kinshasa, Lubumbashi et Kindu », sans toutefois donner davantage de précisions.
« Des affrontements » ont opposé « les forces du gouvernement et des éléments armés non identifiés », a déclaré lundi soir Martin Nesirky. La Monusco, dont un employé congolais a été blessé à l’aéroport de Ndjili, a placé ses troupes en état d’ »alerte » dans les trois villes attaquées, a-t-il ajouté.
A l’aéroport de Kinshasa, un journaliste de l’AFP a dénombré 24 corps d’assaillants. Ils étaient tous en tenue civile et étaient âgées d’une vingtaine d’années. Des habitants ont mutilé leurs corps, prélevant leur sexe, vraisemblablement à des fins mystiques.
Alors qu’un bandeau déroulant sur la RTNC indiquait que l’aéroport était désormais « rouvert aux vols nationaux et internationaux », les compagnies aériennes annonçaient la suspension de leurs vols en raison de « l’insécurité », ont indiqué à l’AFP deux agences gérant les vols.
Le « prophète de l’Eternel »
Le pasteur Mukungubila Mutombo, qui s’est surnommé « prophète de l’Eternel », est originaire, comme M. Kabila, du Katanga, poumon économique du pays.
Dans une lettre ouverte datée du 5 décembre, il a dénoncé une mauvaise gestion du pays et tenu un discours haineux contre le Rwanda voisin, dont il a rappelé les agressions contre la RDC et avec lequel, selon le pasteur, le chef de l’Etat pactise.
Vers 09h00 GMT, « il y a eu des crépitements de balles » près de la résidence (à Lubumbashi) du +prophète+ Joseph Mukungubila », a déclaré à l’AFP Timothée Mbuya, président de l’ONG des droits de l’Homme Justicia.
Il a précisé plus tard que des tirs à l’arme lourde avaient ciblé la maison et l’église du pasteur, et qu’une de ses églises avait été visée à Kolwezi, au sud de Lubumbashi.
A Kinshasa, entre 09h00 et et 10h30 (09h30 GMT), une journaliste a entendu plusieurs tirs d’arme lourde. Un chauffeur de taxi a pour sa part évoqué « plusieurs tirs d’arme lourde, six à sept tirs ». Selon lui et un autre habitant, ces tirs étaient localisés vers l’état-major général.
Les attaques menées à Kinshasa sont liées, selon le porte-parole du gouvernement, M. Mende, qui accuse les assaillants d’avoir mené une « agression » visant à terroriser la population. Une source gouvernementale a affirmé que les assaillants étaient tous des « adeptes du pasteur Mukungubila ».
En fin de journée, le calme était revenu à Kinshasa et Lubumbashi, où un important dispositif sécuritaire a été déployé. La situation s’était aussi normalisée à Kindu, selon la Monusco.
Selon une source gouvernementale, « une bonne moitié des assaillants (…) a été neutralisée (arrêtée ou tuée) » et « les autres ont pris la fuite en traversant le fleuve (pour rejoindre le Congo voisin) ou en se dispersant dans Kinshasa ».