JUSTICE. Ce proche de l’ex-président Joseph Kabila, déjà sous le coup d’une motion de censure, est aussi soupçonné par la justice de « détournement ».
uatre jours après la destitution du Premier ministre, Sylvestre Ilunga, issu du camp de l’ex-président Joseph Kabila, et comme Jeanine Mabunda, destituée de la tête de l’Assemblée nationale le 10 décembre dernier, c’est au tour du président du Sénat de la République démocratique du Congo, Alexis Thambwe Mwamba, d’être la cible d’une double offensive, judiciaire et politique, sans précédent. Explications.
Une affaire de détournement de deniers publics
Tout a commencé lundi. Le procureur de la Cour de cassation, Victor Mumba Mukomo, a sollicité le bureau du Sénat pour qu’il « autorise l’instruction » à charge contre Alexis Thambwe Mwamba, « pour détournement des deniers publics et lui permettre ainsi de présenter ses moyens de défense », selon une lettre dont une copie est parvenue à l’Agence France-Presse. Le présumé détournement concerne « deux millions d’euros » et « un million de dollars » que le président du Sénat Alexis Thambwe Mwamba s’est fait remettre « à sa résidence » le 6 janvier, affirme le procureur dans cette lettre adressée « aux membres du bureau du Sénat ». Dans sa réponse à la requête du parquet, le bureau du Sénat a confirmé qu’Alexis Thambwe avait « accepté de loger ces fonds provisoirement à son domicile », à cause d’ « une forte effervescence », ce jour-là, dans les locaux de l’Assemblée nationale qui jouxtent ceux du Sénat.
Le lendemain, « le trésorier a récupéré les fonds pour les acheminer à la trésorerie du Sénat », précise-t-on dans cette correspondance signée par Tibasima Mbogemu Ateenyi, deuxième vice-président du bureau de la chambre haute du Parlement. En conséquence, le bureau du Sénat « estime qu’il n’y a pas matière à autoriser l’instruction sollicitée, les faits décrits ne s’analysant pas en infraction tels que vantés ». Pendant la période des vacances parlementaires, le bureau du Sénat est habilité à autoriser ou à s’opposer à des poursuites contre un sénateur. Cette requête contre Alexis Thambwe, dernier partisan de l’ancien président Joseph Kabila encore à la tête d’une institution, intervient quelques jours après la chute du Premier ministre pro-Kabila, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, à l’issue d’un vote contre son gouvernement à l’Assemblée nationale.
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Thambwe Mwamba, sous le feu d’une offensive politique
En pleines vacances parlementaires, les sénateurs ont été convoqués ce mardi 2 février par M. Thambwe Mwamba pour l’examen et l’adoption du projet de loi autorisant la ratification par la RDC de l’accord portant création de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), voulue par le président Félix Tshisekedi. C’est le jour qu’a exactement choisi un groupe de 64 sénateurs sur 109 au total également pour présenter une motion de censure, pour « mauvaise gestion », contre l’ensemble des membres du bureau du Sénat, sauf son vice-président Samy Badibanga, un pro-Tshisekedi. Elle pourrait être examinée en mars, au cours d’une prochaine session.
Le Sénat étant majoritairement contrôlé par les partisans de l’ex-président Kabila, « en cas de vote de la motion, cela signifierait que le dernier pion du dispositif de Kabila sera balayé, laissant totalement les coudées franches à Tshisekedi », a analysé auprès de l’AFP le caricaturiste congolais Thembo Kash, qui dessine au quotidien l’actualité politique congolaise. L’attaque politique contre Alexis Thambwe intervient dans un contexte d’offensive du camp du président Tshisekedi contre celui de son prédécesseur Kabila. Le chef de l’État Félix Tshisekedi a signé sa première victoire le 10 décembre en retournant en sa faveur la majorité à l’Assemblée nationale, à travers la destitution de sa présidente pro-Kabila, Jeanine Mabunda. Missionné par le président pour identifier une nouvelle majorité à la chambre basse du Parlement, le sénateur Modeste Bahati a indiqué le 28 janvier dans un rapport qu’il existait désormais une majorité pro-Tshisekedi de 391 députés sur les 500. Félix Tshisekedi avait été proclamé vainqueur des élections du 30 décembre 2018, qui avaient permis à son prédécesseur Joseph Kabila de garder le contrôle du Parlement. Les résultats officiels avaient été largement contestés par une partie de l’opposition.
Source: lepoint