… et lancement de la mission d’observation électorale des législatives
Le chef de la Mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE UE) au Mali, Louis MICHEL, a présenté ce jour à Bamako, lors d’une conférence de presse, en présence de Maria ESPINOSA, chef observateur adjointe, le Rapport final qui rassemble l’ensemble des observations de l’élection présidentielle relevées et analysées par les experts de la Mission.
Ce rapport est assorti de 18 recommandations pour optimiser davantage le processus électoral notamment en vue des élections législatives des 24 novembre et 15 décembre 2013.
Louis Michel a par ailleurs lancé officiellement ce jour la Mission d’observation électorale de l’Union européenne pour les élections législatives, Mission qu’il dirigera après avoir déjà conduit la Mission de l’UE pour l’élection présidentielle.
“Cette nouvelle Mission sera d’une ampleur comparable à la précédente puisqu’elle sera emmenée par la même équipe et qu’elle comprendra au total une centaine d’observateurs déployés dans le pays les jours de scrutin” a précisé M. Michel.
Louis Michel a également affirmé qu’il espérait que “ces élections législatives confirment le succès incontestable de l’élection présidentielle notamment en terme de participation des électeurs, de qualité des opérations de vote, et du contexte de calme et de sérénité dans lequel cette élection s’était déroulée en juillet et en août derniers”.
Il a également insisté sur “la poursuite de la consolidation démocratique des institutions maliennes à laquelle devaient conduire ces élections avec un nouveau Parlement comprenant une majorité et une opposition fonctionnelles et représentatives”.
Louis Michel a conclu qu’ “il faut bien se rendre compte que ces élections législatives présentent un niveau de sensibilité à la limite plus grande que la présidentielle parce qu’il y a plus de candidats et comme il y a plus de candidats la Mission d’observation électorale de l’UE devra faire un travail de suivi nécessairement plus important”.
Ce communiqué reprend ci-dessous le résumé du Rapport final de la Mission d’observation électorale de l’Union européenne pour la présidentielle, dont le texte intégral est disponible en ligne sur le site www.eueom.eu/mali2013 :
1. L’élection présidentielle a marqué une étape cruciale pour le rétablissement du régime démocratique interrompu par le coup d’état du 22 mars 2012. Un consensus fort au sein de la classe politique, la bonne mobilisation des électeurs et la détermination du gouvernement ont été déterminants pour mener à bien cette élection appuyée par la communauté internationale. Les prochains défis qui attendent le Président élu sont l’organisation des élections législatives qui permettront au Mali de retrouver un fonctionnement institutionnel normal, et le lancement d’un dialogue inclusif tel que prévu dans l’Accord de Ouagadougou qui devrait permettre d’aboutir à une paix globale et définitive. La MOE UE recommande l’organisation des élections législatives dans les meilleurs délais afin de parachever le retour à la démocratie et que l’Etat puisse fonctionner en plein respect de la Constitution.
2. Le cadre juridique de l’élection présidentielle est aligné sur les normes internationales pour l’organisation d’élections démocratiques. Il contient des mesures de protection des droits civils et politiques essentiels pour la conduite d’élections démocratiques, dont la liberté d’expression et d’association ainsi que le droit au suffrage universel. La législation en vigueur propose un cadre suffisant minimal. Plusieurs dispositions de la loi organique de la Cour constitutionnelle et de son règlement intérieur, datant de 2002, sont obsolètes et inopérantes depuis l’entrée en vigueur de la Loi électorale de 2006, notamment en ce qui concerne le contentieux. La distinction entre les dispositions de l’élection présidentielle et des élections législatives n’est pas suffisante. L’absence d’un cadre réglementaire plus détaillé, afin de clarifier les modalités d’application de la Loi, a affaibli la sécurité juridique.
3. Le Ministère de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et de l’Aménagement du Territoire (MATDAT), la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) et la Délégation Générale aux Élections (DGE) sont les trois structures en charge du processus électoral. Chacune dans son domaine de responsabilité, a fait preuve de professionnalisme et d’engagement pour mener à bien les opérations électorales dans le très court délai imparti. Les observateurs de la MOE UE ont constaté qu’elles sont perçues comme des entités neutres, professionnelles et compétentes par les partis politiques et la société civile.
4. Le MATDAT a montré sa volonté d’organiser des élections dans la transparence et il a accompli des progrès substantiels avec la publication des résultats par bureau de vote (BV) pour le second tour. De son côté, le rôle de supervision de la CENI se limite à une observation a posteriori à travers la rédaction d’un rapport à la fin de son mandat, trois mois après la proclamation des résultats définitifs.
5. La DGE, en collaboration avec le MATDAT et les partis politiques, a établi le premier fichier biométrique du Mali. Il compte 6.829.696 électeurs, dont 3.422.140 femmes (soit 50.1%). Le travail conjoint de la DGE, du MATDAT et des partis politiques a été mené de façon appropriée. Si le consensus sur l’utilisation du RAVEC comme base pour le fichier biométrique1 demeure, la MOE UE a constaté que des élus et des représentants politiques ont dénoncé les défaillances du fichier électoral. Ces dernières sont imputables au RAVEC qui n’a pas été correctement finalisé. Par contre, l’utilisation de la carte NINA comme seul document admis pour voter représente une amélioration pour une identification fiable des électeurs.
6. Le financement des partis politiques est réglé par la Charte des partis politiques, qui prévoit la possibilité d’une subvention annuelle sous certaines conditions. Il existe un vide juridique concernant les financements et dépenses de campagne. Celles-ci ne sont ni plafonnées, ni contrôlées ce qui désavantage très fortement les candidats ayant des moyens limités, et peut encourager d’autres, plus nantis, à la surenchère.
7. La Loi électorale prévoit des conditions qui limitent le droit à se porter candidat, tels que le dépôt d’un cautionnement de dix millions de francs CFA et l’obtention de parrainages pour chaque candidature. Ceci constitue une restriction lourde à la liberté de se porter candidat, et contrevient aux obligations internationales du Mali ainsi qu’à la Constitution. La Cour constitutionnelle a retenu 28 candidatures parmi les 36 dossiers déposés pour l’élection présidentielle. Aucun recours n’a été introduit. Les candidatures à l’élection présidentielle se font à titre individuel.
8. Le MATDAT a proclamé les résultats provisoires dans le délai légal pour les deux scrutins. Au premier tour, le nombre de suffrages exprimés était différent du total des résultats par candidats de 47.520 voix. La différence était due aux incohérences reportées sur les procès-verbaux (PV) de centralisation locale. Pour le second tour, la différence n’a été que de 360 voix. Les résultats définitifs proclamés par la Cour constitutionnelle ont peu différé par rapport aux résultats provisoires concernant le nombre de suffrages exprimés par candidats lors des deux scrutins.
9. Les campagnes électorales des deux tours se sont déroulées dans le calme et la sérénité. La campagne du premier tour a duré 20 jours et a été animée. Celle du second tour a été réduite à deux jours, qui ont été, de plus, déclarés fériés en raison de la célébration de l’Aïd El Fitr; ce délai n’a pas permis de mener d’activités probantes. Les activités électorales ont été plus réduites dans le nord du pays. Les stratégies de campagne ont été variées et ont fortement reflété les disparités financières entre les candidats.
10. La Cour constitutionnelle joue un rôle crucial dans l’élection présidentielle: elle statue sur la régularité du processus électoral, sur l’enregistrement des candidatures, et proclame les résultats définitifs lors de son recensement général des votes. Aucune précision procédurale n’est mentionnée dans les textes concernant cette dernière étape qui reste cruciale. La Cour a procédé à diverses rectifications d’erreurs matérielles et aux redressements qu’elle a jugés nécessaires. Il serait utile de recevoir des informations sur leur ampleur et sur les critères de la méthodologie adoptée. Cela garantirait une meilleure transparence du processus électoral.
11. La Cour constitutionnelle juge tout le contentieux en premier et dernier ressort. Le MATDAT n’a aucune compétence en la matière, et les résultats provisoires ne sont pas contraignants pour la Cour. Aucune juridiction intermédiaire en matière de contentieux, conformément aux bonnes pratiques internationales, n’existe.
12. Les médias ont couvert la période électorale sans entraves à la liberté de la presse. Les médias d’État ont garanti un espace gratuit et égal aux candidats en respectant les dispositions du Comité national d’égal accès aux médias d’État (CNEAME). De manière générale, les organes de presse privés ont couvert de façon équitable la campagne électorale dans les espaces d’information. Cependant, faute de moyens financiers, la couverture des médias privés, notamment des radios, a privilégié la communication et la publicité payantes à l’information. Cette tendance a joué au détriment du volume et de la qualité de l’information destinée aux électeurs, et à l’avantage des candidats disposant de fortes ressources économiques.
13. La société civile, par l’intermédiaire des représentants des candidats et des observateurs nationaux, a été très impliquée dans le processus électoral et a beaucoup contribué à sa transparence et à sa crédibilité. Ces représentants étaient présents dans 94,4% des BV observés au premier tour, et dans 94,6% (candidat Ibrahim Boubacar Keita) et 95,9% (candidat Soumaïla Cissé) pour le second tour. Les structures d’observation nationale ont assuré, dans les BV, une présence à 62% au premier tour et à 45,7% au second tour. Seule l’Union Africaine (UA) a effectué une mission de longue durée.
La MOE UE a entretenu une étroite collaboration avec cette mission. De nombreux observateurs internationaux étaient présents à courte durée, dont les missions de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), de la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), de l’International Republican Institute (IRI), de l’Ambassade des États Unis et de l’Afrique du Sud.
14. La MOE UE salue la volonté et les efforts de l’administration électorale pour privilégier le caractère inclusif de la participation des Maliens au vote en organisant un processus de vote à l’étranger, incluant les réfugiés. Cependant, les nombreuses difficultés logistiques, ainsi que les défaillances dans l’enregistrement et le recensement, ont fortement diminué la possibilité réelle pour ces réfugiés d’exercer leur droit.
15. Les deux scrutins, évalués positivement par tous les acteurs nationaux et l’ensemble de la communauté internationale, se sont déroulés dans le calme et la discipline. La localisation des BV, les opérations de vote et de dépouillement, ainsi que les performances des membres de BV vis-à-vis de la validité des bulletins et du remplissage des PV, ont fait l’objet de progrès substantiels lors du second tour. Les résultats ont été consolidés au niveau des commissions locales de centralisation et au MATDAT. Les compilations et la transmission ont été gérées de manière professionnelle et transparente.
16. Les recommandations détaillées de la MOE UE sont formulées à la fin de ce rapport. Elles s’adressent aux autorités du Mali, particulièrement dans la perspective de futures élections. La MOE UE attire l’attention sur les plus importantes d’entre elles, à savoir : i. Compléter et clarifier le cadre réglementaire établi par le MATDAT en cohérence avec les dispositions de la Loi électorale.
ii. Le système d’administration électorale existant et l’actuelle composition du Comité de pilotage pourraient être maintenus pour la préparation immédiate des élections législatives.
iii. Le fichier biométrique 2013 pourrait être rendu plus inclusif par (a) l’intégration de tous les Maliens dotés d’un récépissé d’enregistrement; (b) la production et la délivrance de la carte NINA aux électeurs avec lieu de résidence inconnu; (c) une nouvelle révision des listes électorales par les Commissions Administratives d’Etablissement des Liste Electorales (CAELE), avec une attention particulière portée aux déplacés et aux réfugiés.
iv. L’administration électorale pourrait pérenniser la transparence et la traçabilité des résultats désagrégés par BV, ainsi que leur mise à disposition immédiate aux citoyens sur Internet pour pouvoir vérifier la bonne prise en compte des résultats de leurs BV dans les résultats définitifs.
v. Le recensement général des votes devrait absolument bénéficier d’une clarification des procédures, en apportant toutes les précisions nécessaires pour le rendre transparent. Lemodus operandi du traitement des PV devrait être établi au préalable et être rendu publicerga omnes. Le relevé des causes d’annulation des votes dans un BV ou la possibilité de l’invalidation du BV entier devraient être établis a priori.
La décision de déployer une Mission d’Observation Électorale de l’Union européenne au Mali (MOE UE Mali 2013) a été prise suite à l’invitation reçue du gouvernement de la République du Mali le 21 mars 2013. Il s’agit de la première Mission d’Observation Électorale déployée par l’Union européenne (UE) dans le pays. Forte de 100 observateurs, venant de 27 des 28 Etats membres ainsi que de la Norvège et de la Suisse, pays partenaires pour l’observation, cette Mission est indépendante des Etats membres, de la Commission européenne et du Parlement européen. Installée le 21 juin à Bamako, la MOE UE Mali 2013 observe l’élection présidentielle, dont le premier tour le 28 juillet et, le cas échéant, le second tour le 11 août, et reste présente jusqu’au terme du processus électoral.
Source: maliweb