Dans une note rendue publique, le 19 février 2024, l’Organisation Non Gouvernementale International Crisis Group souligne que la décision des autorités maliennes d’ouvrir un dialogue inter-maliens, quelques semaines après la reprise de Kidal, redonne une chance à la négociation. « Ce dialogue inter-maliens ouvre de nouvelles perspectives de résolution politique du conflit, que l’ensemble des protagonistes devraient saisir plutôt que de s’enliser dans un conflit sans vainqueur définitif possible », selon International Crisis Group.
Selon l’ONG Crisis Group International, la situation actuelle est marquée par une forte incertitude sur la forme que pourrait prendre, à terme, le conflit au nord du Mali. Il semble peu probable, souligne l’ONG, que la reprise de Kidal mette un terme à un conflit décennal, aux racines politiques profondes. « Les belligérants peuvent remporter des batailles, mais aucun ne semble en mesure de remporter la guerre par la seule voie des armes. Pour les autorités maliennes, le défi immédiat est de conserver le contrôle de Kidal. Elles y ont concentré d’importants moyens militaires, dont des milliers de soldats, des véhicules blindés et des moyens aériens, mais il est difficile de dire combien de temps elles pourront maintenir un tel dispositif forcément coûteux et qui fait courir le risque de dégarnir d’autres fronts », explique International Crisis Group. Par ailleurs, poursuit l’ONG, même en ayant concentré de telles ressources militaires, ces ressources ne suffisent pas à établir un contrôle sur les vastes zones désertiques autour de Kidal et plus largement de l’immense région du nord malien. « Dans ces zones rurales, les insurgés séparatistes et jihadistes, qui n’ont pas épuisé leurs forces dans la bataille de Kidal, pourraient relancer des actions de guérilla, en harcelant les patrouilles et les convois logistiques de l’armée», selon l’ONG.
Un processus politique pour le règlement de la crise
Pour international Crisis Group, le conflit actuel a accentué la polarisation au sein de la population malienne, en particulier dans les régions du nord, entre ceux qui soutiennent les autorités à Bamako et ceux restés proches du CSP. « Cette polarisation menace directement la coexistence pacifique entre ces communautés, dans un pays déjà confronté à un défi de réconciliation nationale. La situation actuelle présente un dernier risque important pour le Mali. Les groupes jihadistes pourraient être les grands gagnants du conflit armé qui oppose les forces gouvernementales aux groupes du CSP», affirme l’ONG.
Selon International Crisis Group, la reconquête de Kidal par les Fama représente un succès majeur pour les autorités de transition. Cependant, précise l’ONG, cette victoire est loin de marquer la fin du conflit et l’amorce d’une paix durable. « Au mieux, les autorités maliennes pourront consolider leur présence dans les principaux centres urbains du nord, mais sans pouvoir asseoir leur domination sur les vastes zones rurales qui les entourent. Au pire, elles pourraient s’embourber dans un engrenage de violence, mettant à l’épreuve à la fois les forces armées et les populations civiles qu’elles cherchent à protéger. Ainsi, il est difficile d’imaginer le rétablissement de la paix dans le nord du Mali sans un processus politique favorisant le dialogue et la réconciliation entre les parties en conflit», selon International Crisis Group.
L’ONG souligne que la décision des autorités maliennes d’ouvrir un dialogue inter-maliens, quelques semaines après la reprise de Kidal, redonne une chance à la négociation. Selon elle, ce dialogue inter-maliens ouvre de nouvelles perspectives de résolution politique du conflit, que l’ensemble des protagonistes devraient saisir plutôt que de s’enliser dans un conflit sans vainqueur définitif possible.
International Crisis Group affirme que dans le cadre de ce nouveau processus, trois options se présentent aux autorités de transition : un dialogue national avec les forces vives ; un dialogue avec les groupes armés signataires, notamment le CSP, permettant de traiter des questions spécifiques telles que le désarmement et la réintégration des anciens combattants ; et enfin un dialogue élargi à tous les groupes armés, y compris jihadistes, présents sur le territoire national. « Chacune de ces options comporte des avantages certains, mais aussi des limites non négligeables. Les autorités pourraient d’ailleurs les envisager comme trois séquences complémentaires d’un même processus qui chercherait à devenir de plus en plus inclusif », précisé l’ONG.
Selon ICG, la solution politique est un chemin long et semé d’embûches, comme le montre l’échec de l’accord de paix d’Alger, aujourd’hui enterré. C’est pourtant, explique l’ONG, la voie qui offre les meilleures chances d’une paix et d’une stabilité durables pour le nord du Mali. « En l’empruntant, les autorités pourraient consolider leurs récents gains militaires et améliorer leurs chances d’atteindre une stabilité politique durable au Mali. Elles remporteraient un succès historique en rassemblant et en réconciliant durablement les Maliens entre eux », conclut l’ONG.
Madiassa Kaba Diakité
Source : Le Républicain