Notre héros de la semaine dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?” s’appelle Yatma Diop. Son nom renvoie à l’image de ce jeune rouquin que l’on voyait filer sur le couloir droit du Stade malien de Bamako ou des Aigles du Mali. C’est sur lui que le coach feu Mamadou Keïta dit Capi bâtissait son système de jeu pour créer les actions offensives. Face à la Tunisie, à l’ouverture de la CAN 1994, c’est lui qui, d’un retournée acrobatique, décala sur le flanc gauche Soumaïla Traoré dit Soumaïlaba, lequel sert Fernand Coulibaly qui assassina le portier tunisien et plongea le peuple du pays hôte dans un deuil national. Avant-centre de métier partout où il a passé, sa reconversion comme latéral gauche en 1992 suite à une défaillance dans le bastion défensif du Stade malien de Bamako, a donné une autre dimension à sa carrière. Yatma ne quittera plus ce poste, surtout qu’à l’époque, il a occasionné beaucoup de buts par ses montées sur le couloir gauche.
Durant sa carrière sportive, Yatma n’a pas connu de zones de turbulence ou de traversée du désert. Chaque fois qu’il se sentait en désarroi, une situation alternative s’est créée. Devenu formateur après sa retraite, il dirige actuellement l’encadrement technique des Blancs de Bamako, après le départ du titulaire Nouhoun Diané. Notre rencontre nous a permis de découvrir d’autres facettes de sa vie.
atma est marié et père de 4 enfants, dont 3garçons. Le premier est un grand basketteur de la Commune II, mais son père est formel qu’il ira au Stade malien de Bamako bientôt. Son cadet est un mordu du football, seulement Yatma tient à ce qu’il étudie d’abord. Le benjamin dort et se réveille pratiquement avec le ballon. Il rejoindra très prochainement le centre de formation des Blancs de Bamako. Voilà ce qu’on appelle en Anglais “The family Stade malian of Bamako”.
Priorité : les études, finalité : le football
Dans la vie, Yatma n’aime que le football, il déteste l’hypocrisie. A-t-il tiré profit de sa carrière footballistique ? Pour répondre à cette question, il est à l’aise en affirmant qu’il doit tout à la discipline.
C’est à Koutiala qu’il a fait ses débuts dans le football. Dans la capitale de l’or blanc, il n’a pas évolué dans aucune des équipes locales, parce que ses parents donnaient la priorité aux études au détriment du football. Il se limitait aux compétitions scolaires.
Yatma est orienté au Collège Technique Moderne de Sikasso après son admission, en 1989, au DEF (Diplôme d’Etudes Fondamentales). Hébergé chez sa grande sœur, les dirigeants des équipes régionales le découvrent dans le sport de masse et les tournois interscolaires. Face aux démarches et sollicitations, Yatma Diop n’hésitait pas à leur dire qu’il est à Sikasso plus pour étudier et avoir un diplôme que pour jouer au football. Mais, “A cœur vaillant, rien d’impossible”, dit-on. Un boucher d’un certain âge du nom de Kalifa a tellement insisté que son beau-frère a fini par plaider sa cause. Il conseilla au jeune Yatma de tenir compte des cheveux blancs du vieux, pour accepter de jouer au Stade malien de Sikasso. Cela s’est passé en 1990. Au retour de Bamako pour le tournoi de la montée en première division, il croisa sur son chemin l’ancien ministre Yéhia Ag, à l’époque dirigeant du Stade malien de Bamako.
En éliminatoires de la coupe du Mali contre le Tata, il marqua un but anthologique qui enflamma les gradins. A la mi-temps, Ag lui dit qu’il est au-dessus du lot, et du coup il lui propose le Stade malien de Bamako. A partir de cet instant, tout s’accéléra. Ag lui remet le transport pour Bamako et Cheick Diallo le reçoit à l’hôtel Hirondelles pour les formalités de son transfert.
Yatma Diop retourne à Sikasso pour reprendre ses études. Son long silence intrigua les dirigeants stadistes. Très jeune au moment des faits, il ignorait avoir engagé sa responsabilité juridique en signant la licence au Stade malien de Bamako.
Comment les tractations ont-elles abouti à son installation définitive à Bamako ? Yatma Diop donne des détails précis : “Je suis retourné à Sikasso après avoir signé la licence. Quand les dirigeants du Stade m’ont interpellé par rapport à mon silence, je les ai fait savoir que ma priorité reste les études. Il fallait que j’aie un diplôme avant d’entreprendre quoi que ce soit. Quelques jours après, le directeur de l’école m’a signifié que je ne fais plus partie de son effectif. Yéhia Ag avait pris mes dossiers pour me transférer au CTM de Bamako. Devant mes parents, Ag prend l’engagement de me payer immédiatement une moto, et dix mille (10 000) francs CFA par mois. Je suis au regret d’affirmer qu’il n’a pas honoré ses promesses. Ma timidité de ne pas vouloir réclamer quelque chose a favorisé aussi certaines attitudes à mon égard. Ce qui ne m’a pas découragé. J’ai continué les entrainements, tout en construisant virtuellement mon avenir à travers le football. Dieu merci, tout s’est bien passé par la suite pour moi. Je précise aussi que je n’en veux nullement à Ag, pour la simple raison que ma réussite dans le football, et tous ces avantages dont j’ai bénéficiés sont consécutifs à son initiative de me transférer au Stade. Dans la vie, l’on doit éviter d’être ingrat”.
Yatma Diop passa ainsi sept ans au Stade, un parcours couronné par six coupes du Mali (1990, 1992, 1994, 1995, 1997, 2001), trois titres de champion (1993, 1995, 2001) et deux doublés (1995, 2001).
Formateur inattendue, formateur toujours !
En 1998, il prend du recul pour soigner son mal de genou. Ce qui le conduira à l’AS Nianan de Koulikoro pour deux ans (1999-2001). Au terme du prêt dans le Méguetan, Yatma Diop reprend les entrainements au Stade, sans véritablement s’imposer. La raison ? L’encadrement technique dirigé par le Ghanéen Abdoul Razak ne lui accorde pas le maximum de temps de jeu. En 2002, cette situation, qui s’ajoute au décès de sa grande sœur ont précipité son éloignement des terrains. Il a préféré s’occuper de ses neveux à la maison. Pour ne pas rester inactif, Yatma se donne une occupation. Chaque soir, il se décarcassait dans le parc zoologique. Diofolo Traoré qui préparait la saison avec l’ASB le convainc de signer la licence dans son club. Pour la circonstance, il lui dopa le cœur, tout en le rassurant que la vie est un combat, et que l’homme ne doit pas du tout se décourager pour se faire un chemin. Yatma n’y passera que quelques mois pour avoir été blessé avant la fin de la saison. En 2004, les jeunes de l’AS Mandé sont venus le chercher pour renforcer l’équipe communale. Il accepta la sollicitation, mais en réalité il n’avait plus envie de continuer à jouer au football. La même année, Yatma Diop ne termine pas la saison, il raccroche définitivement pour gérer le dépôt de boisson de son frère à Djélibougou.
De façon inattendue, il devient formateur des jeunes, et aujourd’hui entraineur du Stade malien de Bamako. Comment ? L’enfant de Koutiala explique : ” Mon ainé Tjoukan qui logeait non loin de mon dépôt de boisson, m’invita au terrain d’entrainement du Stade en 2005, pour affaire me concernant. Quelle ne fut ma surprise quand il m’a dit que désormais je serai son adjoint pour encadrer les juniors du Stade. Tout est parti de là. J’ai entrepris des formations d’entraineur pour assoir ma connaissance du football. Déjà, l’équipe sénior a été déclarée championne avant la dernière journée. Et pour terminer la compétition, j’ai eu l’honneur de conduire les juniors pour affronter l’AS Réal. A l’arrivée du coach Mohamed Magassouba, en 2007, les dirigeants ont choisi Boubacar Gueye et moi pour le seconder. Après le limogeage de Magassouba pour insuffisances de résultats, son remplaçantn , Cheick Diallo m’a gardé dans le staff. Pour diverses raisons, il a été décidé que je m’occupe de mes juniors. En 2008, mes jeunes joueurs, entre autres, Boubacar Sylla, Makoun, Moussa Coulibaly, Makan Konaté, Souleymane Diarra, Bourama Coulibaly etc. ont remporté le titre de champion de leur catégorie.
L’essentiel de l’effectif de l’entraineur ivoirien du Stade, Lassina Koné dit Pereira, était constitué de mes juniors. J’ai été son adjoint avant de démissionner. La suite de toutes ces aventures me conduira au champ Hippique pour entrainer l’Espérance de Médine, une équipe de Mamadou Sow, et ce jusqu’en 2015 quand le président Boukary Sidibé dit Kolon chargea Cheick Diallo de me faire revenir à la maison, pour m’occuper des juniors. Deux ans après, Mamoutou Kané dit Mourlé m’a fait appel pour le seconder au niveau de l’équipe sénior. J’y suis toujours”.
Pour revenir en arrière, rappelons que Yatma Diop a également écrit l’une des plus belles pages de l’histoire du football malien avec les Aigles. Pour la première fois, il est sélectionné en équipe nationale junior en 1989. Ensuite, c’est avec les Aigles, sous la houlette du coach Molobaly Sissoko, que l’enfant de Koutiala s’est fait distinguer par ses prestations lors des éliminatoires de la CAN de Tunis 1994 et pendant la phase finale pilotée par Capi.
Ses bons souvenirs sont entre autres les éliminatoires la CAN de Tunisie 1994, la coupe du Mali remportée en 1992 contre l’AS Réal, son brassard de capitaine à l’AS Nianan de Koulikoro.
Son seul mauvais souvenir date de 1997, c’est sa blessure au genou.
O. Roger Sissoko
Source: Aujourd’hui