Nous sommes arrivés au siège du Haut conseil des collectivités le lundi dernier à 10 h 12 précises. A l’accueil, la chair de poule parce que la cour de l’ex-Comité militaire de libération nationale (CMLN) nous fait revivre deux événements historiques de notre pays. Notre première fois d’y entrer date du 28 février 1978. Candide, nous avons accompagné des aînés pour leur motion de soutien au président Moussa Traoré, qui venait d’arrêter la Bande des trois : les lieutenants colonels Kissima Doukara, Karim Dembélé et Tiécoro Bagayoko. La deuxième fois, c’était le 18 juillet 1991, lors d’une grande marche qui nous a conduits dans ce lieu historique pour soutenir la Transition après l’annonce d’une tentative de coup d’Etat dirigée par le commandant Lamine Diabira. Ce jour-là, le président ATT, dans sa tenue de commando, pistolet au flanc, faisait penser à un certain Thomas Sankara. Notre troisième fois dans l’ex-CMLN n’est pas lié à un fait historique, mais s’inscrit dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. Notre héros de la semaine s’appelle Ousmane Mahalmoudou Maïga, journaliste-réalisateur et ancien directeur général de l’Agence malienne de presse et de publicité (Amap). L’homme, pétri de talent au plan littéraire, s’est adapté à la déontologie de la presse. Un milieu qu’il a découvert à la demande du ministère de l’Information. Pourquoi et comment ? Quelle fut sa carrière ? Ses anecdotes ? L’enfant de Tombouctou retrace sa carrière dans “Que sont-ils devenus ?” Autant il se réjouit de la prolifération des journaux, autant il s’offusque du non-respect de la déontologie du métier. Pour lui, les jeunes journalistes ne sont intéressés que par l’argent.
Ousmane Mahalmoudou Maïga dit Pelé. Enseignant, journaliste-réalisateur, l’homme a une pédagogie extraordinaire. Après les salamalecs d’usage, l’interview commence par les anecdotes que l’homme a vécues. Il en retient deux. “Lors de la guerre Mali-Burkina, j’ai été désigné pour un reportage sur l’arrivée des prisonniers de guerre burkinabés. Le premier qui s’est présenté est un Maïga, un Malien qui combat ses frères. Mieux, nous avons échangé en sonrhaï. Quelques années après, je suis parti en mission au Burkina avec un président malien. Avant le début de la cérémonie, les délégations de journalistes et autres cadres attendaient sur l’esplanade. Brusquement une voix a retenti et demandait à Maïga de rejoindre la salle. J’ai couru pour répondre à l’appel, mais le chef du protocole m’informa qu’il s’agit plutôt d’un garde du corps du président Blaise Compaoré. Une fois de plus cela m’a marqué”.
Avec les pieds arqués et le surnom Pelé, l’on devine logiquement que notre héros du jour jouait au football. Effectivement, il a joué au ballon du second cycle au lycée, avec à la clef un match de Coupe du Mali avec l’Association sportive de Tombouctou.
Pourquoi n’avait-il pas intégré un club ? Ses parents ne voulaient pas qu’il joue au ballon parce que Pelé était très faible. La priorité était donnée aux études. Une fois à Bamako pour les études supérieures, il ne s’est entraîné avec le Stade malien de Bamako que pendant une semaine. Son emploi du temps à l’EN Sup l’obligeait à mettre une croix sur le football.
C’est en 1973 qu’il passe son baccalauréat au lycée de Tombouctou. Ses études supérieures le conduisent à l’Ecole normale supérieure (EN Sup). A sa sortie de cet établissement en 1977, il intègre directement la fonction publique et est affecté au lycée de Jeunes filles pour y enseigner la philosophie.
En avril 1978, Pelé quitte définitivement l’enseignement pour la simple raison que le ministère de l’Information a décidé de recruter des enseignants pour servir au quotidien national “L’Essor” en qualité de secrétaires de rédaction.
Pelé profite de cette aubaine et bénéficie un an plus tard d’une bourse d’études sur la Roumanie à l’Académie Stefan Ghorgui. Au bout de deux ans (1979-1981), il obtient une licence en journalisme. Du statut d’enseignant, il devient alors journaliste-réalisateur. Commence donc pour l’enfant de Tombouctou une longue carrière au sein de l’Amap.
Jagger au rebond
Comme tous les journalistes, il touche à tout. Il s’est surtout intéressé aux reportages sportifs. Passionné de football, il est paradoxalement affecté au basket-ball. Novice dans cette discipline, et de peur de passer à côté, il se rapproche de Mamadou Kouyaté dit Jagger, pour mieux comprendre les B.a.-ba et les techniques de la balle au panier. Son courage et l’envie de réussir lui permettent de surmonter les obstacles.
Le contact de Jagger lui permet de se familiariser avec la plume dans un domaine bien précis. Ce qui lui vaut des voyages avec différents présidents, à commencer par le général Moussa Traoré, les différentes équipes nationales de basket-ball. Pelé n’a donc pas pris l’ascenseur pour atteindre le sommet. C’est plutôt son engagement, son sérieux et l’amour du métier, qui lui ont permis de passer par les escaliers pour être directeur général de l’Amap, après avoir occupé les postes de rédacteur en chef adjoint, de directeur de publication du quotidien national. Pelé a fait valoir ses droits à la retraite le 31 décembre 2015, après 37 ans de service.
L’opposition malienne (Coppo, FDR, la coalition Antè A Bana) a toujours dénoncé le traitement partiel et complaisant réservé à ses activités par les médias publics. Notre héros de la semaine, qui, en plus d’avoir été un journaliste de terrain et occupé de hautes fonctions, est censé être la personne idéale pour répondre à ces accusations. Quelle explication à cette plainte de l’opposition ? Quel rapport entre le département de tutelle et l’Amap ?
La loyauté chevillée au corps
“La notion de hiérarchie existe toujours entre un ministère de tutelle et ses directions centrales, ou services rattachés. Durant ma carrière à L’Essor, je n’ai pas souvenance que des consignes ont été données, concernant l’opposition. Le quotidien national respecte sa ligne éditoriale. Je me rappelle quand même qu’un ministre de la Santé s’est plaint de la position de son activité à la Une au profit de celle du ministère de la Communication. C’est le gouvernement qui nous paie, comment pouvons-nous critiquer la même institution ? D’où ma conclusion sur la relativité de la liberté d’expression”.
Quel peut être le secret d’un directeur général de l’Amap ? Pelé soutient que son secret résidait dans la confiance qu’il plaçait en ses journalistes, notamment Salim Togola, Souleymane Bobo Tounkara, Bréhima Touré. Pour lui, un directeur n’est pas au-dessus de la loi. C’est la raison pour laquelle malgré son statut de grand chef, il mettait tout le monde à l’aise. Mieux, il sortait dans la cour, pour prendre du thé avec les chauffeurs et les plantons.
A-t-il vécu des moments forts dans sa carrière ? Oui répond-il. Mais alors lesquels ? La couverture du Sommet sur la terre au Brésil en 1992, où il a eu l’opportunité de voir son homonyme, la prestation des Maliens à la Can de basket-ball au Caire, sa nomination comme directeur général de l’Amap.
Grand supporter des Aigles, quelle est son analyse de leur prestation à la dernière Can ? D’emblée, il s’oppose au limogeage du coach Mohamed Magassouba parce qu’il ne détient, selon lui, que l’aspect technique, le reste est géré par les joueurs. Pour lui, Magassouba a fait ses preuves en Afrique centrale. Autrement dit, c’est un homme qui peut apporter beaucoup au football malien. Il approuve cependant la décision du président de la Fémafoot de créer un collège d’entraîneurs autour du principal. Toutefois, Pelé estime que les Aigles n’étaient pas en mesure de remporter la dernière Can. Il se réjouit même de leur élimination, “parce que le Sénégal allait humilier le Mali en quarts de finale”.
Pelé est marié et père de six enfants, dont deux filles. Il aime le sport, plus particulièrement le football, le cinéma et la lecture. Il déteste la trahison, le complexe.
Depuis sa retraite en 2015, il occupe le poste de chargé de communication au Haut conseil des collectivités territoriales.
O. Roger
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