Koura Traoré est une ancienne internationale du Stade malien de Bamako et du Djoliba AC. Elle a pris sa retraite en 2003 du fait que sa génération était en fin de cycle. Parvenue à la conclusion que son avenir s’annonçait sombre et qu’elle n’était plus cette étoile qui brille, elle s’envole pour la France. Dès son arrivée dans l’hexagone, elle s’est contentée des emplois temporaires jusqu’à acquérir la nationalité française et décrocher au finish un boulot régulier avec tout ce que cela peut renfermer. Mariée et mère de trois enfants, son plat préféré de cuisson est le fonio, même si elle soutient être spécialiste de toutes les sauces maliennes. Pour aborder ses bons souvenirs, Koura parle de toutes ces relations créées par le basketball, les différentes coupes remportées, les matches de clubs champions avec le Djoliba AC. Son seul mauvais souvenir résulte de sa déception au Stade malien de Bamako ayant provoqué son transfert au Djoliba.Faudrait-il rappeler que Koura Traoré a été meilleure marqueuse deux fois de suite (1995, 1996) et reine en 1997. Qui est Koura Traoré ? Quels furent ses débuts dans le basketball ? Pourquoi elle a transféré au Djoliba ? L’ancienne internationale a bien voulu nous entretenir sur sa riche carrière et sa vie en France. C’est dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”.
Comment Koura vit-elle en France ? Est-ce qu’elle demeure cette femme malienne de la société traditionnelle ? Femme africaine, elle l’est toujours. Autrement dit l’aventure et la vie européenne ne lui sont pas montées par la tête, au risque de se perdre dans les valeurs cardinales de notre société. Tout en nous rappelant un passage du roman “Sous l’orage”, qui définit le mari et les enfants comme le plus grand bonheur pour une femme, l’enfant de Médina Coura dit avoir un planning bien soigné : le travail, la cuisine, l’entretien de son mari, et l’éducation de ses enfants, dans un pays où l’autorité parentale a tendance à changer de contenu.
Sur le plan de la vie associative, Koura est en association avec d’autres anciennes basketteuses maliennes, pour maintenir l’élan de solidarité. Chaque mois, une journée récréative est organisée, à tour de rôle. Comment ladite association fonctionne ? Koura répond : “Nous avons créé sur Whatsapp un groupe d’anciennes basketteuses de notre génération. Les informations d’ordre général (baptême, mariage, décès), et sur le basketball sont partagés et discutés. Parallèlement, il y’a des sous-groupes en fonction de la position géographique des unes et des autres. Nous qui sommes en France, organisons chaque mois une journée récréative à tour de rôle. Nos autres camarades en font autant. Une fois à Bamako, nous intégrons d’emblée le sous-groupe de Bamako pour participer à ses différentes activités durant notre séjour. Bref nous emboitons le pas à nos ainées : Guinto, Sali, Bébé Diallo, Waraba 10, Fifi, qui ont été toujours de vraies amies en dehors du terrain.”
Originaire du quartier populaire de Medina Coura à Bamako, Koura a appris en 1985 les B.A.B.A du basketball dans les catégories d’âge de l’AS Réal de Bamako, où elle n’atteindra pas sa maturité. Deux raisons fondamentales l’ont poussée à quitter pour le Stade malien de Bamako : la valeur et la qualité du jeu des Blancs, et la retraite annoncée de certains cadres.
A son âge, comment elle pouvait prétendre jouer dans un grand club comme le Stade ? Koura dit qu’elle a décidé d’être l’un des portes flambeaux de son quartier, Médina Coura dans l’élite du basket-ball malien. Les choses ne se sont pas du tout compliquées pour la nouvelle transfuge.
Admise au prime à bord dans la catégorie junior, Koura Traoré est vite invitée à intégrer l’équipe senior. Parce que l’entraineur Amadou Daouda Sall a très tôt décelé chez elle des atouts qu’il pouvait forger pour faire de la jeune dame, une perle rare. Cette métamorphose dont rêvait le technicien ne relevait ni du miracle, ni de l’utopie. Et pour cause : tout d’abord, Amadou Daouda Sall était un pédagogue qui avait le don de fixer à jamais dans l’esprit de ses protégées la bonne pratique du basketball ; ensuite Koura avait ce désir d’être une basketteuse à l’image de ses sœurs et tantes de quartier, qui ont eu à donner une renommée à Médina Coura.
Nouvellement affectée à la catégorie senior (où évoluaient déjà les Fatoumata Berthé “L’Homme”, Fatoumata Kéïta “Mamio” et Mariam Diarra “Bozo”, trois légendes du Stade malien et de l’équipe nationale), Koura Traoré n’avait pas ce physique imposant comme par exemple les Astou N’Diaye et Djénébou Touré.
Chétive et de taille moyenne, elle maintient toujours sa forme du début à la fin de la saison. L’histoire retient qu’elle fait partie de la génération des joueuses résistantes et rebelles qui ont contesté jusqu’au dernier souffle la hiérarchie décennale du Djoliba AC de la très belle époque ; ce Djoliba qui dominait le basketball malien dames, dans tous les sens, et sur toute la durée des saisons. Koura et quelques partenaires ont tenu le Stade malien à bout de bras. Elle a été extrêmement influente dans le jeu, en raison de sa rapidité dans la finition, sa mobilité sur le terrain, et surtout son adresse sous le cerceau. Voilà aussi une joueuse sur laquelle le public pouvait compter pendant tout le temps d’un match. Tant qu’elle était sur le terrain, le match était loin d’être perdu par son club.
“J’aime le Stade, mais… “
Pour le Stade malien, Koura se battait par amour, puisqu’elle est née d’une famille de Stadistes. Son père avait le Stade dans l’âme. Donc, Koura a grandi dans cette atmosphère, et dans cette situation. De cœur et d’esprit, elle ne vivait et ne respirait que par le Stade malien de Bamako, pour lequel son engagement était total. Si bien que dans les situations les plus difficiles, elle tirait toujours d’elle les ressources nécessaires pour renforcer, galvaniser et soutenir ses partenaires jusqu’au bout d’une victoire. C’est dans cette dynamique que Koura Traoré a remporté avec le Stade malien trois coupes du Mali (1991, 1992, 1993), sans compter les différentes éliminatoires de compétitions inter continentales.
Mais hélas ! Malgré cet amour prononcé pour son club de cœur, Koura a répondu à l’appel du grand rival, le Djoliba en 1994 qui l’a embarquée, non sans avoir fait mal à tous ces amis, ses admirateurs. Ce transfert a fait le bonheur des Rouges, dont elle a renforcé l’effectif dans la perspective des joutes continentales.
Le Djoliba était un passage forcé, sous la forme d’une virgule. Seulement, elle a quitté le Stade, contre sa volonté. Aujourd’hui, Koura recadre l’épisode : “Il est évident que tous les dirigeants cherchent à débaucher les meilleures joueuses. En tant que Stadiste bon teint, mon transfert au Djoliba peut paraitre logiquement incompréhensible. Mais au Stade, à un moment donné, l’atmosphère était délétère. Certaines joueuses étaient jalouses par rapport à mon traitement. J’avais de la peine à me défaire de ce climat, qui se manifestait même sur le terrain. J’étais obligée de partir au profit au Djoliba, dont la direction m’a remise un terrain à usage d’habitation, une moto et une forte somme d’argent”. Ainsi se referma la belle histoire de Koura Traoré dans la famille blanche.
Dans son nouveau club, elle prend également les choses en main, comme à ses débuts au Stade. Locomotive ou gouvernail ? Ce qui est sûr, Koura Traoré était devenue la source d’inspiration du Djoliba, pour avoir contribué à maintenir rayonnante l’image des Rouges déjà suffisamment brillante. Et ce durant dix ans (de 1994 à 2003). A la clé, un palmarès rayonnant : sept coupes du Mali (1997, 1998, 1999, 2000, 2001, 2002, 2003).
Koura Traoré a fait pratiquement douze ans en équipe nationale (1991-2003). En plus des Jeux de la Francophonie, elle a participé trois phases finales de championnat d’Afrique féminin : Dakar ( 1993), Kenya ( 1997), Mozambique ( 2003).
Dans la vie, Koura aime la santé et la paix ; elle déteste l’hypocrisie.
O. Roger Sissoko
Source: Aujourd’hui-Mali