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Promotion de la bonne gouvernance: réussir là où les autres ont échoué ?

Le Plan d’Action du Gouvernement de Transition validé par le Conseil national de transition, le lundi 22 février, consacre un axe entier à la promotion de la bonne gouvernance. Pour la mise en œuvre de cette ambition, les autorités de la Transition se donnent le devoir de restaurer l’autorité et l’utilité sociale de l’État à travers la fourniture des services sociaux de base ; promouvoir la citoyenneté et le civisme à travers l’éducation et la culture ; renforcer la lutte contre l’impunité et accentuer la lutte contre la corruption ; rationaliser les dépenses publiques en réduisant le train de vie de l’État ; auditer la gestion des fonds alloués aux secteurs de la sécurité, de la défense et de la justice dans le cadre des lois d’orientation et de programmation.

 

Le combat pour la promotion de la bonne gouvernance n’est pas un chantier nouveau au Mali. Tous les régimes en ont fait leur cheval de bataille. Malheureusement, les résultats escomptés tardent à voir le jour. Le défi reste presque entier. Il s’agit à travers des actions concrètes de répondre aux attentes des Maliens pour une meilleure gouvernance. Pour ce faire, les autorités doivent impulser un développement équitable, renforcer la participation citoyenne, améliorer l’accès à la justice, lutter contre la corruption et promouvoir la réconciliation, entre autres. Aujourd’hui, les Maliens attendent une rupture dans le mode de gouvernance, avec des mesures contre la corruption et les abus de pouvoir de la part des agents publics, le respect des droits des citoyens y compris pour exercer un contrôle de l’action publique, ainsi qu’une répartition plus équitable des actions de développement à travers le pays. Il reste à voir si les autorités de la transition réussiront à relever le défi de la bonne gouvernance pendant 13 mois, sachant que d’autres ont échoué durant des années ?

Priorité 1 : l’autorité et l’utilité sociale de l’État
Pour promouvoir la bonne gouvernance qui est une attente forte des Maliens, la première priorité que se donnent les autorités de la Transition est de restaurer l’autorité et l’utilité sociale de l’État à travers la fourniture des services sociaux de base. Cet engagement est important dans la mesure où les événements de 2012 qui ont conduit à l’occupation de la partie septentrionale de notre pays ont entrainé le retrait des agents de l’État sur plusieurs parties du centre et du nord du pays. Beaucoup de ces localités sont toujours en proie à l’insécurité et les services de l’État ne sont plus opérationnels. Aujourd’hui, malgré le retour progressif de l’État, l’accès limité des citoyens aux services sociaux de base renforce le sentiment que les pouvoirs publics ne sont toujours pas en mesure de répondre entièrement à leurs attentes.
En 2019, les Comités exécutifs nationaux des syndicats autonome des administrateurs civils (SYNAC) libre des travailleurs du ministère de l’Administration territoriale (SYLTMAT) ont tenu une réunion conjointe extraordinaire sur la situation sécuritaire des représentants de l’État dans la région de Mopti. À l’issue de ladite rencontre, les deux syndicats ont rappelé leurs membres à rejoindre le cercle de Mopti ou les localités sécurisées les plus proches. En effet, exposés à des risques d’agression, les membres des comités exécutifs nationaux du syndicat autonome des administrateurs civils (SYNAC) et du Syndicat libre des travailleurs du ministre de l’Administration territoriale (SYLTMAT), à travers leurs responsables, ont jugé nécessaire d’évaluer la situation sécuritaire des représentants de l’État dans la région de Mopti. Cette décision a été prise juste après l’attaque meurtrière contre le village de Sobane Da où des dizaines de personnes ont trouvé la mort. C’est dire que la volonté des nouvelles autorités d’œuvrer pour restaurer non seulement l’autorité de l’État, mais également son utilité pour les citoyens à travers est salutaire.

Plus concrètement, au niveau de l’Administration territoriale et de la Justice, la Transition entend procéder au recrutement de personnel dans la Fonction publique des collectivités territoriales (administration générale, éducation, santé et développement social, emploi et formation professionnelle) ; renforcer le pôle judiciaire spécialisé de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée ; assurer la présence effective de la Justice sur toute l’étendue du territoire national et intensifier la communication sur les actions de la justice.
La décision de recruter dans la fonction publique répond à une exigence de l’UNTM qui prône l’adoption d’une politique de recrutement massif des jeunes (Point 11 des Accords) non mise en œuvre de 2019 à 2020. Pour l’UNTM, la fonction publique d’État devrait recevoir pour l’année 2019, 8 600 jeunes. Cela n’ayant pas été respecté, elle exige qu’en 2021 près de 20 000 jeunes soient recrutés pour pallier les dysfonctionnements de la Fonction publique, et respecter les engagements signés.
Au niveau de la santé et du développement social, l’équipe du Premier ministre Moctar OUANE s’engage à réhabiliter et équiper 20 Centres de santé communautaire (CSCOM) et 06 Centres de santé de référence (CSREF) ; recruter et redéployer 163 agents de santé de qualité et 926 agents de santé communautaire ;

construire 20 centres de santé communautaires et 05 maternités en collaboration avec les collectivités territoriales bénéficiaires ; assurer la prise en charge médicale de 15 000 personnes en situation de précarité immatriculées au RAMED (Régime d’Assistance médicale) et immatriculation au RAMED de 30 000 nouvelles personnes et prendre en charge 250 pupilles de la nation.
Sur le chantier des infrastructures, de l’équipement, des transports, de l’énergie, de l’eau et du numérique la promesse des nouvelles autorités est grande. Elles donnent l’assurance de poursuivre et d’achever les travaux d’infrastructures routières ; de libérer la zone aéroportuaire de Bamako-Sénou des occupations illicites ; de mettre en œuvre le Plan de relance du trafic ferroviaire de voyageurs et de marchandises sur l’axe Bamako-Dakar ; de mettre en œuvre du Plan de libération des servitudes et des lits des collecteurs naturels du District de Bamako des occupations illicites en vue de lutter contre les inondations ; de mobiliser les ressources afin d’achever les logements sociaux en cours de construction sur l’ensemble du territoire ; réaliser l’Interconnexion 225 kV Guinée – Mali (Sanankoroba-Frontière Guinée) ; réaliser le projet de Centre national de conduite (CNC) et du doublement de la capacité de la centrale hydroélectrique de Sotuba d’une puissance de 6 MW ; réaliser des points d’eau modernes (104 Systèmes d’hydraulique pastorale améliorés – SHPA) ; réaliser une station de surpression sur le site des réservoirs de Baco-Djicoroni-Golf ; poursuivre le déploiement de la télévision numérique terrestre (TNT) sur toute l’étendue du territoire national et procéder à l’extension du service de l’accès universel au téléphone à d’autres localités.
Dans ce chantier, l’opération de démolition de la zone aéroportuaire focalise les attentions. Cette opération de démolition des constructions illicites dans la zone aéroportuaire a été lancée en grande pompe par trois ministres de la République, le 14 janvier. Mais, elle a été miraculeusement suspendue pour des raisons qui restent toujours inconnues du grand public. Pour le commun des Maliens, l’État à tout simplement capitulé dans opération. Et dire que les autorités s’engagent à poursuivre cette opération ne peut que laisser les Maliens perplexes.

Priorité 2 : la citoyenneté et le civisme à travers l’éducation et la culture
Pour justifier la pertinence de cette priorité, le chef du gouvernement a soutenu que ‘’le Mali est une nation multiséculaire, riche de sa diversité, construite autour des valeurs cardinales de la citoyenneté, à savoir la civilité, le civisme et la solidarité’’. Il a déploré que ces valeurs, qui ont longtemps structuré et régulé la société malienne, sont malheureusement mises à mal par des comportements nouveaux qui menacent la cohésion sociale.
Ainsi, face à cette situation, le gouvernement s’engage à créer les conditions du vivre ensemble grâce à une école de qualité cultivant le civisme, enracinée sur la culture et ouverte sur le monde. A cet effet, le gouvernement mettra en œuvre les mesures suivantes : information et sensibilisation des agents publics et des citoyens sur les symboles de l’État ; promotion de l’esprit de vigilance et du contrôle citoyen par la formation des acteurs au respect du bien public, au contrôle de l’exécution des budgets, à l’initiation à la dénonciation des biens mal acquis et les pratiques illicites dans la gestion publique ; formation sur la citoyenneté et les droits humains ; sensibilisation par des préceptes religieux, du sentiment de citoyenneté et de la volonté du vivre ensemble ; formation de 500 enseignants à la culture de la paix, de la citoyenneté et du civisme.
En effet, en Afrique l’éducation représente un secteur clé des gouvernements et pour la population. ‘’Ce domaine, en lien avec celui de la citoyenneté, contribue en effet à la construction du pays, son image, ses citoyens et dessine également son avenir proche et lointain. Il recouvre de nombreux enjeux politiques, sociaux et économiques. Toutefois, dans son acception générale, l’éducation est considérée comme l’action de développer un ensemble de connaissances et de valeurs formelles et informelles acquises par l’enseignement scolaire (école laïque, catholique, islamique, protestante, etc.) et non scolaire (famille, centre d’alphabétisation, les classes d’âges, les périodes initiatiques, etc.) considérées comme essentielles pour la formation de tout être humain dans la société malienne. Elle est érigée comme un droit fondamental donc fait partie des stratégies de développement. D’autre part la citoyenneté est ce qui permet à l’individu d’être reconnu comme membre de la société et de participer à la vie de l’État. Elle regroupe un ensemble de comportements, d’obligations vis-à-vis de la société et des autorités. C’est également une composante du lien social qui assigne des droits et des devoirs à l’individu. Toutefois, la notion de citoyenneté est complexe car elle permet de façon intrinsèque à l’individu de penser son rapport avec le collectif, le pouvoir et la chose publique. Ceci implique qu’il ne saurait y avoir un modèle unique de citoyenneté mais des principes qui soutiennent la citoyenneté qui peuvent résulter d’aspirations diverses car nous sommes tous citoyens maliens et appartenons également tous à une culture. La notion de citoyenneté s’applique alors à divers niveaux, du point de vue personnel comme on vient de le démontrer, mais également face à la société. Les droits et devoirs du citoyen vont être divers en fonction du contexte, de l’environnement social. C’est en ce sens que l’éducation doit donner les clés du comportement adéquat. En se référant à ces définitions, la formation et la socialisation du citoyen malien à travers l’éducation ressortent comme des éléments forts qui attirent l’attention’’, peut-on lire dans un document intitulé ‘’quelle éducation pour renforcer la citoyenneté au Mali’’.
C’est dire que cette ambition des autorités de la Transition est pertinente. Il reste à voir si sa mise en œuvre sera une réalité. Compte tenu de la situation que traverse notre pays, la promotion de la citoyenneté et du civisme à travers l’éducation et la culture sera d’un apport indéniable. Le concept d’éducation à la citoyenneté couvre les domaines de la vie sociale tels que les droits humains; l’éducation à la démocratie et la décentralisation; l’environnement et le développement durable ; la bonne gouvernance…

Priorité 3 : la lutte contre l’impunité et la contre la corruption
La fameuse question de la lutte contre l’impunité et la corruption refait encore surface. Malgré les engagements pris par les régimes précédents, cette préoccupation des Maliens semble toujours entière. Pour sa part, le Gouvernement de la Transition entend apporter sa pierre. Le chef du Gouvernement reconnaît que la lutte contre l’impunité et la corruption s’inscrit en droite ligne des préoccupations soulevées par le peuple malien lors des journées de concertation nationale.
Selon lui, elle pose les questions fondamentales relatives à l’amélioration de la gouvernance et à la mise en place d’institutions fortes et crédibles. Une justice saine, accessible, efficace et performante, des vérifications et audits réguliers, le suivi et l’application des recommandations et sanctions qui en sont issues ainsi que la mise en place de garde-fous relatifs à l’enrichissement illicite sont autant de réformes permettant de restaurer la confiance du citoyen dans l’appareil d’État.
Sur ce chantier, les autorités auront du pain sur la planche. Pour cause, la corruption et l’impunité sont presque devenues des règles dans notre pays.
L’on se rappelle, l’année 2014 a été déclarée au Mali, par l’ancien Président Ibrahim Boubacar KEITA, comme l’année du nettoyage. «Nul ne s’enrichira plus illégalement et impunément sous notre mandat, Inch’Allah», a déclaré le chef de l’État IBK qui a décrété que 2014 sera consacrée à la lutte contre la corruption. Mais, le Président IBK a toutefois reconnu «que les familles souffrent, que les salaires sont dérisoires et que tout ceci ne contribue pas à prévenir la corruption».
L’on se demande si les autorités de la Transition ont une solution miracle pour faire de la lutte contre la corruption et l’impunité une réalité au Mali. En attendant, le gouvernement s’engage à consacrer ses efforts sur les actions suivantes : intensification des missions de vérification de la gestion des structures de l’administration territoriale (collectivités et services) ; intensification des missions d’audit de performance et de contrôle de conformité ; organisation d’une session des assises spéciales sur la grande criminalité; déclaration obligatoire des biens des fonctionnaires et agents de l’État assujettis.

Priorité 4 : la réduction du train de vie de l’État
Selon le Premier ministre Moctar OUANE, la dépense publique représente plus de 20 % du PIB de notre pays. Il trouve que ce chiffre est très élevé et explique en partie notre forte dépendance vis-à-vis de l’aide extérieure. Le Gouvernement entend renverser cette tendance. Les autorités reconnaissent qu’il n’y aura pas de redressement du pays sans un effort considérable de rationalisation du train de vie de l’État. Dans cette perspective, le gouvernement se donne la lourde tâche de mettre en œuvre les actions prioritaires suivantes: opérationnalisation de la facture normalisée et sécurisée ; bancarisation des salaires des agents des forces de défense et de sécurité ; mise en place d’un système de rapportage de suivi technique et financier des ressources transférées aux collectivités territoriales ; poursuite de la mise en place du compte unique du trésor au niveau des établissements publics ; poursuite de la dématérialisation de la passation des marchés publics ; rationalisation de la gestion du parc auto de l’État.
L’ambition est là, mais c’est la mise en œuvre qui constitue l’attente des Maliens pour avoir déjà entendus de nombreux discours sur ce plan. En 2019, le gouvernement a pris a pris d’énormes décisions pour rationaliser les dépenses publiques afin d’assumer pleinement les charges prioritaires de l’État. Ces mesures portaient notamment sur les dépenses concernant les carburants, les produits alimentaires, les achats de véhicules et de billets d’avion pour les missions à l’étranger.
À travers cette décision, c’est 14 milliards FCFA que les autorités d’alors voulaient économiser en réduisant les crédits budgétaires affectés aux dépenses de carburants et de produits alimentaires. L’annonce a été faite le 21 janvier 2019 par le chef du gouvernement dans une note circulaire.
La mesure a été diversement appréciée par les économistes. Si pour certains il s’agissait d’« effets d’annonce », d’autres estimaient que le montant à économiser est « insignifiant » face au déficit du budget.
D’autres économistes ont ému des réserves sur la forme et le fond de cette initiative de réduction des dépenses. Ils avaient soutenu que « la priorité serait de lutter contre la corruption » et de recouvrir les fonds détournés à l’État.
« Les deux vérificateurs généraux en 14 ans ont constaté près de 741 milliard d’anomalie de fraudes ou de mauvaise gestion. Ce qui correspond à la disparition d’au moins 52 milliards de FCFA par ans. Il est mieux de lutter effectivement contre cette fraude que d’annoncer un petit 14 milliards qui au demeurant peut se régler facilement », avait analysé le Pr Mamoutou SOUMARE, Economiste, Membre du Centre de Réflexion sur la Corruption au Mali.

Priorité 5 : l’audit des fonds des secteurs
Depuis le déclenchement de la crise en 2012, notre peuple et nos Forces de défense et de sécurité ont consenti d’importants efforts matériels, financiers et humains. Dans ce cadre, en 2015, une loi d’orientation et de programmation militaire (LOPM) a été votée avec un financement de 1 230 milliards de FCFA sur 5 ans.
Une autre loi de programmation relative à la sécurité intérieure a été adoptée, en 2017, avec un budget de 446 milliards de FCFA pour la même durée. Après plusieurs années dans la mise en œuvre de ces différentes lois, et conformément aux attentes des Maliens sur ces questions, le gouvernement mettra en œuvre les mesures suivantes : renforcement des services d’inspection des États-majors et ceux de l’inspection générale des Armées et services ; réalisation de l’audit de la mise en œuvre de la LOPM ; réalisation de l’audit de la mise en œuvre de la LPSI.

La décision d’auditer la gestion des fonds alloués aux secteurs de la sécurité, de la défense et de la justice dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation militaire est à saluer. Beaucoup d’action de corruption et de surfacturation ont émaillé ce secteur de souveraineté nationale. En 2019, à la suite d’une requête émanant de l’opposition parlementaire, l’Assemblée nationale a adopté une résolution portant création d’une Commission Spéciale d’enquête parlementaire en vue de mener des investigations sur les faits de détournements et de malversations financières relatifs à l’achat d’avions, d’hélicoptères et d’équipements militaires.
Parmi ces faits figurent l’achat de l’avion présidentiel, d’équipements militaires, d’hélicoptères PUMA, d’avions SUPER TUCANO, la réparation d’hélicoptères PUMA et la formation de pilotes à des tarifs exorbitants. Le VEGAL a aussi rédigé un rapport provisoire relatif à la vérification de conformité et de performance de l’acquisition d’un aéronef et de la fourniture aux Forces armées maliennes de matériels d’habillement, de couchage, de campement et d’alimentation (HCCA), ainsi que de véhicules et de pièces de rechange, impliquant convention entre le MDAC et la société GUO-Star.
Si cet audit est bien fait, il permettra à notre pays de récupérer des milliards de FCFA détournés dans les surfacturations pour l’achat des équipements militaires. Comme on le dit, une chose est de faire des promesses, une autre est de les honorer. Dans 13 mois, les autorités de la Transition seront devant le tribunal de l’histoire et seront jugées sur la base de leur engagement vis-à-vis des Maliens.

RÉALISÉ PAR MODIBO KONE

Source : INFO-MATIN

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