Le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) a renouvelé à l’unanimité le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MUNISMA) en insistant sur la nécessité de respecter le délai de la transition. Ses membres ne se sont donc pas souciés de savoir si celui-ci (délai) était tenable pour mener des réformes (politiques et institutionnelles) crédibles et des élections sérieuses, donc transparentes. Comme à son habitude, le Conseil de sécurité fait fi des vraies préoccupations des Maliens.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a prorogé le 29 juin 2021 d’un an supplémentaire, le mandat de la MINUSMA en opération de paix au Mali depuis 2013. Ainsi, selon la Résolution 2584, ce mandat court jusqu’au 30 juin 2022 avec un effectif maximal de 13.289 militaires et 1.920 policiers. Par ailleurs, le Conseil a rejeté la demande d’augmentation des effectifs de la Minusma formulée par la France. Les Etats-Unis se sont opposés à cette proposition parce que le Secrétaire général de l’ONU ne l’avait pas suggérée dans son dernier rapport.
Le Conseil ne s’est pas naturellement contenté de proroger le mandat de sa mission, il a aussi dégagé ses priorités qui restent, entre autres, l’appui à la mise en oeuvre de l’Accord pour la paix au Mali, l’appui à la transition au Mali (notamment à la mise en oeuvre des réformes politiques) ainsi que la sécurisation du Centre du pays.
Ses membres ont également insisté sur le respect du délai imparti à la transition, notamment le respect strict du calendrier électoral publié par le précédent gouvernement de transition. Ils font donc de l’organisation des élections «une priorité absolue». Un adage bien de chez nous dit pourtant qu’on ne peut pas raser la tête d’une personne en son absence. C’est pourtant cet exercice que nos «partenaires» de la communauté internationale affectionnent.
En se focalisant sur la durée de la transition, le Conseil de sécurité oublie volontairement le retour à la case départ provoqué par les événements du 24 mai dernier. Il s’agit bien sûr de l’éviction du président de Transition, Bah N’Daw, et de son Premier ministre Moctar Ouane. Et c’est le président de l’ex Comité national pour le salut du peuple (ex CNSP) qui a pris le contrôle du processus en nommant à la Primature le président du Comité stratégique du Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), Dr Choguel Kokalla Maïga. Un mouvement très critique sur le processus à ce fatidique 24 mai 2021, le jour où il a été mis en selle pour le «rectifier».
Il est vrai qu’une transition ne saurait s’éterniser sous prétexte de vouloir tout faire avant de passer le commandement du navire à un président démocratiquement élu. N’empêche, il est aussi sage et utile de bien faire les choses afin d’éviter un retour à la case départ comme les Maliens l’ont amèrement vécu le 22 mars 2012 et le 18 août 2020. Ce qui suppose qu’il ne faut pas bâcler les réformes (politiques et institutionnelles) et surtout les prochaines élections, notamment les législatives et la présidentielle.
D’inquiétantes prises d’otages
En tout cas, ils sont nombreux les Maliens qui pensent que l’efficacité des réformes et la régularité des élections leur importent plus que la durée de la transition. «Les élections ! Nos partenaires politiques n’ont que ça dans à la bouche en oubliant que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets», dénonce un activiste. «Précipiter les élections, c’est prendre le risque de les bâcler. Dans ce cas, il faut s’attendre à un autre coup d’Etat contre un régime mal élu dans dix ans», poursuit-il. Il est clair que des élections bâclées, sans réformes aux préalables, conduiront inévitablement à de nouvelles crises politiques et institutionnelles.
Et aujourd’hui l’inclusivité requise ne milite pas pour la précipitation parce qu’il n’est pas aisé d’accorder les violons des forces vives de la nation en un temps record. La preuve est que, malgré le temps pris, il n’y a pas de consensus clair sur la nécessité d’un organe unique de gestion des futures élections. Même si le Premier ministre Choguel Maïga y est totalement favorable, il y a encore beaucoup de réserves à lever au niveau de la classe politique.
Le renouvellement du mandat de la Minusma intervient aussi au moment où on assiste à une certaine «mutation» du terrorisme sur le terrain. Il s’agit des prises d’otages. Ainsi, le dimanche 27 juin 2021, un agent humanitaire travaillant pour l’ONG Debo Alafia a été enlevé par des hommes armés non identifiés sur l’axe Ténenkou-Mopti, précisément dans la localité de Kadial dans la Commune de Togoro Kotya à une soixantaine de kilomètres à l’est de Ténenkou. Loin d’être un cas isolé, des observateurs craignent une mutation du jihadisme vers le «florissant business du kidnapping». Et ils la lient à la généralisation de l’impunité qui fait que les chiffres explosent.
Ainsi, au cours des six premiers mois de 2021 (janvier-juin 2021), la Minusma a recensé au moins 328 enlèvements, soit environ 2 enlèvements par jour. Malheureusement, déplorent des observateurs, le gouvernement malien ne fait «aucun effort visible» pour lutter contre ce phénomène qui devient aujourd’hui l’une des préoccupations majeures des populations du centre et du nord. Et c’est une pratique commune aux milices, aux groupes jihadistes et même aux bandits armés.
Sans compter que les assassinats ciblés reprennent avec force dans la région de Tombouctou. Il faut rappeler que la Minusma est la mission la plus coûteuse et la plus meurtrière de l’ONU.
Hamady Tamba
Source: Le Matin