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Processus de paix israélo-palestinien: «Une partie extrêmement compliquée pour John Kerry»

John Kerry secrétaire Etat américain Mahmoud Abbas chef Autorité palestinienne Ramallah

Le chef de la diplomatie américaine, John Kerry, est en Israël et dans les territoires palestiniens pour essayer de relancer le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens. C’est sa dixième visite dans la région. Jean-Paul Chagnollaud est professeur des universités et directeur de l’iReMMO, l’Institut de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient.

Les Américains peuvent-ils vraiment parvenir à un accord ?

Jean-Paul Chagnollaud: C’est à ce stade très difficile à dire. Il y a une chose certaine, c’est que John Kerry a l’air vraiment très décidé à aboutir. Il en est à sa dixième mission en quelques semaines. Ses va-et-vient entre les Etats-Unis, Israël et la Palestine, c’est un point positif. Mais en même temps, on n’a pas vraiment le sentiment qu’il soit soutenu par le président Obama. Et il est évident qu’il y a, au sein du Congrès, beaucoup de parlementaires et surtout chez les républicains qui ne veulent pas voir cette mission aboutir à l’établissement d’un Etat palestinien.

Donc, pour le moment, on en est là et je n’ai pas encore vu – peut-être que ça va venir – de véritables moyens de pression que les Etats-Unis utiliseraient pour forcer la main aux Israéliens, parce que c’est quand même les Israéliens qui sont en position de force dans cette affaire.

John Kerry assure cependant que chaque jour il y a des progrès. Sur quoi cela pourrait-il bouger et quels sont les points de blocage de l’autre côté ?

Pour l’instant, on n’a pas beaucoup d’informations. Ces négociations restent assez discrètes sinon secrètes. Mais enfin il y a des choses qui filtrent. Dans les blocages, je dirais que pratiquement tous les sujets sont des sujets de blocage. Mais en particulier la question de Jérusalem, de la colonisation à Jérusalem-Est et autour de Jérusalem-Est, et puis la question de la vallée du Jourdain qui pour les Palestiniens doit évidemment faire partie de l’Etat palestinien – c’est quand même plus de la moitié de la Cisjordanie –, alors que beaucoup d’Israéliens dans le gouvernement actuel, donc la droite, souhaitent conserver la vallée du Jourdain.

Le ministre de l’Intérieur l’a encore déclaré, ce vendredi, en disant que la Vallée du Jourdain était israélienne et le resterait. Donc ça ce sont les obstacles. Mais il y en a d’autres, bien entendu, et les points d’achoppement sont nombreux.

Maintenant sur les aspects positifs, il y a peut-être l’idée que si on arrivait à se mettre d’accord sur des frontières – mais la question de la vallée du Jourdain se poserait quand même – peut-être qu’on pourrait avancer et, la dernière hypothèse qui semble être aujourd’hui en discussion, c’est de faire un règlement cadre en arrêtant un certain nombre de principes sur les grandes questions qui permettraient plus facilement de négocier.

Est-ce que les Palestiniens peuvent accepter ça ? Parce que je crois que les Américains ont fixé la date du 29 avril pour obtenir un résultat.

Les Palestiniens, à mon avis – surtout qu’il y a beaucoup de gens chez les Palestiniens qui sont tout à fait sceptiques à l’égard de ce processus – ne peuvent pas accepter qu’il y ait à nouveau un accord cadre, parce qu’ils connaissent. Oslo était un accord cadre, c’était en 1993, il y a plus de vingt ans. Et donc, ils veulent un accord qui soit immédiatement mis en œuvre. Et en fait s’il y avait des volontés politiques, on connaît les solutions, les compromis possibles, et ça prendrait simplement quelques mois.

En fait, cet accord cadre est peut-être simplement une manière, effectivement, de dépasser la date du 29 avril, de gagner du temps. Et peut-être aussi – parce qu’il faut bien voir que les dossiers sont entremêlés et c’est vrai que John Kerry mène aussi une négociation avec l’Iran – que si ça bougeait vraiment du côté de l’Iran, d’une manière positive je l’entends bien entendu, ça pourrait peut-être aider à ce que ce processus israélo-palestinien avance. Mais c’est vrai qu’aujourd’hui on ne voit vraiment pas comment John Kerry peut arriver à se débarrasser de tous ces obstacles.

Je voudrais simplement faire une remarque, c’est qu’on disait la même chose de James Baker il y a plus de vingt ans, et il avait quand même réussi à monter une conférence internationale en 1991 à laquelle personne à l’époque ne croyait. On ne sait jamais, le politique a peut-être une chance. Mais elle est faible.

Mais vous le disiez, si on veut un compromis on connaît les lignes. On a d’ailleurs été très proche d’un accord, c’était au moment des accords de Taba. Il y avait des sujets sur lesquels Israéliens et Palestiniens s’étaient mis d’accord. Pourquoi est-ce qu’aujourd’hui, alors qu’on le voit, les Américains essaient tout de même de s’impliquer dans ce dossier, on n’arrive à aucun résultat ?

Je crois qu’on a manqué une occasion historique à la fin de l’année 2000, début de l’année 2001, avec Camp David et surtout Taba que vous rappelez très justement, où là, le gouvernement de gauche, travailliste, avec le Meretz en plus, était décidé à aboutir. Malheureusement ça ne s’est pas fait. Mais depuis il y a eu l’Intifada, c’est-à-dire des années absolument tragiques, de violence, et chez les Israéliens une volonté de se déporter sur la droite de l’échiquier politique.

Et aujourd’hui il faut bien voir que le gouvernement de Netanyahu est aux antipodes de ce qu’était le gouvernement Rabin il y a vingt ans. Et ce gouvernement de Netanyahu ne veut pas véritablement d’accord avec les Palestiniens. Ou alors ce serait un accord vraiment très résiduel que les Palestiniens ne pourraient pas accepter. C’est pourquoi aujourd’hui nous sommes dans cette grande difficulté.

Mais je pense que si les Américains le voulaient vraiment, il y a effectivement des pistes tout à fait pertinentes. Et il y a aussi en Israël – c’est dans le Haaretz de ces derniers jours – des voix qui s’élèvent pour dire qu’il est essentiel qu’Israël conclue un accord de paix avec les Palestiniens et ne s’enferme pas dans un isolement qui à terme lui serait très, très dommageable. Et ça, c’est important aussi.

Vous l’avez évoqué, c’est vrai que l’administration américaine est très concentrée sur cette question du nucléaire iranien actuellement. Est-ce qu’on pourrait imaginer, en cas de développement positif sur le dossier iranien, dans ces cas-là, plus de moyens donnés à John Kerry pour essayer de parvenir à une résolution de ce conflit israélo-palestinien ou est-ce qu’il va rester, sinon, marginalisé ?

Non, je pense qu’effectivement, si dans les mois qui viennent il y avait un véritable accord avec l’Iran, que l’Iran rentre dans le jeu international, dise clairement qu’il renonce définitivement à l’arme nucléaire, je pense que ça pourrait apaiser beaucoup de choses du côté israélien. Il n’y aurait plus cette menace qui pèse en tout cas dans l’esprit de beaucoup d’Israéliens sur Israël. Donc je pense que ce serait un élément positif et peut-être que ça créerait effectivement un environnement nouveau.

Mais fondamentalement, nous avons tout de même deux obstacles, qu’une telle configuration ne changerait pas forcément en profondeur. Ces deux obstacles c’est d’une part le fait que nous avons un gouvernement en Israël qui est un gouvernement de droite, qui répète qu’il ne veut pas d’accord avec les Palestiniens et qui veut annexer notamment la vallée du Jourdain. Ça c’est la majorité du gouvernement et Tzipi Livni, qui mène ces négociations, est quand même très isolée.

Et deuxièmement, aux Etats-Unis si certainement l’administration Obama avec Kerry, souhaiterait un accord – historiquement ça aurait tellement d’importance –, une bonne partie du Congrès américain soutient le gouvernement actuel en Israël. Donc nous sommes là dans une partie extrêmement compliquée pour John Kerry qui n’a guère de moyens de trouver des appuis sérieux pour avancer dans la direction qu’il souhaite. Mais bon, manifestement, il a l’air très déterminé. Et c’est une chance, je crois.

RFI

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