Au Mali, le président sortant Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a obtenu plus de 67% des voix lors du second tour de l’élection présidentielle. Son adversaire, Soumaïla Cissé, a quant à lui remporté près de 33% des suffrages.
Le candidat de l’opposition n’a pas réussi à organiser un front uni contre le président sortant. Les deux faiseurs de roi notamment, Aliou Diallo et Cheick Modibo Diarra, arrivé troisième et quatrième au premier tour, ne lui ont pas accordé leur transfert de voix.
Les aptitudes de Soumaïla Cissé ne sont pas remises en cause par son échec à devenir chef de l’État du Mali, avec un résultat de 33% des suffrages en sa faveur, selon les résultats rendus publics le 16 août dernier. Plusieurs personnalités de l’opposition le décrivent comme un homme intelligent, calme et réfléchi qui aurait tous les atouts pour être un bon président.
Il a cependant commis plusieurs erreurs. Il s’est d’abord éloigné de sa base. Après la défaite de 2002 contre Amadou Toumani Touré, il a passé près de dix ans loin de Bamako, à l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), dont le siège est à Ouagadougou. Même erreur en 2013, puisqu’il part siéger au parlement panafricain, en Afrique du Sud, et ne fréquente pas de ce fait les élites maliennes.
Campagne clivante
Certains estiment aussi qu’il ne s’est pas entouré des bonnes personnes. Par exemple, le choix de Tiébilé Dramé comme directeur de campagne est pour certains une erreur. Certes énergique, battant, convaincu, Tiébilé Dramé est aussi un personnage clivant sur la scène politique malienne. Dramé et sa bande n’ont jamais su canaliser, à leur profit, le vaste mouvement populaire qui a fait reculer le gouvernement sur l’organisation du référendum l’année dernière. Le mouvement s’est très vite effrité et la belle dynamique s’est éteinte.
Aussi, Soumaïla Cissé s‘est allié à Ras Bath, célèbre animateur, mais également personnage très clivant à l’hygiène de vie critiquable, du moins vu sous le prisme des valeurs morales maliennes. En faisant de cet homme taxé d’être toxicomane et alcoolique notoire l’un des visages de sa campagne, Soumi s’est peut-être aliéné le précieux soutien des dignitaires religieux musulmans, dont la quasi-totalité a souvent été insulté par l’animateur, qui n’a échappé à des fatwas qui auraient pu lui être fatales, que grâce à la sagesse du puissant président du Haut Conseil Islamique du Mali, Mamoud Dicko.
On reproche enfin à Soumaïla Cissé une campagne assez hargneuse qui s’est d’abord attaquée à la personnalité du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), avant de proposer un projet de société, fédérateur.
Manque de visions et de stratégies
Pendant de longs mois, pour ne pas dire depuis au moins deux ans, la stratégie de l’opposition s’est résumée en une campagne inique pour empêcher la candidature du président sortant alors qu’il a légalement droit à deux mandats. Si tous les moyens et énergies déployés dans la campagne « Boua ka bla ! » (Casse-toi papa !) avaient été mieux utilisés, à battre campagne et convaincre les Maliens de ce que Soumaïla Cissé est ‘’La Solution et l’homme de la situation’’, Soumi comme on l’appelle affectueusement, ne serait pas aujourd’hui réduit à dénoncer des fraudes. On a passé le temps à amuser les gens au lieu d’éduquer le peuple. Et finalement, on n’a jamais réellement débattu du bilan, alors qu’un débat sur le bilan désavantage, généralement, le pouvoir sortant.
Sur l’image du candidat, l’équipe de la Com’ de Soumaïla Cissé n’a jamais pu créer une réelle image du candidat, une espèce de brand, une marque que l’on aurait ensuite ‘vendue’ au peuple. L’absence de ce Branding, fait qu’il n’y avait pas un mot, une expression simple en forme de slogan par laquelle on aurait pu mobiliser le peuple.
En bloc, pour manque de véritable solution de rechange face à la politique d’IBK, Soumi a perdu le scrutin présidentielle de 2018 au Mali.
Accusations de bourrages d’urnes
Que dire donc des accusations de fraudes et de bourrages d’urnes qui selon la majorité du peuple pouvaient plonger le Mali dans le chaos? Ces accusations, surtout dans l’entre-deux tour ont sûrement beaucoup démobilisé les éventuels électeurs de Soumi. Le message qui transparaissait de lui-même comme de l’ensemble de son équipe de campagne c’était qu’il ne servait plus à rien d’aller voter, puisque de toutes les façons la fraude va transformer ces votes contre IBK en votes pro-IBK. Dans ce cas, nombre d’électeurs de l’opposition sont restés à la maison, alors qu’il eut fallu plutôt que Soumaïla Cissé aille chercher les électeurs des autres candidats malheureux du 1ertour, dont les plus importants par l’adhésion qu’ils ont suscité autour de leur nom, n’avaient pas appelé à voter pour le président sortant. Si en plus Soumi avait réussi à amener une partie des abstentionnistes du 1er tour à aller voter pour lui, il aurait sûrement pu espérer une « remontada ». Mais, une fois de plus, il a fait le choix d’une stratégie qui s’est avérée suicidaire. «Quand on veut être président du Mali, il faut d’abord rassurer les Maliens », confie Moussa Mara, l’un des principaux soutiens de Cheick Modibo Diarra, arrivé quatrième au premier tour.
En revanche, Soumaïla Cissé devrait retenir qu’il est l’un des meilleurs technocrates maliens et qu’il sera plus sage de sa part d’accepter qu’il y a une vie après une défaite électorale. Et toujours est-il que le peuple reste convaincu qu’il peut encore beaucoup apporter autant au Mali qu’à l’Afrique.
Arouna Traoré
Nouveau Réveil