Le Mali sombre dans une crise socio-politique, économique et sécuritaire qui sape tout développement. De l’insécurité galopante à la grogne sociale, de la tension politique à la crise de trésorerie, ce pays est touché profondément dans ses secteurs clés. Les décideurs politiques ont jugé bon de se retrouver en partie autour d’un accord politique où certains ont estimé du camp de l’opposition y apposer leur signature et d’autres préférant garder leur statut d’opposant, «une règle démocratique respectable».
Cet accord politique, comme j’ai l’habitude de le dire, est une chance pour le Mali dans le sens où il offre un cadre de dialogue inclusif pour mettre sur la table tous les problèmes récurrents que connaît le Mali. De ce dialogue, il appartiendrait aux Maliens, politiques et société civile, toutes tendances confondues, d’aborder des thématiques qui <<risquent>> de tourner notamment sur :
La sécurité : qui reste aujourd’hui une urgence pour freiner la série de massacres continuels qui minent la région de Mopti et une partie de Ségou, mais également de trouver des moyens pour qu’enfin s’arrêtent les braquages, les viols collectifs, les engins explosifs et embuscades sur les routes menant aux régions du nord du Mali. Bien qu’un plan de sécurisation du centre du Mali fût validé, en conseil des ministres, le renouvellement du mandat de la Minusma «acquis» avec une présence accrue au centre soit des demandes presque acceptées, il n’en demeure pas moins que le dialogue servirait de tremplin pour trouver d’autres voies de conciliation afin que les populations puissent vivre ensemble dans ces zones citées.
L’accord d’Alger : cet accord décrié par des milliers de Maliens se trouve aujourd’hui caduc/bloqué car en déphasage non seulement avec les réalités du pays et contraire à la vision des populations auxquelles il devrait s’appliquer, mais également, il se heurte à la constitution de 1992. Deux épines ancrées profondément, qui empêchent aujourd’hui l’application effective de l’accord d’Alger.
Ce dialogue servira de cadre pour regrouper tous les acteurs pro et anti accord afin d’essayer de trouver le moyen de le réadapter d’où certains disent «une réappropriation nationale de l’accord». Lorsque dans un pays des divergences de vues persistent entre fils et filles, les solutions ne peuvent venir que d’eux. Ce cadre servirait d’opposer la force des arguments pour sortir avec un consensus autour de cet accord «que je ne toucherai pas dans le fond avec ces points noirs». Ceux qui rejettent l’accord auront l’occasion propice pour le prouver et proposer d’autres alternatives et ceux qui sont pour, également, feront quasiment la même chose.
Il faut au moins un dialogue pour se comprendre sur quelque chose. Depuis 2013, le Mali a pêché à ce niveau, de ne s’être pas inscrit dans un tel processus : <<concertation nationale, dialogue inclusif national, assise nationale >> pour trouver des moyens de relever un pays à genoux après un coup d’Etat inattendu, d’une part, et d’autre part, une occupation sans précédant des régions du Nord par des rebelles et terroristes et enfin, un peuple perdu dans le plus grand doute de son histoire. Ne dit-on pas qu’il est impossible de soigner une maladie cachée, j’estime que le Mali est ce grand corps malade qui a besoin aujourd’hui d’un diagnostic profond et un traitement de choc pour rester debout ! Le dialogue politique est une aubaine pour cela, du moment où il a été demandé par tous à un moment donné lors de ces 6 ans.
La réforme constitutionnelle : une question fâcheuse difficilement abordable, qui devrait l’être quand même pour sortir de l’ornière. Cette révision combattue en 2017 revient dans les débats avec fracas, mais la seule différence cette fois-ci, elle ne s’impose pas comme ce fut le cas où un document fut bricolé par un certain nombre d’experts avec des pratiques jurant avec la vision populaire de la chose. En 2017, deux arguments fondamentaux voire trois ont poussé au rejet en bloc du projet référendaire en question : -le verrou de l’article 118 de la constitution qui interdit toute révision lorsque la plénitude de l’intégrité du territoire n’est pas garantie ; -la non exclusivité d’un projet référendaire contraire aux aspirations profondes du peuple souverain.
La première motivation reste d’actualité et la seconde semble être revue et sera certainement à l’ordre du jour des débats lors du dialogue inclusif afin d’améliorer le travail de la commission d’experts ayant rendu le projet au président de la République. Le tripatouillage de la loi fondamentale pour la mise en œuvre d’un accord portant les germes de la partition du Mali. Ces raisons jugées par bon nombre de Maliens le qualifiant d’imposition d’un agenda international au Mali.
Aujourd’hui, il appartient aux Maliens au cours du dialogue de définir leur propre agenda par rapport à cette question de réforme constitutionnelle en prenant en compte également les lacunes que la constitution de 1992 porte actuellement.
La réforme électorale : au sortir des élections présidentielles, beaucoup d’insuffisances ont mis à mal la procédure électorale poussant jusqu’à 8 mois après, une frange de l’opposition à un rejet des résultats et une contestation virulente de la légitimité d’un président investi par la cour suprême. Un fichier électoral avarié, un système électoral désuet, aux antipodes à l’ère du numérique, un mode de scrutin discutable, la création d’une commission indépendante d’organisation des élections, une carte d’électeur non conforme facilitant la fraude etc., sont quelques insuffisances décriées çà et là. C’est au cours du dialogue inclusif que les acteurs politiques auront l’occasion de revoir ces insuffisances pour des élections libres et transparentes ne souffrant d’aucune forme de contestation à l’avenir.
La réorganisation administrative et territoriale : une nième question a tranché lors du dialogue inclusif, il s’agit de trouver de commun accord avec les populations le modèle de réorganisation voulue, dégageant les critères pour ne pas tomber dans la sélectivité, et la frustration par une réorganisation bâclée à l’envers et à souhait sous des affinités autres que légalistes et clarifiées. Le dialogue inclusif qui naîtra de cet accord politique de gouvernance reste un processus réclamé par l’ensemble des concitoyens afin d’absorber les problèmes et d’aller vers l’unité, la cohésion, la paix et la réconciliation. Les petits détails rejetant, dès à présent, le choix des membres devant constituer le triumvirat, à mon, ne nous feront pas avancer.
Il est important de s’appuyer sur le fond, c’est-à-dire le contenu via les termes de références “TDR” qui seront validés après réception des propositions de tous. Mieux la classe politique et la société civile (les associations, organisations et mouvements) commencent à réfléchir sur ces TDR, mieux les débats seront de qualité pour traiter à fond les problèmes. Ce pays a trop souffert des petits calculs capricieux, il faut d’ores et déjà se concentrer sur ce dialogue qui posera certainement les piliers d’un Mali vu et souhaité autrement par le peuple malien. Il sera tout le contraire de la conférence d’entente où la base a été royalement délaissée, sans y être associée.
Ce dialogue se veut inclusif au vrai sens du terme avec un respect de l’architecture pyramidale «de la base au sommet», associant les populations locales aux populations urbaines et la diaspora malienne. Ce triumvirat aura comme tâche de faciliter cela et de donner le caractère largement inclusif à ce dialogue qui, dans sa terminologie actuelle, s’élève au-delà du dialogue typiquement politique, il sera social, économique, culturel et sécuritaire, englobant tous les domaines touchés. Il faut que ce peuple ait confiance en soi et en ses forces, c’est seulement par le dialogue qu’il réussira certainement à secouer <<les démons>> qui opposent les frères et sœurs d’une même Nation.
Cette peur de l’accord ne doit pas pousser à jouer la politique du silence et du rejet à bloc, mais plutôt à saisir le moment avec sincérité et une volonté inébranlable de sauver ce qui peut du Mali. Le dialogue politique inclusif devient une CHANCE à saisir pour corriger ensemble les points noirs de ce document qui, désormais, engage la République du Mali. Les procès d’intentions faisant écho à un dialogue mort-né sont l’expression d’un élan de recul et d’un maintien volontaire dans le statu quo et nous avons intérêt à ce que ce dialogue soit une réussite pour le Mali au risque de ne refaire encore et encore des décomptes macabres à travers le pays, voir les populations qui peinent à accéder aux services sociaux de base (santé, eau, hygiène), à échapper à ce risque de famine au centre du fait du conflit actuel et de constater le bétail disparaître impuissamment sous nos yeux, le chômage gonfler encore, les écoles fermes pour laisser place à l’obscurantisme, etc.
Cette dynamique a besoin d’être soutenue et mériterait ne serait-ce que le bénéfice du doute dans la recherche de solutions. Ce dialogue devrait être en principe un début de solutions de sortie de crise, si toutefois, il se concluait par une réussite et c’est ensemble que nous le pouvons. Il est temps de comprendre aujourd’hui que l’urgence du Mali n’est pas du tout ces hommes politiques (la course au pouvoir est derrière, la campagne électorale n’est plus d’actualité), les élections sont derrière nous, il y a bientôt 9 mois de cela. Il est temps de se conformer à la réalité et d’affronter les défis auxquels nous faisons face, pas pour satisfaire un régime, ni un parti, mais pour le Mali et uniquement le Mali !
Ibrahima BEN
Le Reporter