La France est-elle encore le gendarme de l’Afrique ? La Côte d’Ivoire a t-elle envoyé des commandos anti-FPI au Ghana ? Au lendemain du forum conduit à Paris par le ministre français de l’Economie, et à la veille du sommet Paix et Sécurité en Afrique organisé par François Hollande à l’Elysée, le président ivoirien Alassane Ouattara, venu en France pour assister à ces deux événements, répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Pourquoi la France perd-t-elle des parts de marché en Afrique ?
Alassane Ouattara : La compétition a été rude ces temps-ci. La mondialisation a fait en sorte que les marchés émergents se soient intéressés, je pense de manière très forte, au continent africain, et peut-être que les entreprises françaises ont pris un peu de retard à le réaliser. C’est en cela que ce colloque est une bonne chose pour amener les entreprises françaises à s’insérer beaucoup plus dans la mondialisation, la compétition, parce que ce sont des entreprises de qualité et il est possible de prendre des risques et d’avoir des résultats positifs.
Au sommet de l’Elysée, demain et après demain, vous allez essayer de faire avancer le projet d’une Force africaine de réaction rapide. Mais ça fait quinze ans qu’on en parle et rien ne bouge. Pourquoi ça marcherait mieux demain qu’hier ?
Vous parlez effectivement de la force de réaction rapide, la Caric [la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises, NDLR]. Les crises récentes, notamment au Mali, nous ont démontré l’utilité d’accélérer les choses. Et nous, de notre point de vue, cette réaction doit être plutôt régionalisée. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait au Mali.
Au niveau Cédéao ?
Nous avons tout de même bien réagi au niveau de la Cédéao. La France est venue à temps, mais nous avions déjà programmé notre intervention. Tout cela, bien sûr, sous le chapeau de l’Union africaine ! Et je suis confiant que cette conférence de Paris nous permettra d’avancer très rapidement vers la mise en place de cette structure de la Caric.
Est-ce que ce n’est pas une façon de dire que vous êtes résigné à l’idée que la France va peut-être encore dans dix ans, dans quinze ans, continuer à jouer le gendarme en Afrique ?
Point du tout ! Le fait que nous sommes en train nous-mêmes de mettre en place ces forces de réaction rapide, veut dire que nous voulons prendre les choses en main nous-mêmes ! Vous savez, il faut faire en sorte que quand il y a un problème dans les 24, 48 heures, la Cédéao puisse réagir. C’est plus efficace au plan régional. Au plan continental, je suis d’accord avec vous que ça pourrait être un peu plus compliqué. Mais il faut y arriver à terme.
Vendredi dernier, lors d’un grand meeting à Bouaké, vous avez rejeté l’idée des Etats généraux de la République que propose le FPI de Laurent Gbagbo. Est-ce que vous ne craignez pas que ce parti, du coup, boycotte la présidentielle d’octobre 2015 ?
Oui, mais vous savez, les partis politiques ne sont pas obligés de participer aux élections en Côte d’Ivoire ! Je souhaite que tous les Ivoiriens y participent. Mon propre parti avait boycotté les élections législatives en 2000. C’était une mauvaise idée. Nous sommes restés onze ans en dehors du Parlement. Je souhaite que le FPI participe aux prochaines élections. C’est de leur intérêt. Ils n’ont pas participé aux élections législatives, ils n’ont pas participé aux élections locales. S’ils ne participent pas aux élections présidentielles, je doute fort qu’il resterait grand-chose dans ce parti.
Mais si vous ne voulez pas de leurs Etats généraux, est-ce qu’ils ne risquent pas de dire que vous ne voulez pas du dialogue ?
Non, mais vous savez, le dialogue se fait dans un cadre bien précis. En Côte d’Ivoire nous avons eu l’expérience de plusieurs rencontres. Pour la réconciliation, puis il y en a eu tellement, je ne me souviens même pas des différents termes, et ça n’a rien donné. Malheureusement, il y a eu ce conflit. Nous sommes allés à Marcoussis, nous sommes allés ensuite à Pretoria, il y a eu l’accord de Ouaga. Et tout ce qui divisait les Ivoiriens a été réglé avec ces différentes rencontres ; Marcoussis, Pretoria, accords de Ouaga. Donc il n’y a plus d’utilité. Il faut mettre en œuvre ce que nous avons décidé ensemble avec le FPI, pendant cette période où leur président était président de la Côte d’Ivoire
Dans un rapport de l’Onu, le Ghana signale que des commandos venus de Côte d’Ivoire ont tenté de kidnapper, voire de tuer des opposants ivoiriens réfugiés sur son territoire. Comment réagissez-vous ?
C’est abject ! C’est irresponsable ! C’est mensonger !
De la part de l’ONU ou de la part du Ghana ?
De la part des experts qui ont pu écrire de telles choses. Les autorités ghanéennes, à ma connaissance, n’ont jamais fait de déclaration officielle. Et donc je condamne de tels propos. Et nous avons saisi Ban Ki-moon. Nous considérons que de tels propos discréditent l’ONU, en tout cas ce comité de sanction, et peuvent créer des difficultés dans nos relations avec le comité de sanction, aussi bien pour la Côte d’Ivoire que pour le Ghana et le Libéria. Je trouve cela d’une légèreté indescriptible !
Et le Ghana est de votre avis ?
Mais bien évidemment puisque ce qu’ils annoncent n’a jamais existé .
Il y a deux mois en congrès, le PDCI d’Henri Konan Bédié a posé le principe d’un candidat de ce parti en 2015. C’est une bonne idée ou pas, à votre avis ?
Il appartient au PDCI de prendre sa décision. Je ne me mêle pas des questions relatives aux décisions des partis politiques, y compris le Rassemblement des Républicains dont je suis issu.
Malgré votre attachement au RHDP, au Rassemblement RDR-PDCI ?
Tout à fait. Je suis très attaché au RHDP. Je suis un ancien du PDCI ; j’ai été président du RDR, j’ai eu d’excellentes relations avec l’UDPCI du président Robert Gueï. Donc c’est un rassemblement de personnes qui ont la même philosophie et qui travaillent ensemble dans le cadre d’un gouvernement. Donc qui donne des résultats pour la Côte d’Ivoire, pour les Ivoiriens. Et je considère que c’est une chance que nous puissions continuer ce travail tous ensemble.
Et donc, vous préférez une candidature unique du RHDP !
Si le RHDP prend une telle décision, j’en serais très heureux.
Vous préférez cette solution à la solution candidat PDCI ?
Mais je n’ai pas à me prononcer sur les avis des uns et des autres. Mais je serais très heureux d’une candidature du RHDP pour soutenir l’action du gouvernement RHDP, qui travaille actuellement sous mon autorité.
Source: RFI