Dans le cadre de l’affaire ministère public contre le Général Amadou Haya Sanogo et autres, poursuivis pour » enlèvement de personnes, assassinat et complicité « , le juge d’instruction en charge du dossier, Yaya Karembé, a inculpé et placé sous mandat de dépôt, le vendredi14 février, l’ancien Directeur général de la Sécurité d’Etat, le Général Sidy Touré pour » tentative de suppression des éléments de preuve » susceptibles d’accabler les auteurs du coup d’Etat du 22 mars 2012 dans le meurtre des 21 bérets rouges. L’ancien patron de la SE avait donc démarché l’actuel ministre de la Défense pour qu’il initie un projet de loi amnistiant le contre coup d’Etat du 30 avril au 1er mai 2012 à la suite duquel 21 bérets rouges ont été arrêtés, torturés, exécutés et ensevelis clandestinement. Deux autres proches de Sanogo, notamment le numéro deux de l’ex-junte putschiste, le Capitaine Amadou Konaré et le Lieutenant Tahirou Mariko, son aide de camp ont, eux aussi, été inculpés et écroués pour » complicité d’assassinat « .
C’est après l’investiture du président de la République Ibrahim Boubacar Kéïta que le Général Sidy Alhassane Touré, alors Directeur général de la Sécurité d’Etat, avait approché le tout nouveau ministre de la Défense et des anciens combattants, Soumeylou Boubèye Maïga, afin qu’il initie au sein du Gouvernement un projet de loi pour amnistier le contre coup d’Etat du 30 avril au 1er mai 2012.
Le Général Sidy Alhassane Touré était convaincu qu’une fois ce projet de loi discuté au gouvernement et envoyé à l’Assemblée nationale pour son adoption comme loi de la République, les auteurs des crimes commis dans le sillage des affrontements meurtriers entre bérets verts et bérets rouges (une vingtaine de morts officiellement) seraient amnistiés. Du coup, toutes les infractions susceptibles de découler de ces événements seraient totalement et pénalement effacées. Par conséquent, toutes poursuites contre d’éventuels auteurs de ces faits deviendraient nuls et de nul effet.
Le ministre de la Défense et des anciens combattants a, semble-t-il, approché son homologue de la Justice, Mohamed Aly Bathily, par ailleurs un des avocats du Colonel Abdine Guindo, chef du 38ème Régiment des commandos parachutistes au moment des faits, lors de son incarcération au camp I. Cette démarche de l’ancien Directeur général de la Sécurité d’Etat a manifestement déplu ces deux membres du Gouvernement Oumar Tatam Ly au point qu’ils ont porté l’information à la connaissance du juge en charge du dossier Yaya Karembé.
C’est pourquoi, dans sa correspondance au ministre de la Défense et des anciens combattants pour une mise à sa disposition de certains hauts gradés, figurait en bonne place le nom du Général Sidy Alhassane Touré.
Deux faits majeurs semblent avoir motivé son audition. Il devait être entendu par le juge d’abord en sa qualité de patron des services de renseignements, donc au fait de certaines choses (même s’il est reconnu et avéré que lors du contre-coup d’Etat, il ne se trouvait pas au Mali) ensuite pour son implication avérée auprès du ministre de la Défense pour susciter le projet de loi amnistiant les auteurs des crimes post-affrontements.
Au cours de l’audition de vendredi, le juge a reproché à l’ancien patron de la Sécurité d’Etat d’avoir tenté, à travers son comportement, » d’effacer des éléments de preuve des meurtres commis « . Ce qui est, selon une source proche de la justice, » des faits extrêmement graves « .
Le capitaine Konaré alias » Hitler » et le Lieutenant Tahirou Mariko inculpés
et écroués
Le numéro 2 de l’ex-junte putschiste, le Capitaine Amadou Konaré, pourtant réputé très proche du juge Yaya Karembé a, lui aussi, été inculpé. Pour qui connait son parcours, cette inculpation était fort attendue. L’homme partageait presque tout avec le général Amadou Haya Sanogo, les deux hommes n’avaient pas de secret l’un pour l’autre jusqu’au 30 septembre 2013 lorsque d’autres membres de l’ex-CNRDRE se sont mutinés contre la promotion de Sanogo au grade de Général de corps d’armée et d’autres avantages dont il a bénéficié.
Pour sa cruauté, le Capitaine Amadou Konaré était surnommé par des membres de la junte « Hitler le Nazi » en référence aux actes les plus abominables qu’il ne se gênait pas de commettre.
Quant au lieutenant Tahirou Mariko, il était l’aide de camp de l’ex-chef de la junte putschiste, le capitaine Sanogo propulsé Général par Dioncounda Traoré. Il ne serait pas étonnant qu’à ce titre, il ait mis la main à la pâte comme on dit.
Abdoulaye DIARRA
SOURCE: L’Indépendant