En plus de certaines parties qui concernent l’Armée, le mot ‘’Azawad’’, parmi les quelques notions qui font peur dans l’Accord d’Alger, on peut citer la police territoriale, le contrôle à posteriori et la coopération internationales mentionnés dans l’Accord. Le ‘’prix Roi Baudouin pour le développement’’ du Mali, Dr. Ousmane Sy revient sur lesdites notions et fixe les limites de compétence entre collectivités et Etat.
Sur la police territoriale, Dr. Sy trouve d’abord que le concept police territoriale est un concept malheureux sur lequel les gens se sont agrippés et faisant des interprétations dans tous les sens. Par contre, selon lui, derrière le concept police territoriale, il y a la question de la police locale, qui n’est pas une question nouvelle. Pour lui, la décentralisation, c’est qu’il y a des problèmes au niveau local. On responsabilise des gens au niveau local pour trouver des solutions à leurs problèmes. Parce que simplement le niveau national est trop loin pour trouver des solutions aux problèmes du niveau local. « C’est ceux qui vivent sur ces territoires, qui sont capables de trouver des solutions, les plus pertinentes à ces problèmes », explique-t-il.
A ses dires, la question de la sécurité, aujourd’hui, est un problème aussi local. « Il y a la sécurité dans les villages. Il y a des problèmes de sécurités dans les communes. Donc la question de la police locale, ça veut dire, au lieu de demander à la police nationale, d’aller trouver des solutions aux problèmes de sécurité locale, mettons en place un dispositif au niveau local qui est sous la responsabilité des élus locaux pour gérer les problèmes de sécurité au niveau local. C’est ça la police locale. Qui existe même au tour de nous, au Burkina, au Sénégal. Dans beaucoup de pays il y a la police locale », a confié Dr. Sy.
La vraie question, Accord ou pas, qui reste posée, quel dispositif on met en place pour répondre aux questions de sécurité de proximité ? S’interroge M. Sy. A l’en croire, les questions de sécurité qui étaient des questions nationales, sont devenues des questions locales. Donc les enjeux de sécurité sont devenus des enjeux locaux. Et on a estimé que la police nationale n’était pas outillée en effectif, en méthode de travail pour simplement résoudre cette question au niveau local. Il fallait créer un dispositif, de police en collaboration avec la police nationale qui s’occupent des questions locales. C’est pour cela d’ailleurs la loi donne pouvoir de police aux maires. Il précise que le maire est un officier de police administrative et judiciaire. Il a pouvoir de police. Ce qui lui manque aujourd’hui, c’est les forces de police. Partout où il y a un maire, on lui doit une force de police, estime notre interlocuteur.
L’importance de cette question, vous avez vu l’insécurité qui se généralise dans notre pays. Si la police nationale n’est pas présente dans un endroit, la communauté crée leur propre police et en dehors de la loi. C’est ce qu’on appelle les milices d’autodéfense ou brigade de vigilance aujourd’hui, a fait savoir Dr. Ousmane Sy. Actuellement, la nécessité de la police locale est indiscutable. Maintenant je ne l’appellerais pas police territoriale. Je l’appellerais police locale ou police municipale. Moi je dis le terme police territoriale est un terme malheureux mais le débat ou la question reste la nécessité d’une police locale.
Le contrôle a posteriori
La décentralisation met en place deux types de contrôle. Le contrôle à priori et le contrôle a posteriori. Le contrôle à priori : « est de dire décider mais avant d’exécuter, il faut que moi je contrôle. Ça c’est le rôle de l’Etat. L’Etat dit vous avez une liberté administrative qui est garantie par la constitution et la loi. Voilà les domaines où vous pouvez décider. Mais si vous décidez, il faut que moi, je contrôle pour voir si c’est conforme à la loi avant que vous exécutiez. Ça c’est le contrôle à priori. On contrôle avant exécution », a-t-il expliqué.
Le contrôle a posteriori : « C’est-à-dire décidez, vous exécutez mais moi, je viens derrière pour voir si ce que vous exécutez, est conforme à la loi, je laisse. Si ce n’est pas conforme à la loi, je vous dis d’arrêter. C’est ça le contrôle à posteriori », a-t-il ajouté.
Aux dire de Dr. Sy Ousmane, dans tous les textes de la décentralisation et même actuellement au Mali et dans le monde entier, dans les responsabilités qui sont confiées aux collectivités, il y a des décisions qui sont des contrôles à priori, il y a des contrôles qui sont à posteriori sur certaines décisions. « Vous prenez le code des collectivités qui existent dans notre pays depuis 1994. Par commune, par cercle, par région, il est dit dans la loi, voilà les domaines dans lesquels, les conseils communaux, de cercles et les régionaux peuvent prendre des décisions ; Voilà des domaines dans lesquels ils sont responsabilisés pour prendre des décisions », relate-t-il et ajoute : « Maintenant dans ces domaines, il y a un certains nombres de questions, qui sont des questions sensibles, où pour décider, pour mettre en œuvre, ils ont besoin de l’aval du représentant de l’Etat qui est le gouvernement, le préfet et le sous-préfet. Il faut que ces représentants donnent leur aval. Exemple : Si un conseil communal se réunit pour prendre une décision, dans certains domaines que la loi définit, cette décision est soumise au préalable au préfet qui est le représentant de l’Etat. Ce dernier regarde est ce que la décision prise est conforme à la loi. Et si c’est conforme à la loi, il a même un délai, à 1 mois, pour répondre si la décision est conforme ou pas à la loi. Ou bien dire Non. La décision n’est pas conforme à la loi. Vous ne pouvez pas exécuter. C’est ça qu’on appelle le contrôle de légalité ». Ça il y a des domaines, en exemple il cite : « Le budget. Même dans les textes actuels, tout ce qui est budget, recrutement de personnes, il y a un certain nombre quand vous regarderez la loi, vous verrez qu’il y a des domaines où il faut l’accord préalable. Mais il y a des domaines la loi estime que vraiment, ce n’est pas si dangereux que ça. S’ils décident, ils peuvent commencer à exécuter mais si après, les délibérations sont envoyées au préfet, si le préfet voit que ce n’est pas conforme à la loi, il peut venir dire, attention, vous avez mis ça, ce n’est pas conforme. J’annule. Ou bien même le juge. Le tribunal administratif sert à ça. Si le conseil communal prend une décision, si le préfet ou un simple citoyen de la commune voit que la décision n’est pas conforme à la loi, peut saisir le juge administratif, le juge annule la décision ». Ça c’est le contrôle à postériori. Ça ce n’est pas dans l’accord mais dans les textes qui existent déjà. Dans des lois qui ont été votées depuis les années 1990 à l’Assemblée nationale du Mali.
La coopération internationale
C’est ce qu’on appelle la coopération soit transfrontalière soit la coopération inter collectivités. La loi définit pour dire : « Les collectivités ont la possibilité sur un certain nombre de question, de coopérer soit avec les communes maliennes soit avec des communes étrangères. Et la loi dit aussi, les collectivités, peuvent bénéficier de subvention venant des partenaires internationaux. Mais tout ça c’est sous le contrôle de l’Etat, a dit Dr. Sy Ousmane.
Plus loin il confie que : « Dans l’organisation de l’Etat, il y a des domaines qui sont, ce qu’on appelle les domaines de souveraineté, domaines régaliens de l’Etat, qui ne peuvent pas faire objet de décentralisation, nulle part au monde : La défense du territoire ; (chaque collectivité ne peut pas avoir son armée), la Diplomatie (chaque collectivité ne peut pas avoir sa coopération internationale); la monnaie (chaque collectivité ne peut pas avoir sa propre monnaie et aussi la justice. Ceci ne peut faire objet d’une discussion même de transfert. Donc il n’est pas question qu’une collectivité malienne aille faire un accord avec le gouvernement français mais une collectivité malienne peut faire un accord avec une collectivité française sous la supervision des deux Etats. Mais elle ne peut pas aller faire un accord avec le gouvernement français, américain ou chinois ».
Koureichy Cissé
Mali Tribune