Elle met à la disposition des sites de prise en charge les consommables et les médicaments
à la différence de certains acteurs qui se mettent sous les feux des projecteurs et cherchent à tirer la couverture à eux dans la croisade contre le coronavirus sans apporter grand-chose, la Pharmacie populaire du Mali (PPM) ne crie pas sur les toits son rôle d’épine dorsale. Certains lecteurs pourraient nous trouver un brin provocateur. Mais sans passion, il s’agit simplement de mettre en lumière les mérites d’une entreprise essentielle dans la lutte contre le Covid-19 comme l’huile dans le fonctionnement d’un moteur. Une entreprise qui s’emploie, à l’ombre, à dissiper les angoisses des hôpitaux, en termes d’approvisionnement en intrants pour les soins.
Qui n’a pas entendu cette formule consacrée : « faites la requête auprès de la PPM » pour la mise à disposition des médicaments qui entrent dans la prise en charge des patients Covid-19 dans les sites de traitement, notamment dans les établissements hospitaliers ?
La PPM achète des consommables pour les mettre à la disposition de la Direction de la pharmacie et du médicament (DPM) qui, à son tour, les repartit entre les hôpitaux, en fonction d’une clé de répartition donnée par le département de la Santé et des Affaires sociales. à titre d’exemple, l’établissement pharmaceutique a fourni plus de 100.000 bavettes, plus de 550.000 gants, 300.000 blouses à usage unique, 15.000 charlottes (bonnets) à distribuer aux hôpitaux du Point G, Gabriel Touré, Hôpital du Mali, Centre hospitalo-universitaire Centre national d’odontostomatologie (CHUCNOS) et la Direction générale de la santé (DGS).
Il faut rappeler que pour la prise en charge des malades, une dotation initiale de 10.000 comprimés de chloroquine a été donnée par l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS). Mais cette quantité a été totalement consommée par les praticiens, obligeant ainsi les hôpitaux à recourir à la PPM pour un réapprovisionnement en chloroquine. Celle-ci a aussitôt fourni 200 boîtes de chloroquine de 100 comprimés chacun, soit le double de la dotation de l’OOAS. Ces médicaments ont été certifiés conformes aux normes. Les certificats 38,39 et 40 du 17 avril 2020 du Laboratoire national de santé (LNS) en attestent. La Pharmacie populaire est aussi sollicitée dans la mise à disposition des solutions hydroalcooliques. à ce titre, elle a acheté 45.000 litres d’alcool pour fabriquer des solutions hydroalcooliques dosées à 70% en teneur d’alcool. Ce qui, de l’avis des spécialistes, est diablement efficace pour tuer les germes. Des flacons de 100 millilitres et des bidons de 5 litres sont en vente à la PPM centrale.
Si les consommables sont mis à disposition de la DPM pour être repartis entre les hôpitaux, la PPM répond directement aux sollicitations des sites de prise en charge des malades pour les autres médicaments destinés au traitement des personnes infectées au Covid-19. Dès que les hôpitaux font la requête, ils sont vite servis par la PPM qui fonctionne dans une organisation interne, dont elle seule a le secret.
RISQUE DE PÉNURIE- Le directeur général de l’établissement, Mamady Sissoko, admet que son établissement enregistre certaines difficultés liées à l’approvisionnement. « De plus en plus, nos fournisseurs internationaux exigent aussi de payer par avance les intrants qui entrent dans la prise en charge du coronavirus », explique le premier responsable de la plus grande centrale d’achat du pays. Mais l’entreprise pharmaceutique continue de faire le dos rond. Jusqu’à quand va-t-elle tenir sur ressources propres, si l’état ne l’aide pas à enlever de son pied ce qui est en train de devenir une épine ? Il faut donc rembourser systématiquement les frais engagés par l’entreprise pour acquérir des consommables et autres médicaments auprès des fournisseurs parce que l’entreprise aussi a besoin d’une perfusion pour mieux respirer afin de ne pas être étouffée. Les remboursements sont fait mais à quel rythme ?
Au regard de la forte demande, le risque de pénurie est réel. Mais aux yeux de Mamady Sissoko, la solution passe par l’anticipation des commandes pour ne pas tomber dans la rupture. Si les choses n’évoluent pas d’ici 6 mois, il faut se poser la question de savoir si ça ne va pas être l’arrêt. «Il faut s’attendre à une pénurie parce que la demande est très forte. Comme pour ne rien arranger dans cette situation, l’Inde est confinée et la Chine reste donc le seul pays à produire certains consommables. Le géant asiatique ne pourra pas satisfaire toutes les commandes », prévient notre interlocuteur.
Au-delà de cette situation réelle, la PPM doit aussi répondre aux sollicitations des établissements de santé, en dehors des médicaments destinés à la prise en charge de Covid-19. Il s’agit des intrants pour les autres programmes de lutte contre le paludisme, des anticancéreux, des kits de césarienne, entre autres. Le patron de la Pharmacie populaire explique que c’est un gros défi à relever. Le Pr Ousmane Faye, directeur de l’Hôpital de dermatologie de Bamako, joint au téléphone, confirme que la PPM apporte régulièrement à travers la DPM les dotations en consommables conformément à une clé de répartition. Mais puisque son établissement est le dernier né des hôpitaux, il s’attèle à la mise en place d’une pharmacie hospitalière. Pour l’instant, il n’a pas cette possibilité comme les autres structures hospitalières de s’adresser directement à la PPM pour avoir des médicaments.
La PPM est sans doute un maillon essentiel de la chaîne de soins, encore plus dans un contexte de coronavirus. Il faut donc éviter de pressurer la machine d’approvisionnement pour ne pas la gripper.
Bréhima DOUMBIA
Source : L’ESSOR