Après l’évincement du pouvoir d’Ibrahim Boubacar Keita (75 ans), l’on craint que le brasier de la colère populaire ne s’éclate dans deux pays de la sous-région, à savoir la Côte d’Ivoire et la Guinée. Car au Mali, la grande mobilisation populaire du M5 RFP eut comme effet l’affaiblissement du pouvoir en place, ce qui induisit un putsch tellement facile.
Au pays de feu Félix Houphouët-Boigny, le président sortant, Alassane Dramane Ouattara avait déclaré qu’il ne serait pas candidat pour un troisième mandat tout en désignant son dauphin, qui était son Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly. Après le tragique décès de celui-ci, il se ravisa, et déclara sa candidature à la stupeur générale. Il n’en fallut pas plus pour voir à travers le pays, se manifester des sentiments communautaires, dans un pays où l’appartenance ethnique reste encore vivace. Les vieux démons du passé ont semblent-ils refait surface. Des baoulé, bété et autres agnis, n’entendent pas octroyer aux dioulas, considérés jadis assez souvent comme étrangers, une minute au pouvoir. Ces sentiments hautement nocifs à la cohésion nationale et à la stabilité du pays vont-ils se poursuivre jusqu’à atteindre le pic de l’embrasement ? D’autant plus que ADO a 78 ans dans un pays où la moyenne d’âge est de 32. Les jeunes l’entendront-ils de cette oreille ?
En Guinée, alors que certains pensaient qu’Alpha Condé allait peut-être se séparer du pouvoir après la mésaventure de son frère IBK, rien n’y fait, il persiste et signe pour une candidature pour un troisième mandat. A 82 ans, il n’a que faire des multiples revendications de l’opposition. Là aussi, la fibre ethnique semble jouer encore un rôle non négligeable ; alors qu’en pensait qu’au fil des années, ce ne sera pas le cas. Bon nombre de malinkés et de soussou n’entendent pas céder facilement le pouvoir aux peuls considérés comme détenant déjà la manne financière. Une mentalité qui a semble-t-il bénéficier à Condé pour se réélire deux fois de suite. En sera-t-il de même cette fois ? Nombre de guinéens, surtout les jeunes, souhaitent avoir un nouvel occupant au palais Sékoutoureya. Une certaine exaspération existe au sein de la population car depuis l’indépendance de la Guinée, le pays n’a connu que trois présidents de la République.
Les jeunes, évincés du pouvoir, ou pas intéressés ?
A cette question, l’on pourrait répondre qu’il s’agit d’un peu des deux. Les partis politiques n’organisent pas de formation à la base sur le militantisme et surtout la citoyenneté. Idem sur l’idéologie politique qui motive chaque parti. Résultat, les jeunes qui militent dans les partis politiques, excepté quelques-uns qui y sont rentrés par amour et par vocation, se retrouvent sans aucune base. Ils militent uniquement que pour leurs propres intérêts, un peu comme leurs ainés qu’ils idolâtrent parfois. Quant aux vieux, ils apprécient tellement la soupe du pouvoir, qu’ils comptent s’y abreuver à vie.
Scénario malien en Côte d’Ivoire ou en Guinée ?
Le coup d’Etat qui mit fin au régime d’IBK pourrait peut-être donner des idées aux militaires de ces deux pays voisins. D’autant que le cas de ses deux présidents sortants est bien plus incriminant que celui d’IBK qui jouissait de plein de droit de son deuxième mandat ; rien à voir avec ADO ou Alpha qui comptent briguer un troisième mandat. N’y a-t-il pas donc d’autres citoyens, qu’ils soient jeunes ou vieux, capables de diriger ces pays ? Bien sûr que oui.
Dans tous les cas, bien malin qui peut prédire comment se dérouleront les joutes présidentielles d’octobre ; si elles se dérouleront sans accrocs ou, qu’à Dieu ne plaise, en présence des vieux démons du passé.
Ahmed M. Thiam
Source: Infosept