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Pape Ibrahima Kane: «Mugabe a beaucoup de comptes à rendre»

Le dernier sommet de l’Union africaine a porté à la présidence tournante de l’organisation une figure polémique de l’histoire africaine : le président zimbabwéen, Robert Mugabe. Un symbole de la résistance à l’Occident, mais aussi le chef d’un Etat autoritaire qui a contraint une partie de la population de son pays à l’exode. Pape Ibrahima Kane est Sénégalais, il est basé à Nairobi et suit les questions relatives à l’Union africaine au sein de la fondation Open Society. Il fait partie de ceux qui désapprouvent cette désignation.

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RFI : En tant que responsable africain de la société civile, comment est-ce que vous réagissez à la désignation de Robert Mugabe à la présidence de l’UA ?

Pape Ibrahima Kane : J’aurais voulu que ce soit une autre personne. On a un président qui a 83 ans, on a un président qui a vécu à la tête de son pays pendant au moins 35 ans, donc je ne pense pas que ce soit une personne qui puisse nous apporter des idées nouvelles. L’acte constitutif de l’Union africaine dit qu’on doit préserver la vie humaine, qu’on doit lutter contre l’impunité. Mugabe a associé son nom aux dernières élections mouvementées du Zimbabwe, où pour gagner la présidence il a fallu tuer beaucoup de personnes. Mugabe est également à l’origine de la fuite de plus de 4 millions de Zimbabwéens de leur pays, donc il a beaucoup de comptes à rendre.

Qu’est-ce qui explique cette désignation de Mugabe par ses pairs ?

La première raison est que cette année, la présidente africaine étant tournante, c’était le tour de l’Afrique australe de prendre en charge les destinées du continent pendant un an. En Afrique australe, on est aujourd’hui dans une situation où dans la moitié des Etats, les présidents viennent juste de prendre fonction. Je pense au Malawi, à la Zambie, au Mozambique. En plus, il y a au moins dans deux ou trois Etats des présidents qui doivent quitter leur fonction, comme la Tanzanie par exemple où les élections ont lieu dans deux mois. Donc il n’y avait pas beaucoup de choix dans la région. Deuxième facteur important, c’est aussi une manière pour l’Afrique australe d’ouvrir une porte de sortie pour Mugabe parce qu’au terme de son mandat, il ne pourra plus se représenter. Et c’était une bonne manière de lui dire au revoir.

En 2006, on s’était retrouvé devant une situation similaire. Le président soudanais Omar el-Béchir voulait prendre la présidence de l’organisation. C’était une candidature extrêmement polémique. Là, l’Union africaine avait réussi à écarter cette candidature. Pourquoi est-ce que cette jurisprudence de 2006 n’a pas pu être appliquée cette fois-ci ?

Rappelez-vous qu’en 2006, le Soudan était un pays en guerre. Il y avait eu plusieurs missions d’enquête au Darfour qui ont vraiment montré qu’il y avait des violations graves et massives des droits de l’homme. Et en dernier lieu, il y avait au niveau du continent des dirigeants qui étaient vraiment prêts à tout mettre en œuvre pour que les principes des règles de l’Union africaine puissent être respectés. Je pense particulièrement au président en exercice de l’époque, le président Obasanjo (ancien chef de l’Etat du Nigeria, ndlr) et aussi au président de la Commission de l’UA, Alpha Oumar Konaré. Eux-mêmes ont pesé de leur poids pour que les Africains décident autrement.

Comment les Africains perçoivent Robert Mugabe ?

En Afrique australe, peut-être au niveau des dirigeants il a toujours cette image de quelqu’un qui non seulement a aidé à libérer son pays, mais qui a aussi contribué à la libération de l’Afrique du Sud, mais aussi des autres pays comme l’Angola, comme le Mozambique et autres. Cette image est révolue. La majorité des Africains ont aujourd’hui moins de trente ans. Donc cette stature de quelqu’un qui a résisté aux Occidentaux ne tient pas.

Est-ce que cette désignation de Robert Mugabe peut avoir un impact sur le fonctionnement de l’Union africaine ou sur l’obtention de financement ?

La présidence en exercice n’a pas un impact très important sur le vécu des Africains. Prenez le cas du Mauritanien (Mohamed ould Abdel Aziz, ndlr) qui vient de rendre le tablier. Avez-vous une idée de son impact sur la crise au Burkina Faso, sur ce qui s’est passé en République démocratique du Congo ou bien lors de la guerre dans le Sahel ? Je ne pense pas.

Par Laurent Correau

Source: RFI

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