C’était dans son adresse à la Nation du 31 décembre 2023 que le Colonel Assimi Goïta avait annoncé l’appropriation nationale du processus de paix et la tenue d’un Dialogue inter-Maliens pour la Paix et la Réconciliation nationale. Ce dialogue inter-Maliens a, en effet, eu lieu sur l’ensemble du territoire national et dans les missions diplomatiques et consulaires du Mali. Au sortir du dialogue, il avait été retenu, parmi les résolutions des délégués présents, l’élaboration d’une Charte pour la Paix et la Réconciliation nationale. Pour magnifier le travail accompli par Ousmane Issoufi Maïga et son équipe, le Chef de l’État, après les avoir reçus à Koulouba pour la remise du rapport final, les avait remerciés avant de mettre en place une nouvelle commission par Décret N°2024-0384/PT-RM du 28 juin 2024, en charge de rédiger l’avant-projet de la Charte nationale pour la Paix et la Réconciliation nationale. Une mission commando de deux mois leur avait été insufflée, avec cette charge définie à l’article 2 du décret cité : «la Commission de rédaction de l’avant-projet de la Charte nationale pour la Paix et la Réconciliation nationale est chargée d’élaborer l’avant-projet de texte de la Charte devant constituer le document de référence pour toutes initiatives, actions et activités qui concourent à la sécurité, à la paix, à la réconciliation nationale, à la cohésion sociale et au vivre-ensemble au Mali». Pour réussir une telle œuvre titanesque, avec tout ce qu’il s’est passé entre temps, ce n’était pas évident malgré les moyens mis en œuvre et l’approche pluridisciplinaire choisie par ladite Commission. C’est pour cette raison que le Président de la Transition, Colonel Assimi Goïta, a jugé bon de leur ajouter un délai d’un mois supplémentaire.
Pour y parvenir, la Commission placée sous la présidence de l’ancien Premier ministre, M. Ousmane Issoufi Maïga, s’est étoffée de qualités ès et de compétences variées provenant de tous les horizons socioprofessionnels et a eu recours à des personnes ressources, experts nationaux dans tous les domaines d’activités. La Commission est assistée par deux rapporteurs généraux et se compose de quarante-six experts. Certains observateurs ont laissé entendre que ce sont les mêmes têtes et profils qui sont choisis dans la composition de cette Commission. Ce qui traduit la constance et la loyauté des acteurs choisis pour leur engagement patriotique et leur citoyenneté exemplaire dans le but de concrétiser le concept de Mali Kura, qui reflète en soi un progrès spirituel vers l’avènement d’une méthodologie de développement que l’on voudrait endogène et inclusif. C’est dans cet esprit et ces bonnes dispositions que l’expertise malienne dans la production de textes de qualité est fort attendue. Aussi, est-il prescrit dans le décret de création de la Commission «la consultation des forces vives de la Nation» pour assurer l’inclusivité du processus de rédaction de l’avant projet de la Charte Nationale pour la Paix et la Réconciliation nationale. Le président de la commission est assisté de deux rapporteurs, de l’administrateur civil Boubacar Sow et Abdoulaye Nantoumé. L’on y note la présence d’experts nationaux, des universitaires, des militaires et des acteurs de la société civile.
Initialement prévue pour fin août, la remise du document final au Chef de l’État est reportée à fin septembre. Après trois mois de travail acharné, la Commission de rédaction de l’avant projet de Charte nationale pour la Paix et la Réconciliation nationale, à l’issue de ses travaux, sera à même de déposer sur la table du Président de la Transition le projet de charte. Un mérite à saluer quand on sait combien le concept pertinent et opératoire de Mali Kura tient au cœur du Colonel Assimi Goïta. En attendant qu’il devienne réalité du jour, à la faveur de la célébration de la fête nationale d’indépendance du 22 septembre venant, le délai supplémentaire obtenu jusqu’en fin septembre, sera mis à profit pour arrondir les angles, relire et corriger le document de ses aspérités et lui donner une assise et une texture hors toute contestation.
Dans ce but, signalons qu’il y a déjà eu l’élargissement des concertations multiples à toutes les sensibilités du pays et des rencontres multipliées avec toutes les institutions de la République et les agences de l’État qui ont eu leur mot à dire.
De là à dire que la tâche de la commission ne relève pas de l’impossible, dans la mesure où beaucoup d’étapes ont déjà été franchies en amont depuis mars-avril 2024 et in media res depuis mai-juin 2024. En aval et in fine, avec le délai supplémentaire accordé, on peut dire que la quête de la paix au Mali pour une réconciliation aux blessures cicatrisées est en train de devenir une réalité vécue. Malgré les postures inexpliquées de certains partis politiques, qui devaient être les plus fermement attachés à cette mission, pour davantage se rapprocher des populations qui les éliront et se mettre à leur écoute sous le couvert de la protection des unités d’élite des Fama. Sans cela, comment espèrent ils s’en sortir une fois la campagne électorale ouverte pour regagner en crédibilité aux yeux de l’électorat devenu plus éveillé, plus conscient et plus qu’exigeant ? Hors cette entorse, les travaux de rédaction de l’avant-projet de la Charte Nationale pour la Paix et la Réconciliation Nationale se sont déroulés normalement et la Commission est en voie de boucler la rédaction et sa révision dans les jours à venir.
Pour rappel, c’est depuis le 3 juillet dernier que la Commission s’est mise à la tâche et a ainsi commencé ses rencontres avec les autorités traditionnelles et religieuses (lundi 22 juillet), d’abord, puis les partis politiques (mardi 23 juillet) et a ensuite poursuivi ses consultations avec les autres forces vives et institutions de la République. Depuis cette date, l’équipe d’experts, sous la conduite du président de la Commission Ousmane Issoufi Maïga, a mené de nombreuses activités devant concourir à l’élaboration de l’avant-projet de la Charte nationale pour la Paix et la Réconciliation nationale. Les plus importantes sont : l’élaboration des TDR (Termes de références) de la mission ; une note de cadrage pour cerner les contours des concepts utilisés et des activités à mettre en œuvre ; une méthodologie de travail de la Commission ; un plan de communication ; l’organisation des consultations avec : identification des organisations et des personnes à consulter, élaboration d’un programme des consultations à Bamako et dans les régions, élaboration de questionnaires spécifiques pour les catégories d’organisations, de personnes-ressources et d’ universités à rencontrer, identification de quatre ministères à rencontrer en raison de leur implication particulière dans les questions de paix, de sécurité et de réconciliation (ministères chargés de la Sécurité, de la Défense, de la Justice, de l’Administration territoriale et de la Réconciliation). Et enfin, la préparation de drafts de l’avant-projet par les deux sous-commissions de travail.
Toutes ces activités ont permis, au terme de longs échanges, de disposer d’un draft de l’avant-projet de la Charte qui est en cours de finalisation par l’ensemble des membres de la Commission. D’ores et déjà, l’esquisse de l’avant-projet de la Charte a pris forme. Pour garantir l’efficacité de ses travaux, la commission se réunit régulièrement et fait un point d’étape tous les quinze jours auprès du président de la Transition. À la fin de sa mission fin septembre, elle devra déposer un rapport détaillé et l’avant-projet de la Charte, conçu dans un contexte particulier qui a vu la persistance de la crise multidimensionnelle et les affrontements de Tinzawatène avec les enjeux géopolitiques mondiaux qui s’y sont mêlés ouvertement.
Une fois réceptionné par le Chef de l’État, l’avant-projet de Charte sera le référentiel éthique national devant servir de guide au peuple pour le renforcement de la cohésion sociale (mixité culturelle), du vivre-ensemble (paix civile) et de l’unité nationale (entente socio-politique). La charte nationale aura aussi pour vocation, l’éveil des consciences citoyennes chez nos plus jeunes et la moralisation de la vie publique dans la population active.
Pour cette œuvre titanesque, les membres de la commission auront alors réussi à restaurer la cohésion nationale et à retrouver la paix sociale, conformément à la vision inscrite dans la Constitution en vigueur et qui reflète les recommandations des Assises nationales de la Refondation. La Charte nationale sera donc celle de la Nation «réconciliée, refondée, tolérante, respectueuse de son passé et confiante en son avenir», et reposerait «sur une gouvernance démocratique, juste et équitable». Enfin, «la future Charte nationale pour la paix et la réconciliation nationale sera aussi le document de référence destiné à orienter le pays vers une paix durable en s’appuyant sur les valeurs endogènes et un engagement collectif fort. Elle reflétera la volonté du Peuple malien de surmonter les divisions et d’instaurer, dans un élan solidaire unique, un avenir de paix, de sécurité et de prospérité partagée», avec des perspectives innovantes au sein de la zone du Liptako-Gourma où se localise la Confédération AES. Pour reprendre les termes de la Note d’information de la Commission sur le processus de rédaction de l’avant-projet de la “Charte Nationale pour la Paix et la Réconciliation Nationale”. Un document-maître, un référentiel-cadre qui «vise à redynamiser les efforts de paix dans un pays marqué par des années de conflit et d’instabilité».
La commission est en phase de finalisation de l’avant-projet de charte, et le président de la commission doit, avec ses rapporteurs, livrer dans quelques jours le travail fini dans les délais impartis, au président de la Transition, au plus tard début octobre. Pour ce faire, il aura fallu qu’elle bénéficia d’une rallonge d’un mois supplémentaire, à quelques jours de la fin du délai initial de deux mois, par décret signé du Président de la Transition, afin qu’elle puisse continuer sa mission. Durant ce nouveau délai, les consultations vont s’élargir à l’ensemble des institutions de la République, aux anciens Chefs d’État et aux anciens Premiers ministres afin de recueillir leurs contributions. Comme le Dialogue Inter-Maliens a mis fin à l’Accord d’Alger, la nouvelle Charte Nationale pour la Paix et la Réconciliation Nationale, sous la supervision et la coordination d’Ousmane Issoufi Maïga, après des consultations organisées avec les forces vives de la nation et la production du document-maître, des notes techniques et d’information et du rapport d’activité, mettra aussi fin au cadre déjà en place. À savoir la Charte pour la paix et la réconciliation, adoptée en 2017 suite à la Conférence d’entente nationale. Un document, à l’origine, destiné à structurer les efforts de paix et de réconciliation, qui ne sera plus en vigueur, une fois la Charte Nationale pour la Paix et la Réconciliation Nationale née.
Khaly-Moustapha LEYE
Source: L’Aube