2035, c’est déjà aujourd’hui et l’Afrique qui ne manque pas d’atouts doit encore déterminer la meilleure manière de les jouer
C’est un rendez-vous qui s’est attribué désormais une place méritée dans l’agenda des rencontres internationales qu’abrite notre continent. En 15 éditions, par la pertinence des sujets qu’il aborde ainsi que par la qualité des participants qu’il réunit, le Forum de Bamako est devenu un haut lieu de débats sur les questions de développement de l’Afrique. Placée sous la présidence du chef de l’Etat, la quinzième cérémonie d’ouverture de cette grande messe de l’intelligence et du métissage des expertises a eu lieu a hier à l’hôtel Salam en présence d’un public nombreux et de futurs intervenants venus des quatre coins du monde. Le thème choisi et qui sera développé pendant trois jours porte sur « l’émergence de l’Afrique à l’horizon 2035 défis et opportunité les partie prenantes ».
Premier orateur, le vice-président de la Fondation du forum de Bamako, Abdoullah Coulibaly, a remercié le président de la République pour tout l’intérêt porté à l’événement. Un intérêt qui n’a rien surprenant pour qui sait le chef de l’Etat homme soucieux de la valorisation du savoir et de la réflexion. « Nous savons que vous êtes attachés à la manifestation de la grandeur de notre pays. Cette ambition est à la base des programmes structurants conçus pour un Mali émergent », a rappelé Abdoullah Coulibaly en parlant de la vision du président de la République.
Il s’est réjoui également du fait que nos hôtes ont pu percevoir qu’au-delà des épreuves, les Malien se battent pour faire de notre pays non seulement une terre d’accueil, mais aussi un véritable creuset des sciences et des savoirs. Abdoulaye Coulibaly a mis un accent particulier sur la présence d’un expert indien qui sera le principal intervenant d’un atelier sur l’économie informelle, secteur extrêmement dynamique dans notre pays, mais dont tout le potentiel ne s’est pas encore exprimé. L’organisateur principal s’est aussi fait un devoir de rendre un hommage appuyé à la France et à tous les amis du Mali qui ont concouru à la libération de notre pays du joug des djihadistes.
LES JEUNES, AVANTAGE COMPARATIF. Etant donné qu’on a coutume de dire que demain, c’est déjà aujourd’hui, l’émergence envisagée pour l’Afrique en 2035 doit se préparer maintenant. Mais notre continent a-t-il les moyens de relever ce défi ? Les indicateurs incitent à l’optimisme. Jamais en effet, l’Afrique n’avait connu une pareille avancée en un temps aussi court. Entre 2000 et 2011, les exportations des pays africains au sud du Sahara ont augmenté de plus de 400% (de 100 milliards de dollars à 4020 milliards de dollars) avec une forte hausse de la demande pour les ressources naturelles. Pendant la décennie passée, six des dix pays qui ont connu la plus grande croissance économique sont africains.
Dans la décennie prochaine, le PIB de l’Afrique devra augmenter dans une moyenne de 6% par an. Avec une telle croissance économique, de nombreux pays africains ont effectué de progrès significatifs dans la réalisation des Objectifs du millénium pour le développement. On assiste également à une diminution de la mortalité grâce aux efforts en matière de lutte contre le VIH et le paludisme, ainsi qu’à une augmentation du taux de scolarisation, à une bonne politique du genre et à une croissance de la classe moyenne avec une bonne capacité de consommation. Enfin l’avancée de la démocratie et la stabilité des pays sont des facteurs encourageants. De plus, l’Afrique compte 200 millions de jeunes âgés de 15 à 24 ans qui représentent 20% de la population globale. Ce « profit démographique » pourrait donner un avantage comparatif au continent.
Si l’Afrique peut se targuer de disposer d’atouts conséquents, il lui reste à se donner les moyens de relever certains défis. Les différents intervenants l’ont rappelé au cours de cette cérémonie d’ouverture en soulignant d’entrée de jeu les préalables à l’atteinte des objectifs. Tout le monde s’est accordé sur le fait qu’il ne peut y avoir de développement sans sécurité. C’est la conviction professée par l’ambassadeur de France Gilles Huberson qui aussi a fait le lien entre l’événement bamakois et le Forum franco-africain pour une croissance partagée, organisé il y a peu en France. Cet espace d’échanges a mis l’accent sur l’émergence du continent en partenariat avec la France. A cet égard, Gilles Huberson a repris les propos des présidents Hollande et Ouattara qui ont tous deux affirmé qu’il n’y a pas de croissance, ni de développement économique sans sécurité. Pour sa part, la France est engagée sur ce préalable indispensable à travers sa présence au Mali et au Sahel. L’autre point évoqué par le diplomate français comme déterminant pour le développement économique, c’est l’investissement en capitaux pour soutenir la croissance. A ce niveau également, dira-t-il, la France est présente à travers des engagements financiers colossaux. L’Agence française de développement entend en effet injecter environ 20 milliards d’euros dans les cinq prochaines années en Afrique. D’autres formes d’assistance sont prévues, notamment dans le cadre de la transition énergétique, de la lutte contre les changements climatiques ou encore des financement participatifs avec l’implication de la diaspora.
VOIRE DES BOULEVERSEMENTS. Abondant dans le même sens, l’ambassadeur représentant de l’Union européenne, Richard Zink, a expliqué que de grands chantiers sont ouverts au Mali. « Ils sont ambitieux, mais à la hauteur des défis qui se présentent », a estimé le diplomate. Pour ce dernier, en plus de sécurité, il faut s’assurer que les politiques qui sont adoptées répondent aux besoins et aux aspirations des populations dans tous les domaines. Le Forum qui propose d’affiner une vision pour le Mali dans 20 ans, a fixé une tâche ardue, car les vingt dernières années nous ont appris que beaucoup de choses peuvent s’accomplir dans ce laps de temps. Les vingt prochaines années verront donc d’autres changements majeurs, voire des bouleversements. Cela implique dès aujourd’hui la construction d’une vision prenant en compte l’ensemble de ces aspects.
Pour sa part, le chef de l’Etat a dans son adresse exprimé le plaisir qui est le sien de se trouver parmi cet aéropage qui témoigne de l’intérêt et de la solidarité à l’égard de notre peuple. Le Forum de Bamako dans ses analyses de la situation de l’Afrique a réussi au fil des années à faire se rencontrer les compétences africaines et d’autres parties du monde parmi les plus écoutées. Pour le président de la République, les échanges sur les différentes thématique seront d’un grand apport pour notre pays pour explorer de nouvelles pistes de lecture sur le réservoir de potentialités insoupçonnés de l’Afrique. Ibrahim Boubacar Keïta s’est dit persuadé qu’en cette ère de globalisation, l’Afrique doit cesser d’être perçue comme un continent à la traîne des autres. Elle a l’obligation de prendre des initiatives pertinentes et d’innover pour assurer son destin. Elle ne peut plus se cantonner dans le rôle de simple consommatrice d’idées et de concepts. Notre continent est en effet confronté à l’impérieuse nécessité de s’investir de manière résolue pour relever les défis du développement
Evoquant des défis d’un autre type, le président Ibrahim Boubacar Keïta a insisté sur celui lié à la sécurité qui interpelle non seulement notre pays, mais aussi le Sahel et au-delà, le monde entier avec la montée de l’Etat Islamique. Parlant des pourparlers inter maliens à Alger, le président de la République a appelé au sens de responsabilité des acteurs pour faire en sorte que les négociations engagées aboutissent à une paix acceptable pour l’ensemble des parties et qui soit fondatrice d’un avenir radieux et prospère pour le Mali.
Lougaye ALMOULOUD
source : L Essor