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Ouattara : son troisième mandat, ses relations avec Gbagbo et Bédié, le RHDP, le cas Soro… Entretien exclusif

Pour la première fois depuis sa réélection, en octobre 2020, le chef de l’État ivoirien se confie. Pour « Jeune Afrique », il revient sur les difficultés de l’année qui vient de s’écouler et insiste sur le nécessaire renouvellement de la classe politique.

 

La dernière interview qu’Alassane Ouattara (ADO) nous avait accordée, en mars 2020, semble remonter à une autre époque. C’était le temps où se forgeait l’après-ADO. Le chef de l’État, alors âgé de 78 ans, avait pris la décision de quitter le pouvoir et de transmettre le témoin à son « fils » et plus proche collaborateur depuis près de trente ans, Amadou Gon Coulibaly (AGC). Le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), né quelques mois plus tôt, se mettait en ordre de bataille pour appuyer cette candidature. Hamed Bakayoko, autre poids lourd du parti et proche du président, avait accepté de se ranger derrière Gon Coulibaly et de mettre ses qualités et son réseau au service du « Lion de Korhogo », dont il était si complémentaire.

Apaisement

Un an et demi plus tard, ce scénario censé porter sur les fonts baptismaux la Côte d’Ivoire de demain a des allures de relique. « AGC » et « Hambak », décédés respectivement en juillet 2020 et en mars 2021, laissent un vide immense. Alassane Ouattara s’est finalement résolu à briguer un troisième mandat, ce qui a mis le feu aux poudres : campagne électorale nauséabonde, scrutin sous haute tension, violences, appels de l’opposition à la déstabilisation, à la désobéissance civile ou au boycott (en fonction du niveau d’animosité à l’égard du chef de l’État)… Une énième crise politique et son corollaire, la peur de l’embrasement. Les mânes de la période décembre 2010-avril 2011 hantaient toujours la lagune Ébrié.

Depuis cette sinistre séquence, la raison a fini par prévaloir et l’heure est à l’apaisement. Ouattara a été réélu, Laurent Gbagbo, acquitté par la Cour pénale internationale (CPI), est rentré en Côte d’Ivoire et Henri Konan Bédié a mis de l’eau dans son champagne. Le chef de l’État a même rencontré ses deux prédécesseurs et adversaires de toujours, et le trio se donne à nouveau du « mon frère » en s’embrassant comme du bon pain.

Sur le fond, et sur ce que chacun pense des deux autres, cela ne change rien. Mais sur la forme, cela change tout. Patrick Achi a pris les rênes du gouvernement, Laurent Gbagbo a quitté le Front populaire ivoirien (FPI) pour créer une nouvelle formation et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) attend toujours de savoir si Bédié passera un jour la main. Quant à Guillaume Soro, l’ancien chef rebelle devenu président de l’Assemblée nationale désormais en rupture de ban, il poursuit son exil mystérieux. Sans doute s’interroge-t-il sur les vicissitudes du destin : s’il avait fait preuve de patience et était resté au RHDP, il aurait aujourd’hui un boulevard devant lui dans la course à la succession de Ouattara.

Pour répondre à nos questions, notamment sur la manière dont il a vécu ces dix-huit derniers mois et sur sa vision de l’avenir, le chef de l’État nous a reçu le 15 septembre, en fin de matinée, dans son vaste bureau du palais présidentiel, au Plateau. Un entretien de plus d’une heure, le premier qu’il accorde depuis sa réélection.

Jeune Afrique : L’année écoulée a été particulièrement éprouvante, entre les décès de vos deux Premiers ministres, votre candidature à un troisième mandat contestée par l’opposition et une présidentielle tendue… Sans oublier la crise liée au Covid-19. Comment l’avez-vous vécue et qu’en avez-vous retiré ?

Alassane Ouattara : Cette année a effectivement été très difficile. La disparition de deux de mes très proches collaborateurs, que je considérais comme des fils, Amadou Gon Coulibay et Hamed Bakayoko, représente une perte immense pour la Côte d’Ivoire tant le travail qu’ils ont accompli au service de la nation a été considérable. Et pour moi aussi, évidemment, compte tenu des liens personnels et affectifs que nous entretenions.

Source : Jeune Afrique
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