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Ogossagou-Peulh ! Episode 2 : La rançon de la duplicité de l’Etat et de l’impunité institutionnalisée

Suite à la deuxième attaque du village d’Ogossagou-Peulh le  vendredi 14 février 2020, les maliens ont, comme à l’accoutumée, eu droit au communiqué du Gouvernement de la République du Mali qui « informe l’opinion nationale et internationale…. ».

Communiqué pathétique d’un gouvernement pathétique, dépassé par les évènements. En moins d’un an d’intervalle pratiquement,être amené à faire le  même communiqué, les mêmes mots de regrets, de condamnation et d’engagement à rechercher les coupables. C’est seulement la date et le nom du porte-parole du gouvernement et sa signature qui ont changé. Du couper- coller d’excellente facture. Le gouvernement  n’a même pas eu le tact de nous épargner  la traditionnelle et mensongère  litanie  selon laquelle les hommes qui ont attaqué et endeuillé Ogossagou –Peulh sont « des hommes armés nonidentifiés ». Car, ces hommes armés sont bel et bien connus et parfaitement identifiés  Ce sont des miliciens chasseurs « donso » du village jumeau d’Ogossagou-Dogon, appuyés par d’autres ‘donso’ introduits  à Ogossagou-Dogon dans la  soirée du jeudi 13 février 2020. Il n’y a  pas deux groupes de chasseurs dans la zone en question. Pourquoi tourner autour du pot.  Essayer  d’accréditer l’idée que ce serait le fait de mercenaires ou des djihadistes relève tout simplement de l’habituelle intox et de la pure imposture qui est mal indiquée dans ces moments tragiques. Un gouvernement responsable doit avoir le courage et l’honnêteté de  s’assumer. Surtout qu’avec les moyens de communication modernes, les gens sont très bien informés et  en direct de ce qui se passe. Dieu merci, l’Etat n’a plus le monopole de l’information pour la manipuler à sa guise.

En  vérité, ce qui  apparaît pour les maliens et de nombreux observateurs est qu’en ce jeudi 13 et vendredi 14 février 2020, l’armée  malienne a livré (intentionnellement ?) les populations d’Ogossagou- Peulh  à leurs bourreaux ‘donso’ de Dan Na Ambassagou pour qu’ils les exterminent. Comment ne pas comprendre et donner foi  aux propos de cet internaute de la zone qui note :

« En tous cas c’est la désolation, la plus totale particulièrement dans le Séno, où l’armée s’en va et les dogons attaquent ! C’est le cas à Ogossagou hier soir. L’armée a quitté  le jeudi, vers 17 h et le village a été envahi de 4 h à 6 h le vendredi matin.Nousavons compté pour le moment 21morts et plusieurs disparus, village totalement détruit. C’était le cas il y a juste une semaine à Koulogon, totalement détruit. L’armée est à environ 12 km, mais attend que les« chasseurs » dogons finissent la sale besogne pour arriver et compter les morts et les blessés. Surtout,  nous trouvons  inadmissible l’utilisation des termes comme « personnes non identifiées et  habillées en tenues de chasseurs » et « conflits inter ethniques », vocables inventés par RFI pour nos autorités. Et celles-ci le répètent sans honte. Deux villages dans lesquels le Président de la République  s’est rendu et a pris des engagements et voilà le résultat !!! ».

Sur ce qui est arrivé aux populations peulhes d’Ogossagou, la responsabilité de l’Etat est totale et est indéniable.  L’Etat et le commandement militaire, à tous les échelons ont été informés à temps des dangers qui menaçaient les populations suite à la décision de relever les éléments du camp  qui assurait leur protection et cela afin  de prendre des dispositions et protéger la population de Ogossagou- Peulh.  Du village d’Ogossagou à la capitale, Bamako en passant par Bankass et Mopti- Sévaré les téléphones n’ont pas cessé de sonner toute la journée et même la nuit du jeudi, et de donner des informations sur la préparation et l’imminence de l’attaque. Mais, rien n’y fit, tous  les responsables civils et militaires ont laissé faire,comme si c’était une consigne,en sachant bien ce qui allait advenir.Si non, pourquoi dégarnir un camp  de protection des populations avant que la relève n’arrive. Pourquoi ne pouvait-on pas attendre que la relève arrive et prenne position avant de dégarnir le camp, si réellement elle devait arriver ? En vérité, c’est difficile  de ne pas penser que  c’est fait sciemment. Car, c’est objectivement une invitation aux miliciens ‘donso’ de Dan Na Ambassagou à attaquer et à faire vite avant que les militaires « dépêchés » n’arrivent. Et c’est ce qu’ils n’ont pas manqué de faire.Vu sous cet angle, le communiqué  de condamnation du Gouvernement est comme une insulte à  l’intelligence du peuple malien et une moquerie très méchante  envers les victimes, leurs parents et toute la communauté peulhe. Toute la chaine de commandement des Forces de Défenses et de Sécurité du Mali et la chaine des responsables administratifs, tous autant qu’ils  sont, sont comptables des crimes commis à Ogossagou-Peulh en ce vendredi 14 février 2020.En effet, ces responsables et représentants de l’Etat n’ont pas, comme les y obligeaient leurs charges et fonctions, apporté assistance à des personnes qu’ils savaient en danger de mort et qui les ont appelés, vainement, au secours. C’est un crime prévu et puni par les lois maliennes et les lois internationales.

Mais faut-il vraiment s’étonner de ce qui vient d’arriver à Ogossagou-Peulh ? Absolument pas ! Les observateurs avisés savaient que cela ne manquerait pas d’arriver, car sous tous les cieux l’impunité enhardit les criminels. Le Mali ne saurait être une exception. Le pouvoir a été maintes fois prévenu. Ce qui est arrivé  à Ogossagou est  donc logiquement et naturellement la rançon de la duplicité de l’Etat et de l’impunité institutionnalisée qui caractérise la gouvernance d’Etat au Mali. En effet, si immédiatement après les conclusions du rapport d’enquête de la MINUSMA sur les crimes d’Ogossagou en mars 2019, rapport qui est explicite et sans équivoque sur les responsabilités,  malgré les précautions du langage diplomatique, si l’Etat avait pris ses responsabilités et avait remis à la justice nationale ou à la CPI,  les criminels de guerre qu’il connait très bien, car détenant la liste des principaux incriminés,  on en serait pas là encore aujourd’hui à compter d’autres morts du même village, en moins d’un an d’intervalle. Mais le Gouvernement sait pourquoi il n’a pas osé franchir le rubicon  avec Dan Na Ambassagou. Ça parait  même normal que Dan Na Ambassagou refuse de payer seul, s’il n’est pas contraint, pour des actions qui seraientpréparées et menées de commun accord. Est-ce par hasard que Dan Na Ambassagou nargue l’Etat depuis une année et lui impose sa coopération militaire avec l’armée?

Malgré tout, il est impensable que l’Etat ne puisse pas désarmer et neutraliserles miliciens « donso » de Dan Na Ambassagou et leurs leaders. S’il ne l’a pas fait jusqu’ici, c’est qu’en réalité il n’en a pas la volonté. Il ne l’a jamais eu. Et de surcroit, il peut craindre des conséquences.  L’Etat n’a pas pu juger  Amadou Aya Sanogo  et pour les mêmes raisons il ne pourra pas faire juger Dan Na Ambassagou et ses dirigeants.Dans les deux cas la crainte d’être éclaboussé par un scandale parait manifeste.

Aujourd’hui, ce n’est pas seulement  pour des raisons de stratégie, mais c’est la peur bleue, voire la panique que Dan Na Ambassagou ne déballe  publiquement et avec des preuves à l’appui le contenu du deal qui le lierait à l’Etat à travers les services de sécurité et l’armée,qui briderait le pouvoir politique et l’amène à fermer les yeux sur les agissements illégaux et criminels de ces  alliés de circonstance.

Cependant, il faut signaler qu’en plus de la très grande responsabilité de l’Etat du Mali dans ces évènements, d’autres acteurs nationaux et internationaux, par leurs actions ou inertie, par leurs déclarations ou leurs attitudes ont pu favoriser, volontairement ou non, la survenue ou la perpétuation de ces crimes au Centre du Mali, surtout dans la zone exondée de la région de Mopti. Ainsi, on peut noter :

Les chaines internationales de communication et les pseudos spécialistes des questions du Sahel ont, sans le savoir peut -être, une certaine responsabilité dans la perpétuation de cette situation de non droit.  En effet, au lieu de dénoncer carrément des crimes d’Etat, ces chaines et ces soi-disant spécialistes s’évertuent   à présenter  les pogromes organisés contre les civils peulhs comme  de banals conflits inter ethniques.  Il est temps qu’ils comprennent et qu’ils notent une bonne fois pour toute, qu’il n’y a pas  en réalité de conflits inter ethniques au Mali qui aient dégénéré en guerre. En dehors des confrontations avec les djihadistes, il n’y a que  les forces de défense et de sécurité maliennes et leurs supplétifs miliciens ‘donso’ qui se relayent  depuis 2018 pour massacrer de paisibles villageois peulhs, coupables d’être de la même ethnie que Hamadoun Kouffa et également d’être des proies faciles à tuer parce que étant empêchés  de s’armer par l’armé. Si ces médias internationaux  insistaient  davantage dans leurs reportages et magazines d’information sur l’aspect criminel et organisé des évènements,au lieu de répéter inlassablement des contrevérités fabriquées pour justifier l’injustifiable, cela aurait pu quelque peu brider  la fougue des criminels de tous les bords.

Ce qu’on pourrait reprocher à la Communauté Internationale et à la MINUSMA en particulier, c’est d’avoir été sur ce problème de désarmement des milices et d’interpellation des criminels de guerre, trop complaisants avec le Gouvernement du Mali en le laissant faire ce qu’il veut, sans le dénoncer ouvertement et le mettre suffisamment en face de ses responsabilités. Car  l’Etat et  la hiérarchie militaire  sont conscients du fait que sans la présence des éléments  de la MINUSMA, la situation sur le terrain pourrait rapidement  devenir incontrôlable. Cette circonstance aurait pupermettre à ces deux entités, si elles avaient insisté, d’obtenir que  les conclusions de leur rapport d’enquête sur Ogossagou 1 soient effectivement prises en compte, et Ogossagou 2 ne serait pas survenue de sitôt.

 

Aujourd’hui les hommes politiques, la société civile maliennes et les intellectuels maliens ne peuvent plus continuer de se cacher le visage et dire  «  nous ne le savions pas, nous n’avons pas assez d’éléments pour juger objectivement de la situation ».  Avaient-ils seulement cherché à le savoir ? Ils auraient au moins dû insister pour que l’Etat respecte ses engagements et ne diffère pas indéfiniment leur application. Pourquoi, alors se taisent-ils et laissent-ils détruire la nation ? Comment peuvent-ils accepter sans murmures que leur Etat soit réduit à la caricature d’Etat que nous voyons  aujourd’hui?Pourtant tous devraient savoir que le règne de l’arbitraire  nait de la démission de l’élite ou de l’abandon des valeurs humaines de démocratie et de justice pour un pseudo patriotisme  à deux  sous, toujours brandi pour masquer l’incompétence et/ ou la délinquance.  N’est-il pas temps pour les militants de ces différents milieux de demander des comptes à leur Etat ?

 

Dans cette situation, ce qu’on pourrait reprocher à Tabital Pulaaku Mali, c’est d’avoir, naïvement et trop hâtivement, après de vagues promesses de changements,  abandonné l’idée de rechercher une assistance judiciaire pour attaquer  en justice l’Etat du Mali et les personnes convaincues de crimes de guerre au sein des forces armées nationales et de leurs supplétifs « donso ».  Si Tabital Pulaaku Mali était allée jusqu’au bout de son idée et de sa démarche, certaines actions criminelles auraient pu, peut-être,  être évitées. Ne faut-il pas relancer l’idée et la démarche ?

 

  • La faute collective des maliens est d’avoir remis aux affaires un régime politique qui aeu le temps d’étaler toute son incompétence, un pouvoir qui manque totalement de discernement et de perspectives et qui a prouvé qu’il est incapable d’arrêter la descente  du pays vers sa perte.Les maliens doivent-ils tolérer davantage que cette situation perdure ?

Tous ces acteurs sur la scène politique nationale et internationale, s’ils avaient correctement  joué leurs rôles, le Mali se serait beaucoup mieux porté. Malheureusement tel  est loin d’être le cas aujourd’hui.

Dans ces conditions d’insécurité très souvent  organisée par l’Etat ou avec l’Etat, ce qui revient au même, dites quel intérêt la population ou  la communauté peulhe a-t-elle de combattre les djihadistes et de se joindre, sans être la bienvenue, à la lutte contre le djihadisme ? L’attitude de l’Etat envers elle n’est-elle pasla meilleure manière de la jeter dans les bras des djihadistes ? Ne serait- il  pas là  d’ailleurs, l’objectif recherché par l’Etat, à travers certains éléments de l’armée et Dan Na Ambassagou pour justifier leurs crimes et s’en sortir ? Toutes les actions en cours dans le centre du Mali, et cela dans toutes les zones, tendent à accréditer cette thèse. Mais, il faut être clair. Sices éléments de l’armée recherchent ou espèrent, par ce criminel et sanguinaire  stratagèmeamener les peulhs, par dépit, désespoir ou esprit de vengeance, à se joindre  aux djihadistes pour lutter contre le Mali, ils perdent leur temps. La communauté peulhe ne tombera certainement pas dans ce piège.Car qu’on le veuille ou non, Kouffa ne représente pas la communauté peulhe et ne se bat pas pour elle. Ce pourquoi il se bat est connu et n’a rien à voir avec les peulhs et la communauté peulhe. L’armée et Dan Na Ambassagou resteront  donc seuls avec leurs crimes sur les bras et dans la conscience avant que la justice ne rattrape les criminels. Elles n’auront pas de compagnons criminels mandatés par la communauté peulhe.

Le mercredi 12 février dernier, donc la veille de l’attaque d’Ogossagou-Peulh, dans la presse nationale nous  appelions Tabital Pulaaku et tous les patriotes du Mali à rester vigilants pour que sous le couvert d’une «  nouvelle doctrine ou opération  Maliko » on ne reconduise les pratiques anciennes. Voilà que c’était prémonitoire.  C’est exactement ce qui est en train de  se passer sous nos yeux. Maliens, nous ne sommes pas au bout de nos peines ! Et il en sera ainsi  aussi longtemps que l’Etat se complaira dans la duplicité et l’impunité. L’indifférence et le silence ne nous aideront pas à changer la situation.

 

Bamako, le 20 février 2020

Pr Bouréima Gnalibouly DICKO

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