La cérémonie d’hommage national au ministre de l’Éducation nationale, Dr Témoré Tioulenta, décédé le vendredi dernier à la suite d’une maladie, s’est tenue le dimanche 12 janvier dernier au Centre international de conférences de Bamako (Cicb). Il repose désormais au cimetière de Baco Djicoroni.
La nation malienne a rendu le dimanche 12 janvier dernier au Cicb un hommage digne de son rang au Dr Témoré Tioulenta arraché à l’affection du peuple malien, le vendredi 10 janvier dernier, à la suite d’une maladie. Cette cérémonie funèbre d’hommage à ce grand homme, surnommé par certains le Soldat de l’éducation malienne, était présidée par le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, en présence du Premier ministre Boubou Cissé, de plusieurs membres du gouvernement, leaders religieux, parents, collègues, amis de l’illustre disparu.
Le Dr Témoré Tioulenta est le troisième ministre en fonction que le gouvernement malien perd depuis la révolution de mars 1991, après feu Boubacar Sada Sy et feu Mohamed Lamine Traoré, respectivement ministre de la Défense et des Anciens combattants et ministre de l’Éducation nationale d’alors. Au rythme de la musique funèbre exécutée par la Fanfare nationale, le président de la République, Grand maître des Ordres nationaux, a décoré le défunt de la médaille de Commandeur de l’Ordre national du Mali à titre posthume.
Dans une ambiance empreinte d’une grande émotion, le président Keïta a prononcé quelques mots à l’endroit de l’illustre disparu. “C’est Toguéré Coumbé, ton village natal et tout le Mali qui te pleurent. Dors en paix, cher Témoré Tioulenta”.
Invité à s’exprimer au nom de la famille du défunt, Mody Cissé dira : “On se souviendra toujours de cet homme aux principes exceptionnels et profondément attaché à son terroir natal”, a-t-il soutenu, avant remercier à son nom propre et à celui de la famille du défunt, le président de la République et tout son gouvernement, ainsi que l’ensemble du peuple malien.
“Du jour de son admission à l’hôpital au jour de sa disparition, la famille a reçu plusieurs visites du président Ibrahim Boubacar Kéita à hôpital et en famille. Nos sincères remerciements à vous pour votre soutien et celui de tout le gouvernement du Mali et toute personne présente à ces obsèques et tous ceux qui accompagnent le défunt par leurs bénédictions”, ajoute-t-il.
Pour sa part, Kinane Ag Gadedi du département de l’Eduction a loué les qualités du Dr Tioulenta qui laisse dernière lui un Département orphelin de tous les chantiers qu’il a ouverts, orphelin de son intelligence, de sa sagesse, des blagues amicales et surtout de la chaleur humaine qu’il transmettait tout le temps à ses collègues. “Nous qui avons été ses collaborateurs, nous retenons de lui son humilité, son ardeur au travail bien fait, son engagement aux relations humaines et professionnelles… Le Dr était un grand serviteur de la nation”, conclut-il. Par la suite, le Grand Chancelier des Ordres nationaux, le général de brigade Amadou Sagafourou Guèye, au nom du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, a salué les qualités de l’illustre disparu. “C’est un autre de ces grands hommes intègres, discrets, professionnels jusqu’au bout des ongles ; un autre produit de la formation malienne, celle issue de la fameuse réforme de 1962 qui vient de nous abandonner au moment où nous avions le plus besoin de ses compétences, de sa sagesse, de sa pondération et de son talent inné de négociateur, pour apporter la paix et la sérénité à notre école”.
Après la cérémonie funèbre, la dépouille du défunt a été conduite au cimetière de Baco Djicorni où il repose désormais. A rappeler que les dernières activités du ministre Tioulenta ont été sa participation à l’Espace d’interpellation démocratique du 10 décembre dernier et aux assises nationales du Dialogue national inclusif (DNI) tenues le même mois.
Qui était le Dr Tioulenta ?
Né en 1954 à Toguéré Coumbé dans le cercle de Ténenkou, le Dr Temoré Tioulenta fut un Professeur d’enseignement supérieur de classe exceptionnelle. Il débuta sa carrière en 1978 à l’École normale secondaire de Badalabougou, comme Professeur de lettres, l’année même où il venait juste de décrocher son diplôme en lettres modernes à l’École normale supérieure de Bamako, après un baccalauréat en série lettres classiques au lycée Askia Mohamed de Bamako, obtenu en 1974.
Ambitieux, Témoré Tioulenta s’envola plus tard pour Paris, d’où il revint nanti d’un doctorat (avec la mention très honorable) en sciences du langage, obtenu en 1991, à l’École des hautes études en sciences sociales de Paris. Ce parchemin lui ouvre les portes de l’enseignement supérieur et il devient, tour à tour, chargé de recherche, puis chercheur au département de linguistique et traditions orales de l’Institut des sciences humaines de Bamako.
Un département qu’il dirigea du reste de 1992 à 1994, année à laquelle il sera affecté à Mopti, en qualité de directeur régional de l’Education. En 2000, il est promu chef de Cabinet du ministre de l’Éducation nationale par Moustapha Dicko, son ami et camarade de parti.
Deux années plus tard, Dr Tioulenta devient conseiller technique principal du projet de lutte contre le VIH/Sida dans les programmes de l’éducation de base de la GTZ. En 2006, il fera son come-back dans la haute administration publique comme directeur de l’Académie d’enseignement de Kati, avant d’être élu député à l’Assemblée nationale au cours de la législature 2007-2013. Appelé au gouvernement en mai 2019 comme ministre de l’Éducation nationale, il a engagé de grands chantiers pour le redressement de l’école.
Il voulait pour notre pays une école plus performante et plus compétitive, avec plusieurs initiatives innovantes courageuses. Il s’est battu pour le retour de certains fondamentaux dans nos écoles. En témoigne cet appel au redressement de l’école malienne : “Il faut aller au redressement de l’école malienne. Cela passe par le retour à l’ordre et à la discipline, c’est-à-dire, le respect des élèves envers les professeurs et les enseignants, et le respect dû aux lois de la République et au règlement intérieur de l’école. Car on ne peut pas construire un pays dans la défiance de l’élève au professeur”.
Il a à son actif plusieurs œuvres, (études, enquêtes et travaux) dont les plus connues sont : “Analyse des besoins de formation du personnel enseignant du Mali” (Prodec – Acdi Tecsult), 1999 ; “Enquête sur le Sida et société dans la Région de Mopti” (Institut de recherche pour le développement en 1994), “Enquête sur la situation socioéconomique des femmes de Gavinané” (Cercle de Nioro), “La poésie peule du Macina” (Notre librairie n°74 en 1992) et “Les emprunts lexicaux du Peul au Bambara et au Français : aspects sociolinguistiques et problématique d’intégration”, “Samburu Bilaali”. Il a écrit bien d’autres œuvres littéraires.
Témoré Tioulenta a eu une riche expérience politique et associative. Il a été membre fondateur du Bureau d’études et de réalisations, Sahel Consult en 1996, et secrétaire général de Tabital Pulaaku, l’Association des amis de la culture peule ; président de l’Association pour le développement de la Commune de Toguéré Coumbé (Adctc), de l’Association pour le développement du Cercle de Ténenkou (Adct), de l’Association pour le développement durable du Delta (A3D) ; premier vice-président de la Coordination des associations des ressortissants des cercles de la Région de Mopti, résidant à Bamako (Caremb). Il fut aussi secrétaire aux Relations extérieures du Collectif des ressortissants du Nord (Coren) ; député à l’Assemblée nationale et président du groupe parlementaire de l’Adema-Pasj (législature 2007-2013).Il a été également secrétaire général adjoint du Comité exécutif de l’Adema-Pasj, premier vice-président du Secrétariat exécutif de la Convention des partis politiques de la Majorité présidentielle (Cmp), puis de la Plate-forme “Ensemble pour le Mali”. Le Mali perd ainsi un grand homme.
Youssouf KONE
Source: Aujourd’hui-Mali