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Objecteurs de conscience : Une posture ingrate mais utile

Chaque année, le 15 mai, la Journée internationale des objecteurs de conscience est célébrée à travers le monde pour rendre hommage à ceux qui ont refusé de se soumettre à des lois imposées par l’État, en raison de leurs convictions morales, religieuses ou pacifistes.

Le concept d’objection de conscience remonte à plusieurs siècles, notamment aux Quakers, un mouvement religieux connu pour son refus de participer aux conflits armés depuis le XVIIᵉ siècle. Ces convictions profondes, basées sur la non-violence, ont inspiré de nombreux groupes et individus opposés à la guerre.

Cette journée a été instaurée en 1985 par le Bureau européen pour l’objection de conscience (BEOC) afin de sensibiliser l’opinion publique sur la situation des objecteurs de conscience, qui sont souvent persécutés, marginalisés ou emprisonnés dans certains pays.

L’objection de conscience et les guerres mondiales

Lors de la Première guerre mondiale (1914-1918), les soldats étaient recrutés sur la base du volontariat. Toutefois, face à la baisse des engagements, les autorités britanniques ont instauré en 1916 une loi obligeant tous les hommes non mariés âgés de 18 à 41 ans à rejoindre l’armée. Parmi eux, certains refusaient catégoriquement de porter les armes, de commettre des actes de violence ou de tuer, par conviction personnelle ou religieuse.

Ces objecteurs de conscience furent souvent sévèrement punis par leur gouvernement avant que, des années plus tard, un statut de l’objection de conscience soit adopté, accordant aux citoyens le droit de refuser la guerre, même dans un cadre de défense nationale ou collective.

Le droit à l’objection de conscience est reconnu par plusieurs instances internationales. L’article 18 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme stipule que « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ».

En 1993, la Commission des droits de l’Homme des Nations unies a confirmé que ce droit inclut l’objection de conscience au service militaire.

Malgré cela, son application diffère fortement d’un pays à l’autre : Certains pays garantissent une alternative légale au service militaire, comme des missions civiles.

D’autres criminalisent encore les objecteurs, les exposant à l’emprisonnement, la stigmatisation et l’exclusion sociale.

Un appel à la protection de la liberté de pensée et de la paix

La Journée internationale des objecteurs de conscience rappelle l’importance de défendre la paix et la liberté de pensée. Il est essentiel que les gouvernements reconnaissent pleinement ce droit et instaurent des alternatives légales au service militaire pour ceux qui refusent de porter les armes.

En célébrant cette journée, les défenseurs des droits humains réaffirment que l’objection de conscience est une valeur fondamentale, indispensable à une société démocratique, respectueuse des libertés individuelles et de la dignité humaine.

  1. MOUSSA COULIBALY, SOCIOLOGUE ÉNSUP

« Une réflexion éthique approfondie »

Qu’est-ce qu’un objecteur de conscience ?  L’objection de conscience est-elle toujours liée à la religion ou peut être purement idéologiques, politiques ou morales ? Comment la société perçoit-elle généralement les objecteurs de conscience ? Dr. Moussa Coulibaly, sociologue à l’école normale supérieur de Bamako répond à nos questions. Entretien. 

 

Mali Tribune : Comment définissez-vous un objecteur de conscience dans un contexte sociologique ?

Dr. Moussa Coulibaly :Un objecteur de conscience est une personne qui refuse d’effectuer son service militaire ou de participer à une guerre, estimant que cela va à l’encontre de ses convictions profondes, qu’elles soient religieuses, morales ou éthiques. L’objecteur de conscience agit hors des normes établies, souvent en raison d’un désaccord avec les principes imposés par l’État ou la société.

Mali Tribune : Quels sont, selon vous, les facteurs sociaux qui poussent une personne à devenir objecteur de conscience ?

Dr. M. C.: L’objecteur de conscience se positionne souvent en réponse à des événements marquants, tels que les guerres, les persécutions de certaines communautés et la discrimination basée sur les croyances ou l’origine ethnique. En s’opposant à ces injustices, ils cherchent à sensibiliser l’opinion publique sur des formes d’oppression affectant une partie de la société.

Mali Tribune : L’objection de conscience est-elle toujours liée à la religion ou peut-elle être purement idéologique, politique ou morale ?

Dr. M. C. :À mesure que le temps passe, les objecteurs de conscience élargissent leurs motifs de refus. Si à l’origine l’objection était principalement religieuse, elle s’est étendue à des raisons morales, éthiques et politiques. Parfois, elle traduit un désaccord profond avec des événements sociaux ou un rejet des normes dominantes imposées par l’État ou la société.

Mali Tribune : Comment la société perçoit-elle généralement les objecteurs de conscience ?

Dr. M. C.: Les perceptions varient selon les cultures. En Europe, les objecteurs sont mieux compris car l’individu bénéficie d’une liberté d’action, pouvant exprimer son opposition pacifiquement et idéologiquement.

En Afrique, l’objection de conscience est moins reconnue comme un mouvement structuré, mais elle permet à certains de revendiquer leurs droits et d’exprimer leur désaccord avec les normes sociales ou politiques.

Mali Tribune : Les objecteurs de conscience remettent-ils en question l’autorité de l’État ou renforcent-ils la démocratie ?

Dr. M. C.: Les objecteurs de conscience défient une autorité préétablie, souvent en dénonçant les limites des systèmes politiques et juridiques en place. Au début, ils sont mal jugés et incompris, mais avec le temps, leurs actions peuvent faire évoluer la perception des gouvernements et encourager des réformes démocratiques.

Mali Tribune : Comment un objecteur de conscience gère-t-il les conflits entre ses convictions personnelles et les attentes de la société ?

Dr. M. C.: Les objecteurs de conscience sont préparés idéologiquement. Ils sont endurants, pacifiques et savent comment réagir face aux violences et aux persécutions, tout en restant fidèles à leurs idéaux et opinions. Leur force réside dans une réflexion éthique approfondie et une volonté de sensibiliser la société aux enjeux liés à la liberté de pensée et de conscience.

Mali Tribune : Y a-t-il des exemples récents d’objecteurs de conscience qui ont marqué l’opinion publique ou provoqué un débat social ?

Dr. M. C.: Oui, plusieurs figures historiques et contemporaines illustrent ce combat :

Mohamed Ali, célèbre boxeur américain, a été perçu comme un objecteur de conscience lorsqu’il a refusé de participer à la guerre du Vietnam, dénonçant la discrimination dont il était victime aux États-Unis.

Greta Thunberg, activiste suédoise, s’est opposée au système destructeur de l’environnement en organisant des grèves scolaires et en refusant de prendre l’avion pour le sommet des Nations unies, préférant voyager en bateau pour réduire son empreinte écologique.

L’euthanasie, qui divise le corps médical : certains professionnels refusent de pratiquer cet acte pour des raisons éthiques, religieuses ou philosophiques, estimant qu’il existe un droit à la vie, mais pas un droit à la mort.

Mali Tribune : Quels changements sociaux pourraient influencer la perception des objecteurs de conscience dans les années à venir ?

Dr. M. C.: Avec le renouvellement générationnel et l’essor des nouvelles technologies, les objecteurs de conscience disposent de moyens puissants pour diffuser leurs messages et sensibiliser la société aux questions de droits individuels, politiques et éthiques.

À mesure que les sociétés évoluent, il est probable que la reconnaissance de l’objection de conscience s’élargisse, permettant une intégration plus claire de ces principes dans les débats sociaux et politiques.

MICRO-TROTTOIR :

Ce que les citoyens pensent des objecteurs de conscience

Journée internationale des objecteurs de conscience, un sujet encore méconnu au Mali, qui suscite des opinions partagées. Pour mieux comprendre les perceptions locales, nous avons recueilli des témoignages dans les rues de Bamako.

Mamadou H. Togola : (retraité militaire) :

« J’ai servi pendant 30 ans. Je respecte ceux qui refusent de prendre les armes, mais je pense aussi qu’il faut défendre son pays corps et âme. C’est un choix difficile, mais dans certains cas, on n’a pas le luxe de refuser, surtout dans les pays développés ou en guerre depuis des siècles. Même ici au Mali, saviez-vous qu’au temps de Moussa Traoré, en 1968, une formation militaire était obligatoire dans le cadre du Service national des jeunes (SNJ).

Boubacar Mallé, (enseignant d’histoire-géographie) :

« La Journée des objecteurs de conscience permet de mieux comprendre ceux qui refusent la guerre par conviction. Elle met en avant le droit à la paix face à l’obligation de combattre.

Autrefois, refuser de porter une arme était impensable. Aujourd’hui, cette journée rappelle que dire non à la guerre peut être un acte de courage, une manière de s’engager pour la paix.

Chacun a ses convictions, mais il faut aussi savoir que le pays a besoin de tout le monde, qu’on accepte ou non de porter des armes. »

Anne Diarra (étudiante en droit) :

« Je respecte les objecteurs de conscience. C’est un droit, et on ne peut pas obliger quelqu’un à tuer s’il est contre la violence. Mais dans certains cas, l’État doit protéger l’intérêt général, ce qui peut rendre le débat encore plus complexe. »

 Seydou Diabagaté, (prédicateur islamique) :

« L’islam prône la paix. Le Prophète Muhammad (PSL) lui-même n’aimait pas la guerre, même s’il y a été contraint dans certains contextes. Dans le Coran, Allah dit : « Et s’ils inclinent à la paix, alors incline vers elle » (Sourate 8, verset 61).

Mamadou Maïga, (commerçant) :

« Refuser de porter une arme ? Je comprends si c’est pour la paix.

Mais est-ce que les terroristes, eux, refusent de tirer ?

Si tout le monde prend cette position, qui va nous défendre ?

Dans un pays démocratique, on peut refuser de combattre, mais dans un régime dictatorial, c’est bien plus difficile. Autrefois, personne n’avait vraiment le choix : soit tu te bats, soit on te force à te battre. »

Dossier réalisé par

Regina Dena

(Stagiaire)

Source: Mali Tribune

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