L’obésité est en nette progression. On estime qu’il y a plus de 1,2 milliard de personnes atteintes d’obésité ou de surpoids dans le monde. Ces deux phénomènes représentent le cinquième facteur de risque de décès à l’échelle planétaire. En Afrique, on constate de plus en plus une augmentation du nombre de personnes souffrant d’obésité qui était au début considérée comme un signe de prestige et de réussite sociale.
Dr Ibrahim Nientao, spécialiste en endocrinologie, maladies métaboliques et nutrition à la clinique Salomon, révèle que l’obésité touche plus les femmes que les hommes. 20 à 40% des adultes seraient victimes d’obésité contre 10 à 15% des enfants. Selon le spécialiste, notre continent est frappé par le double fardeau de la malnutrition et de l’obésité. Il souligne qu’on a encore une insuffisance nutritionnelle et une bonne partie de la population souffre d’une surcharge pondérale.
Au Mali, l’obésité est due au prestige social et à certaines pratiques traditionnelles (gavage, etc.), mais aussi à l’abandon de notre alimentation traditionnelle au profit d’une alimentation occidentalisée.
Le spécialiste soutient que notre alimentation traditionnelle était composée de denrées de première nécessité. Les fruits et légumes de saison étaient beaucoup plus riches en fibres alimentaires (moins gras, moins de sel et de sucre raffiné). Cette bonne habitude a été remplacée même par les populations rurales au profit d’une alimentation avec trop de gras et d’aliments frits. Il signale également l’apparition des aliments comme les chips, les fast-food (restauration rapide) très riches en gras saturé (viandes grasses, beurre, fromage, etc.) dans notre alimentation.
D’après le médecin, on parle d’obésité, lorsque le poids corporel dépasse le poids idéal défini en fonction de la taille de la personne. Cette obésité témoigne d’une surcharge assez importante de poids qui, sur le moyen et long terme, peut causer un problème de santé. C’est une modification physiologique qui fait suite à des comportements tant sur le plan alimentaire que sur l’insuffisance des pratiques d’activités physiques. Sur le plan alimentaire, il dit qu’il y a un déséquilibre de la balance nutritionnelle ou un excès d’apport par rapport aux besoins. Cet excès, précise l’endocrinologue, se fait au dépens d’une surconsommation d’aliments riches en gras, en sucre rapide raffiné, mais aussi une surconsommation de friandises. Tout ceci est accompagné par une réduction de l’activité physique. La dépense est faible alors que la consommation énergique est élevée.
Selon le nutritionniste, c’est ce qui provoque un stockage excessif. Cet excès d’aliments est transformé par le foie en acide gras libre et qui sera ensuite stocké autour du viscère (foie, intestin, cœur). Sur ce point, il indique que le plus grand dépôt se situera au niveau du ventre. Mais une partie sera aussi stockée sur la peau. Ce sont donc ces points de stockage qui vont provoquer des modifications physiologiques chez la personne. On peut remarquer un embonpoint, c’est-à-dire une augmentation du ventre mais aussi chez les femmes un dépôt excessif de la peau entraînant une augmentation de la cuisse et des fesses.
Le nutritionniste révèle que le dépôt de gras sous la peau est meilleur que le dépôt à l’intérieur de l’abdomen. Il indique qu’au niveau de l’abdomen, le gras se comporte comme un corps étranger et sera combattu par le système immunitaire. Cela provoquera une réaction inflammatoire. En effet, le corps se sent agressé et produit des substances toxiques.
Dr Nientao précise que ce sont ces substances qui sont responsables de l’obésité sur les vaisseaux, le cœur et de l’avènement de certaines formes du cancer et du diabète. Au niveau de la cuisse, le gras sous cutané est responsable des complications mécaniques comme l’arthrose chez les femmes. Au niveau du dos, le ventre va tirer le dos vers devant. Au niveau pulmonaire et cardiaque, l’obésité va entraîner l’apnée du sommeil ou l’arrêt cardiaque chez certaines personnes.
Il y a aussi le facteur psychologique qui provoque l’obésité. «En effet, quant on est stressé, on mange mal». Pour lui, il est important de souligner qu’il y a une nette différence entre le surpoids et l’obésité. On parle de surpoids lorsque le poids en kg, divisé par la taille au carré atteint ou dépasse 25 kg par m2. Et d’obésité lorsque le rapport atteint ou dépasse 30.
L’obésité est considérée comme sévère lorsque le rapport atteint ou dépasse 35. Elle est très sévère ou morbide lorsqu’elle dépasse 40. à ce niveau, le médecin précise qu’il faut situer l’obésité. Si c’est au niveau du ventre, avec le ruban du couturier on fait le tour de taille. Alors si ce tour atteint ou dépasse 80 cm (valeur européenne) ou 88 cm (valeur américaine) chez la femme, il y a une obésité abdominale. Chez l’homme lorsque que c’est 94 cm (valeur européenne) ou 103 cm (valeur américaine). L’indice de corpulence (IMC) est calculé en divisant le poids (en kg) par la taille en m (carré). La taille normale est de 20 à 25 chez l’homme et de 19 à 24 chez la femme.
Les complications de l’obésité sont de deux ordres. Elles sont mécaniques lorsque l’obésité est genoïde (au niveau de la cuisse). Cela peut entraîner l’arthrose au niveau du dos et des genoux engendrant des difficultés à la marche. Lorsqu’elle est abdominale c’est des complications métaboliques et cardiovasculaires. Elle est responsable de l’hypertension artérielle, des maladies du cœur, de certaines formes du cancer, du diabète, d’apnée du sommeil.
Dr Nientao soutient que ces maladies chroniques non transmissibles sont responsables de plus de 60 % des décès dans le monde. Et d’ajouter qu’il existe une nette relation entre le diabète et l’obésité. à partir d’un point normal, chaque fois qu’on prend un kilo de plus on augmente la chance d’être diabétique de 9%. Il est possible de prévenir l’obésité, selon le nutritionniste. Il faut réduire la consommation de gras d’origine animale, faire moins frire les aliments et éviter les grignotages. «Il faut bannir de nos assiettes les chips, crevettes, pop-corn, les noisettes et sucreries», recommande-t-il, avant d’ajouter que ces aliments n’ont aucun intérêt dans notre alimentation.
Il conseille des fruits et légumes de saison qui sont accessibles et qui contiennent moins d’engrais. Bref, il préconise un retour à notre alimentation traditionnelle et à promouvoir l’activité physique. Au plan national, Dr Ibrahim Nientao recommande l’aménagement des trottoirs pour piétons et des pistes cyclables, le renforcement du transport urbain, l’aménagement des espaces publics. Il encourage également la création des cantines scolaires et d’espaces sportifs au niveau des écoles.
Le nutritionniste dit qu’il n’y a pas de médicaments miracles pour l’obésité. Il faut juste une alimentation équilibrée et une activité physique régulière. Chez les personnes très obèses, on propose la chirurgie bariatrique qui consiste à couper une partie de l’estomac ou la totalité pour réduire la consommation. Il y avait des ânons qu’on plaçait pour rétrécir l’estomac. On les appelait des «coupe-faim». Mais ce sont des médicaments qui ont été abandonnés à cause des effets secondaires, notamment les tentatives suicidaires.
Fatoumata NAPHO
Source : L’ESSOR