Une enseignante et son époux ont acquis 2,5 hectares sur le site en 1994, avant d’être victimes d’une spéculation foncière en 2015
La spéculation foncière reste une très grande préoccupation dans notre pays. En tout cas, le phénomène représente aussi une grosse épine dans le pied des autorités domaniales et judiciaires. Il est donc temps, pour les autorités compétentes, d’oeuvrer sérieusement à enrayer ce fléau qui coupe le sommeil à des paisibles et honnêtes citoyens.
Le cas d’un litige autour d’une parcelle à Diatoula en est l’illustration parfaite. Mme Thiam Alimatou Mariko, âgée de 65 ans est une enseignante qui a fait valoir ses droits à la retraite en janvier 2015.
Elle et son époux passent des nuits blanches, depuis 5 ans, parce qu’ils ont acquis, sur la base d’une lettre d’attribution du préfet de Kati en 1994, une parcelle de 2,5 hectares à Diatoula. Le couple Thiam a ensuite entrepris les démarches requises pour obtenir un titre foncier provisoire (numéro 261 en date du 9 mars 2004) du terrain. Ce champ fait, aujourd’hui, l’objet d’un litige, notamment d’un morcellement entrepris par un officier à la retraite et plusieurs autres complices.
Le couple Thiam qui ne demande qu’à être mis dans ses droits a usé de toutes les voies de recours. Sans succès pour le moment. Notre équipe de reportage s’est intéressée à la question et s’est rendue sur le terrain litigieux, le 12 octobre dernier. à notre arrivée sur les lieux, des gendarmes en civil mais armés étaient de faction, sous un arbre, à côté d’un bâtiment. à proximité de ce local, se trouvent une toilette et une cuisine. Ce détail est important. «Nous les avons construites pour y loger des gardiens», précise Mme Thiam Alimatou Mariko.
Les gendarmes en civil surveillaient tous nos mouvements. Un groupe d’ouvriers travaillait sur le site. Certains coupaient les hautes herbes qui ont envahi l’espace, d’autres s’attelaient à fabriquer des briques. Mais, un enclos en briques de ciment était déjà érigé sur une partie du champ morcelé. D’autres propriétaires avaient commencé à faire les fondations des maisons qu’ils veulent construire.
Face à cette situation, la sexagénaire n’en pouvait plus. «Ils ont vendu mon terrain. J’interpelle toutes les autorités compétentes, notamment le président de la Transition pour faire la lumière sur cette affaire», lance-t-elle.
Les ennuis du couple à la retraite ont commencé à partir de 2015. Selon Mme Thiam, depuis cette date, des chefs de quartier de Sirakoro Méguétan ont entamé des manœuvres déloyales pour les déposséder de leur terrain. Ils ont mis en avant de nombreux prétextes pour justifier le morcellement du terrain, y compris le risque d’insécurité lié au terrain qui servait de champ mais aussi de droit coutumier. Selon la propriétaire, certains d’entre eux, sans scrupule, l’ont même suppliée de les laisser morceler le lot afin d’avoir leur part.
L’un des chefs de quartier de Sirakoro Méguétan, puisqu’il n’est plus de ce monde, aurait fait courir la rumeur que le couple Thiam avait été dédommagé par l’Agence pour la sécurité et la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (Asecna) dans le cadre du déguerpissement des propriétaires des lots se trouvant dans la zone aéroportuaire. Ce que dément Mme Thiam. «Nous n’avons jamais été dédommagés par cette structure.
Nous mettons quiconque au défi d’en apporter la preuve», affirme-t-elle. «Chaque fois, qu’ils installaient des bornes de délimitation pendant que la terre était cultivée, nous les enlevions. J’ai un neveu qui gardait le champ. Plusieurs propositions farfelues lui ont été faites pour le corrompre.
Son refus lui a souvent valu des menaces de mort par envoûtement. Craignant de mettre la vie du jeune homme en danger, je lui ai demandé de quitter le lieu. C’est ainsi que nous avons payé des gros bras pour surveiller notre propriété foncière en vue d’éviter qu’elle ne soit morcelée à notre insu. Pendant ce temps, on avait eu un peu de répit. Comme on ne pouvait plus continuer à assurer cette rémunération, on y a mis fin en juin dernier», explique l’enseignante à la retraite, avant d’expliquer que l’actuelle chefferie de Sirakoro Méguétan a profité de cette situation pour morceler la parcelle en complicité avec l’officier supérieur à la retraite.
Celui-ci aurait même déposé une plainte contre le couple Thiam au niveau d’un tribunal de la capitale. L’officier supérieur à la retraite reproche au couple Thiam de l’empêcher d’exploiter les 2,5 hectares. Mme Thiam déplore le fait que le tribunal ne l’ait pas associée à l’enquête pour l’émission du soit-transmis à la brigade de recherches de la rive droite. C’est suite à cette directive que cette brigade avait dépêché, le 18 septembre dernier, 4 gendarmes pour protéger le terrain. Ces agents ont été contraints de quitter le site, le 13 octobre dernier, sur instruction d’un haut gradé de la gendarmerie.
Le 19 octobre 2020, le chef de quartier de Sirakoro Méguétan que nous avons rencontré dans son vestibule, confiera qu’un officier, dont il ignore le nom s’est présenté à lui et ses conseillers pour dire que Mme Thiam a reçu des frais de dédommagement de la part d’Asecna pour déguerpir des lieux. Le chef traditionnel n’a pas la moindre preuve de ce dédommagement. Mais on peut légitimement s’interroger. Si l’Asecna avait dédommagé le couple Thiam pourquoi elle accepterait que les autres occupent le même site ?
Le chef coutumier revient à la charge. Pour lui, les deux protagonistes ont été invités sur le site litigieux pour les confronter. Il prétexte le fait que Mme Thiam n’ait pas répondu à l’appel pour justifier que le conseil de quartier ait décidé d’octroyer un droit coutumier à l’officier supérieur à la retraite. Mais s’il se trouve que le propriétaire n’a pas reçu l’argent de l’Asecna, indique-t-il, l’officier doit renoncer. Ces explications apportées par le chef du quartier sont difficiles à comprendre.
Au-delà de ce litige, la spéculation autour du foncier interpelle les autorités compétentes qui doivent prendre toutes les mesures pour sévir contre ceux qui entretiennent la confusion, mais surtout mettre les garde-fous nécessaires en vue d’en finir avec les litiges fonciers. En attendant d’être remis dans leur droit, Mme Thiam Alimatou et son époux luttent contre toute manœuvre visant à les spolier de leur terre. Ils continuent à nourrir l’espoir d’un règlement définitif de ce dossier.
Mohamed D. DIAWARA
Source : L’ESSOR