Le député malien, membre du Conseil National de transition, dénonce en outre “un projet néfaste” des dirigeants français qui “ont soutenu des groupes armés séparatistes” dans le nord de son pays
Le député malien Nouhoum Sarr a appelé à un renforcement des relations entre le Mali et la Turquie, affirmant que la Turquie est “un grand pays qui est source d’inspirations” pour son pays.
Nouhoum Sarr, qui occupe la fonction de vice-président du Conseil transitoire des Affaires étrangères, et qui est également le président de la formation politique “Parti pour la construction de l’Afrique”, a accordé une interview à l’Agence Anadolu (AA), en marge de son déplacement dans la capitale turque, Ankara.
L’occasion de faire le point sur les développements au Mali, la lutte contre les violences et le terrorisme dans la région du Sahel, le processus de transition, mais aussi les tensions récentes avec certaines puissances occidentales, en particulier la France.
- La situation actuelle au Mali
“La transition suit son cours normal, même s’il apparait que les élections ne pourront probablement pas être organisées en février prochain”, a d’abord expliqué le député.
Le Conseil de transition avait convenu, en septembre 2020, avec la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), d’organiser des élections après une période de transition de 18 mois.
“Des assises nationales de refondation vont bientôt avoir lieu. Le processus se poursuit. Notre objectif est e préparer le Mali à un régime entièrement démocratique qui saura répondre aux attentes du peuple malien. Nous ne voulons pas tenir des élections avec précipitation, il ne faut pas organiser des élections seulement pour l’avoir fait, nous devons assurer que ces prochaines élections seront libres, transparentes et crédibles”, a poursuivi Sarr.
Le responsable semble optimiste quant au succès de la phase de transition, sans pouvoir donner de date précise pour la tenue de nouvelles élections.
Il reconnait que les enjeux sont majeurs et les défis importants. La lutte contre les violences, le terrorisme et le séparatisme, dans la région du Sahel, accapare une grande partie des ressources et énergies du pays.
Nouhoum Sarr rappelle que depuis plusieurs années, le Mali et les autres pays du Sahel mènent une lutte difficile contre les groupes armés et terroristes dans la région.
Le précédent régime malien avait, dans ce sens, fait appel à la solidarité de la France notamment pour l’aider dans ce combat. La France avait ainsi lancé les opérations “Serval”puis “Barkhane”.
“Le Mali vit à peu près sous tutelle. Il y a 20 à 30 mille soldats étrangers (Barkhane, Force Takuba de l’UE …). Malgré leur présence, la situation sécuritaire n’a pas connu d’amélioration conséquente. Ce qui a poussé les autorités à adopter une nouvelle stratégie consistant à compter sur leurs propres forces. Ce qui est un peu à l’origine des brouilles avec l’ex-puissance coloniale [la France]”, a souligné le membre du Conseil National de Transition (CNT) malien.
Sarr dénonce une approche “irrespectueuse et néfaste” de la France envers son pays et toute la région.
Il accuse Paris d’avoir soutenu les groupes armés séparatistes dans le nord, des groupes qui ont d’ailleurs collaboré avec les terroristes et autres groupes djihadistes armés.
“Le leadership français a opéré des choix funestes vis-à-vis de notre pays. Ils ont préféré soutenir des groupes armés, dépourvus de toute légitimité, qui étaient, et encore aujourd’hui, dans une logique de séparatisme, d’indépendance du nord qu’ils qualifient d’Azawad. Le peuple malien a opposé une opposition farouche à ce projet funeste”, a-t-il commenté.
Il affirme d’ailleurs que face à l’avancée des forces régulières maliennes dans le nord du pays, la France a empêché la reprise de la ville qui sert de bastion aux séparatistes.
Paris a alors poussé pour la signature d’un “accord de paix”, que Sarr qualifie “d’accord pour diviser”.
- La société paramilitaire russe Wagner au centre des tensions avec la France
Avec cette nouvelle politique sécuritaire adoptée par le CNT malien, les relations entre Bamako et Paris se sont sensiblement dégradées. Paris reproche à Bamako de vouloir conclure un accord militaire avec la société privée russe paramilitaire Wagner.
“Quand Paris fait intervenir la société paramilitaire privée française Amarante International dans plusieurs régions du monde ce n’est pas un problème. Quand les Américains sous-traitent avec Blackwater ce n’est pas un problème, mais quand il s’agit de Wagner ils parlent automatiquement de mercenaires et de milices”, a-t-il tout d’abord dénoncé, soulignant que le Mali est un pays souverain qui est en droit de choisir ses propres partenaires, comme la Turquie, la Chine, la Russie ou encore les Etats-Unis.
Néanmoins, Nouhoum Sarr assure qu’il n’y a pour l’heure aucun accord signé avec Wagner. “Nous faisons face à des rumeurs et des agitations orchestrées par la France”.
Le député réitère l’opposition du CNT vis-à-vis de l’ingérence étrangère, qu’elle vienne de la France, ou de la CEDEAO, ou des États-Unis.
“Le Mali va libérer le Mali”, lance-t-il pour appuyer la volonté de souveraineté nationale de son peuple et de son pays.
Nouhoum Sarr assure que la Turquie est un “grand pays qui est source d’inspirations pour le Mali”.
“La Turquie a fait ce choix, avec Mustafa Kemal ATATURK au départ, jusqu’à aujourd’hui avec Recep Tayyip Erdogan, de défendre son intérêt national et sa souveraineté. Le Mali fait de même aujourd’hui. Nous avons adopté une posture nationale, patriotique”, a-t-il indiqué.
Le député malien note que la Turquie a les mêmes avantages que de nombreux pays européens en matière de développement économique, militaire, technologique, mais elle offre autre chose que les Européens n’ont pas : “l’humanisme”.
“Nous partageons ces valeurs avec la Turquie, et sa politique du gagnant-gagnant est la bienvenue dans notre pays. Contrairement au comportement irrespectueux de notre souveraineté par l’ex-puissance coloniale”.