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Note de lecture: pouvoir de la démocratie chiffonnée

Auteur : Yachim Yacouba MAIGA

Les éditions « la Sahélienne » vient de publier « Pouvoir de la démocratie chiffonnée », une œuvre de Yachim Yacouba MAIGA. Il s’agit d’une première livre dont le frémissement annonce déjà, les couleurs d’un séisme, aussi bien pour le public de l’édition que pour les acteurs et commentateurs politiques.

 

Les trois décennies de pratique démocratique de notre pays sont la trame de cette fresque. Des hommes, des pratiques, des aspirations déçues, ont mis en place un pouvoir qui parle au nom de la démocratie. De quelle démocratie ? Une démocratie réduite à la bouffonnerie. C’est là, le sens de « Pouvoir de la démocratie chiffonnée », lue à la dimension chronologique après la chute de Moussa Traoré : « 2002, l’année de la première alternance », « 2002-2012 : ATT, le bêtisier de la démocratie consensuelle » ; « 2012-2013 : Le capitaine Amadou Aya Sanogo et la Transition : l’homme qui voulut être plus grand que le soleil » ; « 2013-2018 : IBK, L’espoir assassiné ».

L’auteur n’est pas un politologue d’université, mais il lit la chose politique d’un air pragmatique, du point de vue d’un citoyen qui ne peut se résoudre à devenir un spectateur. Il écrit pour donner son avis. Il n’écrit pas sporadiquement, mais régulièrement, d’où son style, la chronique. Et il parle de tout. Il s’interroge et interroge la conscience des acteurs du mouvement démocratique.

« Le mouvement démocratique qui a contribué à la chute du régime du parti unique, Union démocratique du peuple Malien, (UDPM) du Général Moussa Traoré, en Mars 1991 a-t-il engendré des monstres politiques », pose-t-il ? Des « montres » ? Oui, au premier rang desquels, un certain Alpha Oumar Konaré, « Alpha, le parricide » précise-il sans gant. Alpha, venu au pouvoir dans le cadre d’une grande entente va finir par griller tous ses amis et tous ceux qui peuvent lui succéder. Alors même que, en démocrate, il aurait œuvré pour assurer sa succession au sein de son parti ou du mouvement démocratique, il a tout fait pour remettre le pouvoir à son prédécesseur, Amadou Toumani Touré. C’est un « désaveu pour l’ensemble de la classe politique », écrit-il. Il revient encore à la magie de Alpha qui, contre toute attente, a déclaré publiquement, à la face tous les militants de son parti, l’Adéma, que « ATT n’était pas leur ennemi ». Exit donc, Soumaila Cissé, Soumeylou Boubèye Maïga, Ibrahim Boubacar Kéïta….

Revoilà ATT, le parachutiste qui a banalisé l’État : « Il avait bien dit dès le départ de sa profession de foi qu’il n’était militant d’aucun parti politique. Il va donner du corps à cette idée en mettant en hibernation les partis politiques dans une sorte de consensus déroutant. Il a inventé la démocratie consensuelle, une sorte de démission collective, un air débonnaire et une grande irresponsabilité. »

La non-lutte contre corruption est un des échecs de la démocratie. L’école aussi est un échec cinglant, échec savamment mis en musique avec Alpha, « l’enseignant fils d’un enseignant et époux d’une enseignante ».

L’auteur s’indigne et transporte le lecteur dans les dédales des réformes hasardeuses et criminelles à travers des politiques sans lendemain comme « la nouvelle école malienne ».

L’entrée en pompe des religieux dans la gestion de l’État est aussi un fait d’armes de la démocratie. Le « Code des personnes et de la famille » retiré en catimini du circuit est passé par là ! Le Haut Conseil Islamique est aux affaires. Un chef religieux peut remplir un stade de football et des Maliens meurent dans une bousculade, il n’y aura aucun procès. Vive la démocratie chiffonnée !

ATT débonnaire va quitter la scène. Il sera chassé victime de l’insécurité due à la rébellion arabo-touareg, au narco-trafic et les têtes brûlées de l’armée nationale. Amadou Aya Sanogo entre en scène, le 22 mars 2012, « les Maliens se réveillent avec la gueule de bois » et « c’est la transition de tous les dangers » et « le bal des vautours affamés ». Le Mali vacille ; l’armée française chassée en 1960 revient triomphalement, pour « chasser les terroristes » et remettre la région de Kidal au Mouvement national de Libération de l’Azawad. L’auteur a son jugement sur la déstabilisation du Mali, « une guerre géostratégique où la France joue gros ».

Ibrahim Boubacar Kéita sort vainqueur des élections. Il a un score de presque un plébiscite avec près de 77 % des suffrages. Il est l’espoir pour de nombreux Maliens qui pensent qu’avec lui le Mali va se retrouver. Mais IBK a un autre agenda, celui de sa famille.

Le survol de ces quelques bonnes feuilles est loin de traduire la densité de cette fresque. Plus que les faits, c’est le style qui fait école ; à cheval entre le pamphlet et l’humour. Ce qui est une grande qualité, car l’auteur donne de la gaité dans la lecture de faits sociaux et politiques très grave pour le présent et le futur d’une nation. En cela, il se situe dans la lignée des écrivains de la première génération de l’Afrique, comme Ferdinand Oyono dans « le vieux nègre et la médaille ».

Pour une première œuvre, on ne peut être que séduit par l’audace de l’auteur. Rien à voir avec les conventions moulées et du monde des bienséances diplomatiques. L’auteur prévient déjà : il a toujours pris sa part dans l’appréciation de la chose publique. C’est le triomphe de la liberté d’expression, un courage qu’il partage avec son éditeur.

Prix : 8000 FCFA, Édition « La Sahélienne », Collection Mémoire

Dr Ibrahim MAIGA

INFO-MATIN

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