«J’ai passé une nuit blanche en attendant que notre armée vienne nous sauver. Elle avait promis de le faire le 15 mai. Mais, jusqu’au petit matin, rien. Actuellement, la vie a repris le cours normal qu’elle suit depuis plus d’un an. Nous nous sentons abandonnés et surtout jaloux des autres localités du Nord qui ont été libérées…Nous sommes toujours sous la domination du MNLA. En ville, c’est le MNLA qui dicte sa loi, sous la supervision de la France. Espérons que la libération c’est pour bientôt…». Ce témoignage d’un Kidalois, recueilli hier, à la mi-journée, en dit long sur le sentiment qui anime actuellement nos compatriotes de la huitième région.
Plus de 300 km au Sud, Gao se prépare avec un arsenal impressionnant et des hommes hypermotivés.
En effet, même si les chefs militaires n’avancent pas de chiffres sur la logistique déployée dans la Cité des Askias (secret défense oblige) on n’a pas besoin d’être spécialiste pour savoir qu’à Gao, il y a du costaud : des centaines de pickups armés de 12,7 ou 14,7 mm, des véhicules blindés (lourds et légers). Quant aux soldats, ils ont, à plusieurs reprises, démontré qu’ils étaient désormais «prêts à combattre». «Dans un passé récent, nous avons été trop légers sur tout. C’est fini avec la légèreté, car sur le terrain, il n’y a pas de demi-mesure. Si tu oublie où tu te trouves, l’ennemi t’expédie dans une tombe», nous a confié un officier, le visage meurtri par le chaud soleil de Gao.
En tout cas, c’est hier, mercredi 15 mai 2013, que l’ultimatum du gouvernement au MNLA prenait fin. Mais, ce que plusieurs personnes ignorent ou feignent d’ignorer est que l’ultimatum de Bamako n’est que «politique»… «du bruit pour rien», comme le dirait l’autre. Et pour cause : entre Kidal et Gao, c’est la «digue» française qui régule tout.
Gao : le CAP toujours en souffrance
En septembre 2012, alors que les islamistes du Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique Occidentale (MUJAO) régnaient en maitres absolus dans la Cité des Askias, nous avons rencontré la Directrice du CAP Mme …Ouleymatou Maïga. Elle avait trouvé refuge dans un petit bureau d’un lycée et s’y battait pour maintenir l’école à flot. Elle n’avait ni crayon, ni stylo pour travailler. En son temps, le ministre de l’Education, Adama Ouane, nous avait rassuré que «le gouvernement allait s’en occuper». C’était mal connaître les promesses politiciennes.
Huit mois ont passé. Les gouvernements se sont succédé. Nous sommes retournés à Gao et, à notre grande surprise, la Directrice du CAP est toujours dans les mêmes conditions. Pire, le budget de fonctionnement du CAP est toujours coupé. Toutes les dépenses administratives sont payées par les cadres eux-mêmes.
Au même moment, Bamako demande aux fonctionnaires de rejoindre leurs services au Nord du Mali. Et ceux qui n’ont jamais quitté le Nord ? Pourquoi ne s’occupe-t-on pas d’eux ? Paradoxal non ? Jugez-en, vous-mêmes.
INTAHAKA-GOSSI-HOMBORI : reprise de l’activité économique
Après plus d’un an d’arrêt, les marchés d’Intahaka, de Gossi et de Hombori ont repris du service. L’événement a été accueilli par les différentes localités avec joie. A Gossi, par exemple, Fadima, vendeuse de nattes ornementales, a lâché quelques larmes avant de témoigner : «Si cet arbre sous lequel je suis assis pouvait parler, il témoignerait des souffrances que nous avons vécues ici. D’abord avec le MNLA qui a tout pillé, puis avec les islamistes qui nous contraignaient à leur charia. J’avais même cessé de tresser les nattes, à tel point que j’avais perdu la main. Il a fallu que je recommence. Dieu est grand, nous renaissons. Nous allons reprendre nos activités et subvenir aux besoins de nos familles».
A Hombori, Hamma, une adolescente d’une quinzaine d’années aide sa maman à vendre du beurre de vache. Il se souvient encore «des longs et difficiles mois» passés sous domination rebelle et islamiste. «C’était comme dans un mauvais rêve. Un beau matin, ma mère m’a dit qu’on ne pouvait plus aller à l’école, car les rebelles étaient en ville. Quelques temps après, elle m’a informé qu’elle ne pouvait plus aller vendre du beurre au bord de la route. Quand je lui ai demandé pourquoi, elle m’a répondu : les islamistes disent que c’est Haram (contre la religion). C’est là que j’ai compris que nous allions passer de mauvais moments. Je suis content que les choses reprennent aujourd’hui, même si ce n’est pas comme avant. Je sais que tout redeviendra normal, incha’Allah».
Paul Mben, envoyé spécial