Depuis plusieurs semaines, certains, au Mali comme en Europe, défendent de manière anarchique l’idée de négociation avec les terroristes et notamment leur principal leader, Iyad Ag Ghaly. Les récents attentats de Ouagadougou ne semblent pas avoir remis en cause leurs convictions. Pourtant, notre expérience des années 2014-2015 nous montre que la négociation n’est possible qu’en position de force, après des victoires militaires sur le terrain. Au risque, sinon, de devoir reprendre les armes à grands risques et après de lourdes pertes.
Dans un article publié il y a quelques jours dans La Tribune de Nouakchott, un journaliste, dont les compétences sur le Sahel sont reconnues de tous, rappelle des évidences que l’on a tendance à rapidement oublier. Ainsi qu’il l’écrit, évoquant le cas de la Mauritanie, « la réponse sécuritaire » doit « prévaloir dans un premier temps ».« Il faut que le dialogue découle d’une position de force sur le terrain pour ne pas être perçu comme un signal de faiblesse » précise-t-il ensuite.
Depuis quelques semaines, certains analystes de la crise malienne défendent l’idée de la nécessaire négociation avec les terroristes, une négociation qu’ils opposent à la poursuite des combats menés principalement par les FAMa avec l’aide de Barkhane. Ces analystes, parfois déconnectés des réalités que nous, Maliens de Mopti, de Tombouctou, de Gao ou de Kidal vivons au quotidien, oublient un principe incontournable : la négociation est avant tout un combat. Lors de ce combat, on impose une volonté certes en faisant des concessions, mais elles ne vont pas au-delà d’une ligne rouge qui délimite le cœur de nos objectifs : la paix, la sécurité et aussi la recomposition à moyen et long terme – et pas seulement à court terme, comme en 2014 – du tissu sociétal malien, dans toute sa pluralité.
Personne n’a oublié le sanglant précédent de 2014. Ansar Dine, devenu pour moitié HCUA, avait pu se relancer au bout de quelques mois dans la reconquête de Kidal et d’une partie du Nord, assassinant ceux que les terroristes considéraient comme leurs opposants, y compris parmi les civils et les représentants de l’Etat malien. Malgré des revers sur le terrain en 2013, les capacités d’Ansar Dine et l’envie de combattre n’avaient pas été amoindries. Aucun désarmement n’avait été obtenu au moment des négociations qui par ailleurs ont été trop rapidement menées, dans la lâcheté et la négligence. Ansar Dine réactivé a pu à partir de là étendre sa menace terroriste vers le sud et le centre du pays.
Le souvenir de Kidal et de ses morts devrait frapper l’esprit de ceux qui, aujourd’hui, appellent sans réserve à la négociation. Lorsqu’il faut négocier, on ne peut se laisser dicter ni le choix de ses interlocuteurs, ni les conditions d’un accord. Un négociateur est le contraire d’un otage : il ne recherche pas l’accord à n’importe quel prix. Il a, si nécessaire, la marge de manœuvre de reprendre les armes. La volonté de combattre est en cela commune au négociateur et au soldat. L’un comme l’autre, lorsqu’ils la perdent, connaissent la défaite : si ce n’est la destruction physique immédiate pour le négociateur, c’est l’accord de dupes qu’il s’apprête à signer qui prépare sa future destruction, parfois à très court terme.
« La pression militaire fait partie d’un arsenal plus large à la disposition des Etats » rappelait, il y a peu sur RFI un conseiller politique du Centre pour le dialogue humanitaire, dont on connait le rôle auprès de l’Imam Mahmoud Dicko. C’est cette pression militaire qu’exercent actuellement avec succès les FAMa et Barkhane contre les terroristes du JNIM d’Iyad Ag Ghaly ou de l’EIGS d’Adnan Abou Walid Sahraoui. Cette pression militaire, il est de notre devoir à nous, Maliens, de la soutenir.
L’action militaire est bien complémentaire et non contradictoire de la négociation. Elle la prépare. La solution d’un conflit ne peut être que militaire ; elle ne peut non plus se limiter à un règlement politique, qui serait un accord de paix avec les terroristes dont on sait que certains sont récupérables mais d’autres pas. Ce n’est donc qu’une fois que l’ennemi a été suffisamment affaibli dans ses capacités à combattre et à se reconstituer, mais aussi et surtout dans sa volonté de poursuivre le combat qu’on peut envisager cette négociation. En effet, les terroristes ne sont pas des individus isolés. Ils sont organisés de façon militaire. La solution pour les traiter est donc d’ordre militaire pour commencer. Surtout, il ne faut pas un accord de paix avec des groupes, mais une repentance individuelle contre une amnistie, pendant que l’Etat rétablit ses services à la population.
Pour cela, ceux qui veulent promouvoir la négociation ne devraient pas oublier qu’ils sont, au même titre que les autres, les garants de la volonté de combattre la menace, volonté qui seule, face à l’ennemi, permet la survie. Garants aussi du choix de leurs interlocuteurs car il ne faut discuter qu’avec ceux qui ont le vrai pouvoir. Et il ne faut pas se laisser manipuler par des chefs terroristes comme Iyad ag Ghaly qui ne sont eux-mêmes que les otages des puissances qui les manipulent dans l’ombre.
Ils en sont pleinement responsables, de leurs résultats, ces beaux parleurs de la négociation et sont, pour cela, comme nos soldats silencieux, condamnés au succès. C’est notre volonté de survie qui doit les faire plier. Négocier, ce n’est pas se coucher devant un assassin. Les morts de Kidal nous le rappellent et nous exhortent pour notre survie à refuser toute lâcheté et toute négligence.
Paul-Louis Koné
La rédaction