Au Mali, il est facile de devenir ennemi de tous sans pour autant commettre un acte qui en vaut la peine. Pour y être il faut seulement devenir un dirigeant de grande envergure tel que président de la République ou Premier ministre. Alors bonjour les malheurs qui jaillissent des bouches de toutes parts.
Etre dirigeant de grande envergure au Mali est le châtiment le plus sévère que la nature peut offrir à son ennemi au Mali. Car le Malien lambda est de nature à sanctionner verbalement et dans sa conscience celui qui travaille ardemment à le relever des difficultés.
Ainsi après plusieurs tentatives populaires par les partis politiques de l’opposition, de la majorité et des leaders religieux pour destituer le PM, c’est autour de l’Assemblée nationale d’en faire une affaire personnelle. Les députés de la convention de la majorité présidentielle, qui, en principe et dans l’exercice démocratique doivent aider le président et son gouvernement dans l’accomplissement de sa mission, sont prêts à pousser le président et le mettre au dos au mur.
Pourtant, c’est grâce au même président, à coup d’espèces sonnantes et trébuchantes que la Cour constitutionnelle a inventé des subterfuges pour que ces députés continuent de siéger à l’AN. Leur mandat était achevé depuis plusieurs mois et aucune raison juridique, dans le contexte actuel, ne leur donne droit de rester même un minute dans l’hémicycle.
En politique, rien n’est clair, rien n’est exact, tout est relatif et subjectif. Ces députés, pour remercier le président de ce dur labeur sont sur le point de le mettre sur un fauteuil éjectable et tentent de le sortir par la fenêtre. Le défaire de son Premier ministre en l’état actuel de la situation semble ne pas être de bon augure pour lui. Mais en politique, seuls les intérêts comptent. Pour se ménager à des éventualités, les députés ont une double raison de vouloir défaire le PM du président.
D’abord à cause de la coloration politique du PM : quand les loups ne sont pas de la même bergerie, ils sont susceptibles de se dévorer sans état d’âme. Donc à l’approche des élections législatives, le RPM et la Convention de la majorité présidentielle (CMP) veulent un membre de la maison à la tête du gouvernement. Cela pour préparer soigneusement leur victoire à ces échéances électorales. La prudence est la mère de sureté et le RPM n’est pas de bonne presse. Donc il faut à tout prix mettre toutes les chances de son côté.
Les querelles intestines, les coups bas et les défections l’ont mis à mal. L’élection présidentielle a relevé bien des failles du parti. De ce fait, la position actuelle du PM et son parti sont gênant pour la horde RPM-CMP. Le parti du PM a déjà volé certains de leurs députes, et aller aux élections avec lui à la tête du gouvernement est suicidaire politiquement : il risque de ravir la majorité des sièges à l’AN et le glas sera sonné pour le RPM et CMP.
Donc à l’analyse, la première cause est politique mais aussi existentielle. La coalition ne veut pas perdre leur pain qui se trouve dans leur bouche. Selon des indiscrétions, sur les 53 députés que compte le RPM, ce sont 35 qui sont pour le moment favorable au vote de la motion et les 18 autres restants disent non au départ du PM. Les groupes parlementaires se sont réunis avant-hier, lundi, le groupe parlementaire Adema et ceux des non-inscrits voteront non. Grosse couleuvre en vue pour le RPM ? Car, il faut au moins 98/147 députés pour faire partir le gouvernement Soumeylou Boubèye Maïga.
Ensuite, le PM avait montré que l’AN n’est pas légitime car lors de son interpellation, il s’était représenté par le ministre de la sécurité intérieure et de la protection civile. Des lors, les députés sont aux abois et veulent lui rendre au plus vite sa monnaie : le plus tôt sera le mieux. Pour y arriver, ils risquent d’employer toutes tentatives et les voies possibles. Seulement, pour la majorité des maliens, Mais l’AN n’est pas légitime et n’a aucun pouvoir d’autorité de la part du peuple pour parler ou décider à son nom.
« Boire du lait à la place de l’eau ne peut pas désaltérer la soif », selon une sagesse peule. Donc, cet exercice est un faux sur un faux. Des analystes et fins connaisseurs constitutionnel le confirment. Ceux-ci ajoutent que l’Assemblée nationale n’est pas « légitime » pour demander ou réclamer tout départ du chef du gouvernement. Leur acte est donc considéré comme « un non-événement ».
Désormais, c’est le président lui-même qui est dans l’inconfort, car il est combattu par ceux qui sont censés l’aider. Pour paraphraser la situation, il est entre le marteau de la grogne populaire qui réclame plus et encore plus que ce qu’il ne peut donner et l’inimitié avec les camarades de son parti qui veulent le priver de son PM actuel.
Le PM de son côté semble être atteint par la manœuvre des députés, le mardi dernier semble être le dernier mardi du conseil de cabinet. C’est un PM agonisant à son arrivée au conseil de cabinet. Soumeylou Boubèye Maïga a reconnu qu’ils sont les vrais artisans du bilan qui lui est attribué. Très secoué et apparemment affaibli, SBM a affirmé que les partis politiques majorité et opposition confondues, les leaders religieux et la société civile œuvrent pour le démettre avec la motion de censure. Et évoque l’aspect suicidaire de leur intention.
Boncane Maiga.
LE POINT DU MALI