Autoproclamé général de l’armée nationale quand il est à Naréna, lieutenant de douane quand il est à Siby, Soungalo Doumbia est à la fois un trafiquant d’influence et un véritable bourreau des usagers de la route nationale (RN5) reliant Bamako à Conakry via Kourémalé. Après avoir semé la terreur pendant 8 mois dans trois communes voisines du Mandé, il est tombé de son piédestal au même titre que 8 autres membres de son gang dont deux jeunes mamans de 18 et 23 ans et un vieil homme de 70 ans environ. Le joli exploit est l’œuvre de la brigade de gendarmerie territoriale de Naréna, dirigé par l’adjudant-chef Ousmane Diarra et son adjoint l’adjudant-chef, Abdoulaye Diakité dit Charly.
Depuis 8 mois, les habitants des Communes de Siby, Naréna et Kangaba (situées à moins de 100 km pour certaines sur l’axe Bamako-Kourémalé, à la frontière guinéenne) ne dorment que d’un œil. Ils étaient soumis au diktat d’un réseau de coupeurs de route, l’un des plus hétéroclites de l’histoire de la localité.
Le mercredi 18 septembre dernier, un vent nouveau a soufflé sur les trois localités grâce à l’action musclée de la BT de gendarmerie de Naréna.
Les faits
Depuis plusieurs semaines, les habitants de Siby (chef-lieu de commune du même nom) sont embarrassés par la présence suspecte d’étrangers dans leurs murs et qui ne mènent aucune activité professionnelle officielle.
Face à l’imminence d’une vindicte populaire, les intrus quittent nuitamment Siby pour Naréna où ils seront accueillis par Broulaye Coulibaly, issu d’une famille de guérisseurs réputés et lui-même a voix au chapitre dans le village.
En complicité avec le « général » Soungalo Doumbia, âgé d’environ 40 ans, Broulaye parvient à tromper tout le village avec l’annonce d’une visite surprise du général Amadou Haya Sanogo. Il présente le nommé général Soungalo Doumbia comme précurseur de la visite privée et secrète de son ami et frère d’arme, le général Amadou Haya Sanogo. Usant de la confiance en lui placée par les habitants, Broulaye Coulibaly parvient à bien mener une campagne d’information sur cette visite obscure. A cet effet, il se rend à la brigade territoriale de la gendarmerie pour annoncer au CB l’arrivée du général Amadou Haya chez lui. Il ajoute que la délégation, constituée de personnalités devrait arriver d’un moment à l’autre. Informée par Broulaye, le 16 septembre vers 20heures, de la visite dans leur ressort territorial d’une personnalité aussi illustre qu’Amadou Haya Sanogo, la BT de gendarmerie ne voulait restée en marge.
Le 17 septembre 2013, il mobilise toute la notabilité du village, y compris des représentants de l’administration publique, à la place publique où la gendarmerie s’est invitée volontiers histoire de rendre les honneurs à leur chef hiérarchique.
Mais ce fut une journée assez longue pour tous ceux-là qui voulaient voir de visu l’auteur du putsch du 22 mars 2012. Après toute une journée de patience, ils étaient résolus à rentrer chez eux avec l’espoir d’être à l’accueil du général Sanogo annoncé pour le lendemain. Le 18 septembre, Broulaye se présente de nouveau à la brigade pour annoncer que la délégation est déjà passée depuis le 16 septembre et est même rentrée à Bamako mais que le « général » Soungalo Doumbia, tiré à quatre épingles (toujours habillé d’une veste bien reluisante) restera pour des affaires privées mais ne voudrait pas de la présence des gendarmes à ses côtés. A la demande du CB et de son adjoint de rendre visite au général resté, Broulaye finit par prétexter que cet envoyé de Sanogo est parti cueillir des feuilles vertes dans la broussaille.
Quelques heures plus tard, Broulaye passe à la brigade de gendarmerie pour faire croire aux gendarmes que « le général éclaireur » est appelé d’urgence à Bamako.
Broulaye Coulibaly (ancien militaire de la promotion 1994 et déserteur depuis le centre d’instruction) s’était allègrement transporté à la gendarmerie avec un message d’encouragement aux gendarmes à qui il a aussi transmis une supposée promesse du général Doumbia à venir lui-même rendre visite à la BT dès son prochain passage à Naréna.
Un complice de 70 ans et deux épouses comme appâts
Les limiers mettent le grappin sur lui (Broulaye) et conditionnent sa libération à la présentation du « général Doumbia ». Avant de craquer, Broulaye sort son téléphone et passe un appel à un interlocuteur histoire de flouer Charly et ses agents. Peine perdue, l’arroseur est à son tour arrosé et finit par avouer tout de go que le général émissaire de Sanogo n’était autre que Soungalo Doumbia, un jeune âgé d’environ 40 ans qui se fait aider dans ses opérations par plusieurs autres personnes dont son épouse Aïchata Doumbia, mère d’un bébé d’un an.
Le faux général bénéficiait du secours d’un vieux d’environ 70 ans du nom de Dougou Kanté, un guérisseur féticheur réputé dans le village. Celui-ci qui joue (à l’aide de ses fétiches) un rôle de prédilection pour l’issue des opérations du gang. Très avisés, les gendarmes mettent ensuite le grappin sur les deux maillons faibles du groupe à savoir les jeunes dames (l’une, répondant au nom de Aïchata Doumbia, épouse du chef de file Soungalo Doumbia, est âgée de 18 ans et l’autre baptisée Kadiatou Kéïta, âgée de 23 ans, mère d’un bébé d’une année, est l’épouse d’un autre membre du gang du nom de Mohamed Coulibaly).
Deux autres adeptes du vieil homme (les frères Siné et Dramane Doumbia), dont l’appartenance au gang est avéré, sont aussi interpellés. Eux, ils sont directement rattaché à leur chef spirituel tout comme les deux dames. Cette liaison a pour but de donner l’impression de guérisseurs et ses patients.
A la gendarmerie, les deux dames ont été les premières à avouer les activités néfastes du groupe qui se résument aux braquages et aux coupures de routes.
Ayant pris vent des arrestations, le général qui se faisait applaudir auparavant, s’est évaporé dans la nature pour trouver réfuge dans le village de Kambalé, situé à quelques kilomètres de Naréna.
Après 2 jours d’avis de recherche lancé par une radio locale, il a été dénoncé et interpellé le 20 septembre dernier à Kambalé.
Interrogés, lui et ses complices ont avoué les uns après les autres les différents forfaits perpétrés par eux courant 2013. Parmi lesquels l’attaque à mains armée contre un gendarme, sur le tronçon Naréna-Krikrou. Attaqué dans sa voiture, le gendarme en civil a eu la vie sauve grâce à l’indulgence d’un des membres du groupe. Cependant, il a été grièvement blessé et soulagé de son arme de service qu’il gardait sous le tapis de sa voiture Mercedes 190.
Ce groupe tenait son invincibilité du rôle important de son élément Bakary Camara qui restait dans le réseau téléphonique suivant le mouvement des gendarmes pour ensuite en informer ses complices. Aussi, le caractère hétéroclite (personnes de sexes, d’âges et d’activité différents), les moyens d’opération et sa mobilité faisait la spécificité de ce groupe. Lequel opérait à bord d’une Toyota 207 de couleur blanche utilisée comme moyen de locomotion mais transformé en ambulance juste après les opérations pour acheminer les butins sans soupçon. Pour faciliter leur exfiltration et tromper la vigilance des curieux et aux postes de contrôles, les malfrats faisaient passer les dames et leurs bébés pour patients en état critique en destination d’un centre de santé le plus proche.
Après 8 mois de règne, « le général »et ses éléments viennent de tomber sur plus dur qu’eux : les éléments du CB, l’adjudant-chef Ousmane Diarra et de son adjoint Abdoulaye Diakité dit Charly.
Les recherches sont en cours pour retrouver le conducteur du véhicule d’opération, Issa Coulibaly, qui reste pour le moment introuvable. En attendant d’être présenté au procureur de la République, les malfrats méditent sur leur sort en garde à vue.
Ousmane Daou, envoyé spécial
SOURCE: L’Indicateur du Renouveau du 24 sept 2013.