La réélection d’IBK pour son second et dernier mandat à la tête du Mali, en plus de la contestation qu’elle a engendré, a permis également aux populations de prendre leur destin en mains face aux multiples défis auxquels elles sont confrontées. N’ayant plus confiance aux hommes politiques encore moins aux leaders de la société civile classique, jugée à tort ou à raison d’être inféodée au pouvoir, les citoyens ont commencé à prendre à bras le corps leurs problèmes. Aujourd’hui, nous assistons à la naissance d’une nouvelle société civile plus incisive et consciente de son devoir. Elle n’a ni tête ni queue, mais mue par les seuls intérêts de leurs localités et du Mali. La naissance de cette nouvelle société civile n’est-elle pas l’échec de l’ancienne ? Ne va-t-elle pas peser lourd sur toutes les décisions importantes qui seront prises y compris les choix des futurs responsables pour diriger le pays ? Ne fera-t-elle pas ombrage à la classe politique toutes tendances confondues ?
De Kayes à Gao en passant par Tombouctou, Mopti, Ségou, Sikasso et Koulikoro, nous assistons, un peu partout, à la naissance d’une nouvelle société civile, celle qui n’a ni leader, encore moins de programme, mais plus poignante et plus pragmatique. Son cheval de bataille est qu’il ait désormais plus de justice sociale et surtout la fin de l’impunité. Par cet éveil de conscience citoyenne du bas peuple, nous assistons à la mort programmée de la société civile classique, celle qui a accepté d’aller à la mangeoire avec le pouvoir, mais aussi et surtout de la classe politique qui a perdu toute crédibilité aux yeux de l’opinion. Elle est tellement vive qu’elle jouerait le rôle de l’opposition en réclamant plus de transparence et du bien-être social. Cette société civile s’érige en remparts contre la corruption et veut sonner la fin de l’impunité. C’est ainsi qu’agacés par le comportement des dirigeants de tous ordres, politiques, religieux et sociaux, les citoyens d’en bas ont décidé d’outrepasser tous les principes pour battre le pavé à Kayes, Kati, Tombouctou, Mopti, Ségou, Koulikoro pour réclamer leurs dus à l’état. Ils semblent être pourtant entendus après avoir paralysé certains axes routiers. Ils ont accepté de lever les barricades contre la promesse de démarrage dans trois semaines, des travaux de la réhabilitation de la route de Kayes.
Pour rappel, les différentes crises socio politiques au Mali, datent depuis l’accession, en 1960 de l’indépendance du Mali. Mais force est de constater qu’elles ont connu une certaine exacerbation à partir de l’avènement de la démocratie en 1991. Ces crises multiformes sont non seulement les conséquences logiques de la mal gouvernance, mais aussi et surtout, du déficit de confiance entre les dirigeants et le bas peuple. Pendant plus de 27 ans, nous avons assisté aux mêmes pratiques de démolition, de dépravation, de spoliation, d’incivisme et de violations éhontées des droits les plus élémentaires de ceux pour qui ils sont élus et sont censés défendre les intérêts.
Les hommes politiques ont gouverné ce pays pendant des décennies dans le mensonge, dans le déni des réalités et dans l’indifférence totale aux préoccupations et aspirations du peuple. Que dire des promesses faites lors des élections, qu’elles soient municipales, législatives ou présidentielles, mais qui ne sont jamais respectées, faisant de l’homme politique un homme sans scrupule mû seulement par ses intérêts sordides. C’est fort de toutes ces malheureuses expériences et se sentant relégués au second plan que de nombreux citoyens n’étant issus d’aucun bord politique, ni aucune tendance religieuse, ont pris conscience de leur situation et ont accepté de s’engager dans le combat pour un autre Mali.
En somme, si et seulement si les dirigeants politiques et leurs complices de la société civile méditaient régulièrement cette célèbre citation d’Abraham Lincoln, à savoir qu’ : « on peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps »,ils allaient faire moins de faute et respecter leurs peuples.
Youssouf Sissoko
Source : Infosept