Un correspondant de FRANCE 24 s’est rendu en Cisjordanie recueillir le témoignage de femmes de prisonniers palestiniens, tombées enceinte grâce à une fécondation in vitro. Le sperme de leur mari aurait été exfiltré illégalement de prison.
Dans les prisons israéliennes, comme dans les autres centres pénitentiaires à travers le monde, la contrebande est interdite. Récemment les détenus palestiniens ont trouvé un moyen de contourner les obstacles pour mettre en place un trafic très spécial. Il ne s’agit pas de faire rentrer des marchandises interdites mais plutôt de faire sortir une petite partie d’eux-mêmes, en espérant qu’elle prenne vie à l’extérieur.
Un journaliste de FRANCE 24 s’est rendu dans les Territoires palestiniens, à la rencontre de femmes de détenus affirmant avoir trouvé le moyen de faire des enfants avec leurs maris, enfermés dans des prisons israéliennes. Et ce, sans qu’aucune visite conjugale ou contact physique entre eux ne soit autorisé.
Lydia Rimawi est l’une de ces femmes. Elle ne voit son époux qu’à travers une épaisse vitre lorsqu’elle lui rend visite. Elle soutient que son fils, Majed, est né il y a quelques mois, bien que le père de l’enfant soit derrière les barreaux depuis 12 ans : “Il avait deux semaines quand j’ai voulu l’amener en prison pour voir son père. Quand on est arrivés, le gardien m’a dit : ‘Qui viens-tu voir avec cet enfant ?’ Je lui ai dit : ‘Mon mari.’ Le gardien m’a demandé : ‘Et à qui appartient cet enfant ?’ Je lui ai répondu : ‘C’est le fils de mon mari.’ Le gardien m’a accusée de mentir et m’a dit : ‘Ca n’est pas possible, ton mari n’a pas de fils.’ Il ne nous a pas autorisés à lui rendre visite. Le gardien m’a renvoyée et m’a dit de revenir avec un test ADN pour prouver que c’était bien le fils de mon mari.’
Emballage de chocolat, petit flacon…
Pour tomber enceintes, ces femmes se rendent dans des cliniques de Cisjordanie spécialisées dans les fécondations in vitro. Le correspondant de FRANCE 24 a pu entrer dans l’une d’entre elles afin de comprendre les secrets derrière ces naissances dites miraculeuses.
“Les prisonniers sont parvenus à faire sortir leur sperme de prison. Rien qu’ici, nous avons entre 60 et 65 échantillons congelés”, explique le docteur Nizam Najib, directeur de l’une de ces cliniques. Quant aux stratagèmes auxquels les détenus ont recours pour faire parvenir leur semence jusqu’à ces laboratoires, le médecin refuse d’en dévoiler tous les détails. “Les prisonniers inventent leurs propres moyens, ils ont des techniques pour faire sortir leur sperme. Parfois ils le font passer dans un emballage de chocolat, dans un petit flacon. Il y a plein de façons”, détaille Nizam Najib.
Le médecin raconte que le sperme est conservé entre 48 et 72 heures dans un incubateur avant d’être transféré dans l’utérus de la femme. Selon lui, ce phénomène de trafic de sperme est en pleine expansion et est devenu une véritable cause nationale.
Le 13 octobre 2013, le quotidien britannique “The Guardian” rapportait déjà une histoire similaire. Cette fois, le sachet contenant la semence avait été confié par le père prisonnier à un codétenu, qui l’aurait lui-même remis à un de ses visiteurs. Après un voyage de six heures, le sperme avait ensuite été transporté jusqu’à la bande de Gaza, où il avait été congelé dans une clinique privée. Quatre mois après, l’insémination artificielle réussissait, selon la femme du prisonnier.
Défier l’occupation israélienne
Une patiente, interrogée par FRANCE 24, confie qu’elle a le sentiment de défier l’occupation israélienne grâce à l’aide de cette clinique et de ses employés. “Mon mari a été condamné à perpétuité. Dans le verdict, ils lui ont donné neuf fois la prison à vie. Peut-être qu’il ne sortira jamais de prison. Et même si un jour il sort, peut-être que je ne serai plus en âge d’avoir des enfants. Mais nous voulons quand même avoir une famille”, affirme-t-elle.
Du côté des services pénitentiaires de l’État hébreu, le doute plane quant à la crédibilité de ces récits de bébés palestiniens évadés… avant même d’être nés.