La mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation est-elle compromise ? Interrogé sur les difficultés dans sa mise œuvre, le porte-parole de la CMA, Mossa Ag Attaher, relève des inquiétudes. Et il se veut formel : «Nous n’acceptons plus que l’accord soit un outil politique».C’était le samedi passé lors d’un entretien qu’il nous a accordé.
Premier point évoqué,le report de la 38ème session du Comité de suivi de l’accord, devant se tenir à Kidal. «Ce report ou cette annulation ne se justifiait pas à partir du moment où c’estune résolution du CSA précédent, la 37ème session, qui a convoqué cette 38ème session», a-t-il déclaré, Mossa Ag Attaher.
«Nous n’avons pas été saisis officiellement par le gouvernement du Mali comme ça doit se faire entre parties pour nous informer à l’avance qu’il y a des problèmes pour la tenue de cette 38ème session à Kidal. Nous l’avons appris à travers le président du CSA dans une lettre qu’il a envoyée aux membres du CSA, pour les informer.
Le contenu de cette lettre, la justification qui a été donnée est encore très confuse parce que le président du CSA exige des échanges avec le gouvernement. Il n’y a pas eu de réponses suffisantes pour édifier les membres du CSA et la communauté internationale», a-t-il indiqué.
Selon le porte-parole de la CMA, au stade actuel, une autre justification du report est celle de «raisons d’impératifs d’Etat», brandie par le chef de la médiation internationale.«Allez-y savoir ce que cela veut dire ! en tout cas, pour nous, ça n’a aucun sens. Par la suite, nous avons eu des informations transmises par le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, suite à des entretiens avec les ambassadeurs et les diplomates, où il a avancé des raisons encore très ambigües qui disaient en substance qu’il fallait qu’il y ait l’armée reconstituée à Kidal avant de tenir le CSA. Et il a avancé les risques de manifestation à Kidal…».
À en croire le porte-parole de la CMA, «pendant un mois, toutes les parties ont eu le temps de dire les préoccupations ou d’avancer des arguments pour dire que la 38ème session du CSA ne se tenait pas. Mais depuis la 37ème session jusqu’à 24h, avant la tenue de la 38ème session à Kidal, aucune partie n’a émis des réserves sur la tenue de ce CSA. Donc, s’il y avait des réserves de la part du gouvernement, on avait tout le temps et tout le créneau de transmettre à la médiation internationale et au CSA, pour en délibérer, toute chose qui n’a pas été faite».
L’épineuse question du statut de Kidal
Contre l’argumentation consistant à dire qu’il faut que l’armée reconstituée à Kidal, pour y tenir le CSA, la CMA précise : «sincèrement qu’il faut vraiment être complètement en dehors de l’accord pour pouvoir avancer de telles raisons».
Et pour cause, selon Mossa Ag Attaher,«parce que l’armée reconstituée fait partie des différents aspects prévus dans l’accord et on était en train de travailler à la 1ère étape de cette armée reconstituée,qui était la formation du Mécanisme opérationnel conjoint (MOC) qui venait de finir sa formation et à qui l’état-major général des armées a donné une permission après la formation, et le CSA se tenait avant la fin de ce congé. Et même s’ils finissaient leur congé,ce sont d’autres décisions qui allaient être prises pour leur redéploiement. Donc, on ne peut pas compter sur l’embryon de l’armée reconstituée pour tenir le CSA».
À propos des risques de manifestation, ilprécise : «… pour tout ce que le gouvernement fait, il y a des manifestations. Pour un voyage d’un ministre, pour une décision, pour une affectation d’un fonctionnaire, il y a des manifestations partout et pour tout.
Donc, dire parce qu’il y a un risque de manifestation, on ne tient pas une réunion, c’est comme dire parce qu’il y a une manifestation sur le boulevard de l’indépendance, on ne tiendra pas le conseil desministres… L’ensemble des raisons avancées sont des raisons qui ne justifient absolument pas le report du CSA à Kidal.»
Par ailleurs, à en croire le porte-parole de la CMA, «les récentes sorties du ministre des Affaires étrangères du gouvernement du Mali constituent vraiment un danger pour la mise en œuvre de l’accord, parce qu’on était dans une dynamique où les parties ont retrouvé une certaine confiance, où on était entrain d’avancer entre parties maliennes. Parfois même, indépendamment de la communauté internationale, et je pense que l’objectif final c’est ça !
C’est que les parties maliennes parviennent à parler et agir sans avoir besoin de l’appui de la communauté internationale. Donc, nous appelons encore une fois le gouvernement à répondre très rapidement aux demandes exprimées dans notre déclaration suite à ce report.»
Au sujet de la question du terrorisme évoquée par les chefs d’Etat de la sous-région, Mossa Ag Attaher apporte ces précisions : «…l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger était arrivé à un point extrêmement important, pour ce qui est de sa mise en œuvre, et on avait commencé à rentrer dans des points concrets, dans les aspects concrets de sa mise en œuvre.
Quand on est à ce stade-là, tout devient sensible, particulièrement la confiance entre les acteurs, le respect des engagements et l’accélération des engagements pris par les parties. Donc, pour ce qui est de la CMA, nous sommes les mieux placés pour vous dire ce qu’il en est de notre position, où est-ce que nous en sommes, qu’est-ce que nous envisageons?»
Pour Mossa Ag Attaher, il y a un certain nombre de points sur lesquels, il n’y a d’autre choix que d’avancer : «la mise en place de l’armée reconstituée, le redéploiement des forces de défense à travers l’armée reconstituée dans l’ensemble des régions du Nord.
Ces aspects constituent aujourd’hui une question de survie. Les menaces qui planent aujourd’hui sur le territoire, l’insécurité qui s’agrandit, l’influence des groupes extrémistes sur l’accord. Tout cela constitue un danger dont nous devons prendre conscience.»
Selon son porte-parole, la CMA s’inscrit dans la mise en œuvre de l’accord. «Nous nous inscrivons dans la mise en œuvre de l’accord. Nous faisons tout pour que ça avance. Et c’est la raison pour laquelle nous n’accepterons absolument pas qu’une partie signataire se donne le luxe d’opérer ou de poser des actes ou décisions unilatérales sans concertation avec les autres parties.
Nous n’acceptons pas non plus que l’accord soit un outil politique pour qui que ce soit. Et c’est pourquoi, dans notre déclaration, nous avons demandé une réunion d’urgence pour plusieurs raisons. Mais la raison fondamentale de la réunion d’urgence, c’est de repenser et rediscuter clairement et rapidement la gouvernance de l’accord», tonne Mossa Ag Attaher.
Moumouni Sacko
Source : Nouvvelle Libération