Au Mali, au lendemain de la validation des termes de référence du dialogue national inclusif, deux acteurs importants du processus, le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD) et la Coordination des Mouvements de l’Azawad(CMA), ont suspendu leur participation aux travaux. Ils viennent ainsi grossir le rang des contestataires de ce rendez-vous qui a pour objectif, selon les autorités maliennes, « d’établir un diagnostic rigoureux des problèmes auxquels le Mali est confronté. »
Que vaut un dialogue sans une frange importante de la classe politique, une partie de la société civile et les ex rebelles ? Les personnalités chargées de conduire le processus du dialogue national (le Pr Baba Akhib HAIDARA, Médiateur de la République ; Ousmane Issoufi MAIGA, ex Premier ministre et Aminata Dramane TRAORE, ex ministre et l’Ambassadeur Cheick Sidi Diarra du Comité d’organisation pour la préparation matérielle et scientifique du dialogue politique) peinent, pour l’instant, à fédérer tout le monde autour du projet.
Les autorités maliennes ont beau insister sur le caractère inclusif du dialogue national, pour l’instant, les écueils restent nombreux. La mayonnaise a du mal à prendre. Parmi les écueils, il y a la défection de la Coordination des Mouvements de l’Azawad(CMA), le mouvement des ex rebelles. « La CMA suspend sa participation aux travaux sur le Dialogue National Inclusif suite aux propos du Président de la République qui officialisent la possibilité de rediscuter de certaines dispositions de l’accord pour la paix », a tweeté, le mardi 24 septembre dernier, Mossa Ag Attaher, le porte parole de l’ex rébellion.
En effet, le président malien, dans son adresse à la nation lors de la célébration du 59ème anniversaire de l’accession du Mali à l’indépendance, n’exclut pas une relecture de certaines dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger. A l’occasion, le président a réaffirmé « l’attachement du gouvernement malien à cet accord, quitte à en discuter certaines dispositions, l’essentiel étant d’en conserver l’esprit ».
Le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), le principal regroupement de l’opposition et dirigé par Soumaïla Cissé, a décidé, le samedi 21 septembre dernier, de ne pas participer au dialogue national inclusif. La décision a été prise suite à la non-prise en compte des propositions du FSD pour la réussite du Dialogue national inclusif par l’atelier de validation des Termes de référence tenus du 14 au 16 septembre dernier.
Pour la réussite du dialogue national, le FSD avait soumis plusieurs propositions à l’atelier de validation des Termes de référence. Ces propositions sont, entre autres , revenir au concept de Dialogue national inclusif ; évaluer l’utilité de tous les participants et allier l’inclusivité à la représentativité paritaire, tant de la majorité, de l’opposition que de la société civile, en évitant la surreprésentation de l’État qui devrait se limiter strictement à la facilitation logistique, sécuritaire et budgétaire; préciser à l’avance le processus décisionnel qui devrait être sanctionné par une majorité qualifiée des trois quarts (3/4), à défaut de consensus sur un point donné; débattre sur les raisons des retards et blocages de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger et, le cas échéant, envisager sa relecture ; apprécier l’opportunité et la pertinence de la révision constitutionnelle en ce moment en raison, entre autres, de l’absence de l’État à Kidal et dans bien des localités du centre et du nord, de la persistance voire l’aggravation de l’insécurité ; et de la nécessaire mise en place des règles et mécanismes permettant la transparence des consultations électorales ou référendaires.
Le FSD a également voulu que soit affirmé clairement le caractère exécutoire et contraignant des résolutions adoptées; mettre en place le mécanisme d’un Comité de suivi indépendant et participatif. «Nous sommes au regret de constater que nos espoirs d’un véritable « Dialogue national inclusif », franc, sincère, démocratique et participatif, s’amenuisent de jour en jour, alors que notre Nation recherche, au travers de cet exercice, une ultime opportunité de faire le point de la crise multidimensionnelle, et de définir les fondements d’un Mali nouveau », a indiqué Soumaïla Cissé.
« Dialogue administré »
Le 12 septembre, à la veille de l’atelier de validation des termes de référence du dialogue national, la plateforme Anw Ko Mali Dron (AKMD) composée de plusieurs partis politiques et organisations de la société civile dont l’Adema Association, les Fare-Anka Wuli… a décidé de ne pas participer à l’atelier afin de ne pas cautionner le lancement d’un « dialogue politique inclusif » administré.
Bien avant, des partis politiques ou regroupement de partis politiques ont suspendu leur participation aux travaux d’organisation du dialogue politique inclusif. Parmi eux, on peut citer la CNAS-Faso Hèrè (Convention Nationale pour une Afrique Solidaire), dirigée par l’ancien Premier ministre du Mali, Soumana Sako, la Coalition des forces patriotiques (COFOP), pilotée par Dr Abdoulaye Amadou Sy.
Selon le parti de Soumana Sako, le dialogue politique inclusif n’a pour seule motivation et finalité que de chercher les voies et moyens d’une « légitimation » de l’Accord d’Alger. En outre, la CNAS de Soumana Sako précise que le dialogue politique inclusif est aussi un cheval de Troie pour faire entériner le projet de « révision constitutionnelle ».
Selon le parti CNAS FH, le dialogue politique inclusif ne saurait être autre chose que de la poudre aux yeux. « Au regard de tout ce qui précède, le Bureau Politique National du Parti de l’Avant-garde militante et révolutionnaire du Peuple malien décide de ne pas participer au soit disant ‘’dialogue national inclusif/dialogue politique et social inclusif », indique la CNAS dans un communiqué de presse en date du 5 juillet 2019.
Dans une correspondance adressée, le 20 août 2019 au Premier du ministre du Mali, la Coalition des forces patriotiques (COFOP) qui anime l’opposition politique dit avoir suspendu sa participation aux travaux d’organisation du Dialogue Politique Inclusif. La COFOP, pilotée par Dr Abdoulaye Amadou Sy, critique la méthode utilisée, à savoir le placement de l’organisation du Dialogue Politique Inclusif sous l’autorité des Départements ministériels. « Pour notre part cette manière de faire nous conduira directement au mur. Car l’Exécutif n’est pas concepteur de l’objet du Dialogue Politique Inclusif que nous attendons. Aux vues de la COFOP les décisions issues du Dialogue Politique Inclusif sont plutôt ; sous l’autorité du Président de la République, à mettre infailliblement en œuvre par les Départements ministériels. L’Exécutif ne peut donc pas être juge et partie dans l’élaboration et la mise en œuvre des TDR (Termes de référence) relatifs à l’organisation du Dialogue Politique Inclusif que nous attendons. Aussi, compte tenu de la situation qui prévaut, sommes-nous au regret de porter à votre connaissance que la Coalition des Forces Patriotiques (COFOP) suspend sa participation aux travaux d’organisation du Dialogue Politique Inclusif tels qu’ils sont conçus maintenant », a souligné Dr Abdoulaye Amadou Sy au nom de la conférence des présidents de la COFOP.
Madiassa Kaba Diakité