Commandant d’Al Mourabitoune, Mohamed Ould Nouini s’est révélé comme le planificateur des attentats qui ont ciblé les capitales de la sous région au nom d’Aqmi et avait d’autres comme Dakar dans son viseur.
Le 15 janvier 2016, Ouagadougou est frappée par le terrorisme. Les restaurants Taxi Brousse, Cappuccino et l’Hotel Splendid sont pris d’assaut par trois jihadistes. L’assaut se soldera par la mort de 30 personnes. Aqmi revendique l’attaque et diffuse la photo des assaillants. Le 13 mars, le groupe jihadiste récidive. Cette fois-ci, c’est la Côte d’ivoire qui est attaquée de plein fouet. Le bilan fait état de 19 victimes. Aqmi revendique l’attaque qu’il avoue avoir commise en relation avec la katiba Al Mourabitoune. Comme pour celle de Ouagadougou, L’identité des membres du commando composé de trois jihadistes est divulguée par Al-Andalus, la branche médiatique d’Aqmi.
L’enquête amorcée en Côte d’Ivoire et qui se prolongera dans au moins trois autres pays de la sous région, à savoir le Burkina Faso, le Mali et le Sénégal permettra de mettre la main sur 38 individus dont de hauts placés dans la chaine de commandement. Ainsi, Mimi Ould Baba Ould Cheikh qui est considéré comme le coordonnateur des deux attaques est arrêté le 12 janvier 2017 au Mali par les forces françaises. Il en sera de même pour le logisticien, Ibrahima Ould Mohamed. Mais quid de l’instigateur, l’homme par qui tout est arrivé ?
De l’audition de Mimi Ould Baba Ould Cheikh, il est ressorti que Mouhamed Ould Nouini est l’inspirateur des attaques terroristes de Ouagadougou et de Grand Bassam, en Côte d’Ivoire. Cet arabe malien a trimé pour se retrouver au sommet de la pyramide.
Du commerce au Jihad
De berger dans son Tabankort natal, à 205 kilomètres de Gao, dans le nord du Mali, Mohamed Ould Nouini passera par les petits commerces et s’essayera dans la foulée au commerce de cigarettes entre le Mali et l’Algérie.
Selon nos sources établies dans le nord du Mali, l’homme a aussi pris part à des combats mettant aux prises sa tribu, les Lemhars aux Kounta. C’était dans la période 1998-2000. De même, des informations prétendent qu’il a trempé dans le trafic de drogue et d’armes qui a cours dans le nord du Mali.
Il aurait fait son entrée dans la galaxie jihadiste vers 2007 sous l’influence de son cousin Abderrahmane Ould El Amar dit Ahmed Al Tilemsi. Mais le journaliste et écrivain Mauritanien Lemine Ould M. Salem semble soutenir le contraire dans un entretien avec RFI en date du 11 décembre 2014. Lemine Ould M. Salem qui répondait aux questions de David Thomson, disait qu’Al Tilemsi n’était pas connu dans le milieu jihadiste avant 2012, c’est à dire au début de la guerre du Mali. Avant cette période critique de ce pays frontalier du Sénégal, Abderahmane Ould Amar aka Ahmed al Tilemsi s’était illustré dans le trafic de drogue avant de basculer dans le jihad non pas par conviction mais pour protéger son business et surtout pour solder ses comptes avec les Kounta avec qui, sa tribu a eu maille à partir dans les années 2000. C’est probablement le même chemin que son cousin et beau frère Ould Nouini a emprunté.
Ainsi, sous l’aile de l’homme avec qui Mokhtar Belmokhtar a fondé Al Mourabitoune en 2013, il tisse doucement mais sûrement sa toile de chef jihadiste dans le septentrion malien jusqu’au jour où son cousin est tué par l’armée française dans son fief de Tabankort. Mohamed Ould Nouini connu sous son surnom Hassan al Ançari peut dès lors s’affirmer. En l’absence de Belmokhtar dont le sort est plus qu’incertain, il a été plusieurs fois annoncé mort après des raids menés en Libye par la France ou les États-Unis, Ould Nouini prend sa place. Il devient de facto le chef d’Almourabitoune au Mali. Il est tellement important qu’il ne pouvait manquer l’annonce de la naissance de Jama’a nusrat al islam wal mouslimin (groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans). Certaines sources le considéraient comme la troisième personnalité de cette fédération des organisations jihadistes affiliée à Aqmi et dont le commandant en chef n’est personne d’autre que le touareg malien Iyad Ag Ghali. Avait-il donné assez de gages pour occuper ce rang ? Les attaques dans les capitales burkinabè et ivoirienne semblaient suffisantes pour faire de lui le chargé des attaques extérieures du groupe. Qui plus est, il a inscrit le Sénégal dans son tableau de chasse et aurait planifié des attaques visant l’un des rares pays de la région sahélienne ayant déjoué jusqu’à ce jour les plans des jihadistes.
Le Sénégal dans le collimateur d’Ould Nouini
Des informations récemment rendues publiques par le quotidien Libération ont prouvé que le Sénégal a peut être été préféré à la Côte d’Ivoire suite à la décision des chefs jihadistes. Quels chefs ? Les enquêteurs sénégalais n’ont pas avancé de nom mais tout porte à croire que c’est Ould Nouini, sans doute mandaté par ses supérieurs, qui a choisi le pays qui devait être “puni”.
Devant les enquêteurs burkinabé qui se sont transportés au Mali pour l’entendre, Mimi Ould Baba Ould Cheikh a reconnu que Ould Nouini lui a promis une prime de 10 millions de francs Cfa pour organiser les attaques du 15 janvier de l’année 2016.
Les arrestations menées au Sénégal suite aux attaques de Grand Bassam ont révélé que le même Mimi Ould Baba Ould Cheikh était en contact avec Mohamed Lemdessene, un arabe malien établi sous nos tropiques grâce à deux numéros de téléphone. Aussi l’enquête aura révélé qu’il a reçu au Sénégal un nommé Selkou présenté comme l’un des organisateurs des attentats suite à la demande de Mimi Ould Baba Ould Cheikh.
Outre Mohamed Lemdessene dont la vraie identité est Erhil Adébé, un autre arabe malien du nom d’El Atigh Ahmed Mahmoud échangeait au téléphone avec le nommé Hamza Ben Mohamed lui aussi cité dans les attaques de Radisson Blu, du Cappucino et de Grand Bassam. Ce même Hamza Ben Mohamed est entré clandestinement au Sénégal. Selon l’enquête de la section de recherches, il est reparti le 04 mars, c’est à dire 09 jours avant l’assaut de Grand Bassam. Une coïncidence troublante qui fait dire aux gendarmes que le Sénégal l’a échappé belle au détriment de la Côte d’Ivoire. Leur plan et leurs connexions avec Mohamed Ould Nouini découverts, Mohamed Lemdessene, El Atigh Mouhamed et Béchir Moustapha Amar sont arrêtés et attendent d’être édifiés sur leur sort par la justice sénégalaise.
Mais cet échec ne semble pas avoir dissuadé les jihadistes qui ont activé un autre réseau pour parvenir à leurs fins. La suite des évènements le démontrera. En février 2017, la police sénégalaise, suite à un travail de filature de plusieurs semaines, a procédé à l’arrestation de deux arabes maliens. Ould Sidi Mohamed Sina et son compatriote Sidalamine Ould Ile Ame tombent dans les filets de la police judiciaire. La descente au domicile du premier nommé sera fructueuse puisque les policiers ont trouvé sur place 4 téléphones portables, des documents dont un passeport malien, la confirmation d’une réservation d’hôtel au Radisson Blu en date du 7 février 2017 au nom du ressortissant Libyan Nabil Abdallah Misbah Alsenini, une décharge manuscrite datée du 23 janvier 2017 rédigé à Dakar et par laquelle l’auteur reconnaît avoir reçu du nommé Boubacar Niangadou la somme de 20 millions de FCfa en espèces et un chèque numéro 4244377 Diamond Bank de 27 millions de Fcfa. En sus, la Division des investigations criminelles (DIC) découvre que Ould Sidi Mohamed Sina, arrivé à Dakar le 29 décembre 2016, louait un magasin à Pikine pour une durée indéterminée à raison de 1,2 million par mois et ne l’a jamais pourtant utilisé. Il est aussi établi, selon Libération, que le même quidam avait des liens avec Kountah Dallah, recherché par les services de renseignements des pays du Sahel pour le rôle central qu’il aurait joué dans les attaques de Grand Bassam. Assez d’éléments pour que les deux arabes maliens et le troisième larron, Boubacar Niangadou soient placés en détention préventive pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Ils feront incessamment face à un juge d’instruction avant d’être renvoyés devant la chambre criminelle spéciale. Un sort que ne connaitra pas Ould Nouini pour le compte de qui ils sont soupçonnés d’agir. Le commandant d’Al Mourabitoune a été éliminé par Barkhane le 14 février 2018 dans la région d’In-Aralouas, non loin de la frontière avec l’Algérie.
Barkhane à l’assaut de l’aile extérieure d’Al Mourabitoune
Cette opération qui s’est élargie aux régions de Boughessa et de Tin Zaouatène a permis de neutraliser plusieurs autres commandants du GSIM. Barkhane qui a pris le relais de Serval dans la guerre que la France mène contre les jihadistes semble avoir fait de l’élimination des commandants d’Al Mourabitoune une priorité et pour cause. Toutes les grandes attaques qui ont visé les capitales de la sous région portent la signature des “Almoravides”. La France est convaincue que ces attaques extérieures ciblent en priorité ses ressortissants installés ou de passage dans les pays du Sahel.
Dans la nuit du 29 juillet 2018, les forces françaises de l’opération Barkhane ont mené une opération militaire dans la vallée de Tilemsi, plus précisément dans la région d’Ersane, près de Tabankort. L’information est signée menastream.com .
L’Opération qui visait Himama Ould Lekhweir était à deux pas de réussir. Autant dire que le chef jihadiste qui revêt l’habit du successeur légitime de Ould Nouini à la tête d’Al Mourabitoune s’est échappé in extremis.
Hamza al Ançari, de son nom de guerre, aurait été visé en raison de sa supposée implication dans l’offensive jihadiste du 2 mars 2018 contre l’Ambassade de France à Ouagadougou et l’Etat major des forces armées burkinabè. Le groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM) a affirmé avoir mené cette double attaque en représailles à l’opération ayant coûté la vie à Ould Nouini.
Arabe issu de la tribu des Lamhar, Himama Ould Lekhweir a côtoyé Ahmed Al Tilemsi, Mohamed Ould Nouini et…Mokhtar Belmokhtar, renseigne le chercheur Sidy Kounta. Son compagnonnage avec ces trois hommes qui se sont fait connaitre dans la sphère jihadiste sahélienne aurait fait de lui un chef de guerre redoutable et un stratège qui doit être pris au sérieux par les pays de la sous-région, touchés ou pas par le terrorisme.
Dakaractu