J-3 avant le premier tour de la présidentielle au Mali, le 28 juillet. Parmi les candidats : Modibo Sidibé, 60 ans. Cet ancien officier de police le plus diplômé du pays a été successivement le directeur de cabinet et, de 2007 à 2011, le Premier ministre du président Amadou Toumani Touré. Aujourd’hui, il se présente sous les couleurs de la Convergence pour un nouveau pôle politique.
RFI : Beaucoup de gens au Mali veulent la rupture avec le passé et le système ATT. Est-ce que vous, au contraire, n’incarnez pas la continuité ?
Modibo Sidibé : Je ne sais pas ce que vous appelez continuité. Pour ma part, une candidature a été sollicitée par beaucoup de personnes sur la base de ce que je pouvais avoir accumulé comme expériences, comme compétences. Je dis, les Maliens aujourd’hui veulent surtout pouvoir aller de l’avant. C’est pour cela que dans notre proposition, je crois que ça fait la différence, nous avons un projet à long terme : « Mali Horizon 2030 ».
Il y a un peu plus d’un an, juste avant le putsch, vous avez salué une « leçon de démocratie vivante » donnée par le président ATT. Aujourd’hui avec le recul, est-ce que vous ne regrettez pas de tels propos ?
Pourquoi regretter de tels propos ? Le Mali n’était-il pas une démocratie ? Le Mali n’a-t-il pas connu des alternances pacifiques ? Il y a trop de bébés qu’on veut jeter avec l’eau du bain. Cela ne veut pas dire que tout a été bien, il y a eu des insuffisances, mais il y a eu d’énormes progrès aussi.
Mais le Mali n’était-il pas corrompu au point que même l’argent de la lutte anti-sida était détourné ?
Vous faites une erreur. Je ne me permets pas de dire que le Mali était corrompu. Des centaines de milliers, de millions de Maliens sont honnêtes et font leur travail. Vous avez vu comment ça a tourné cette histoire du Fonds mondial. J’imagine qu’on n’était pas le seul pays qui était concerné.
Oui, mais c’est un scandale ce détournement d’argent contre le sida ?
Tout détournement d’argent est un scandale. Tout détournement.
Mais plus encore quand il s’agit d’argent pour soigner les malades du sida ?
Vous y ajoutez le côté humain, mais tout détournement est un scandale. Je crois qu’il faut être mesuré. Personne ne peut dire qu’il n’y avait pas de corruption. Personne ne peut dire aussi que le Mali était un pays corrompu.
Aujourd’hui, vous dites que les Maliens ont besoin d’un second souffle, mais avec quel oxygène ?
L’oxygène de l’espérance avec notre Etat, avec des capacités économiques rénovées.
Donc d’abord la refondation de l’Etat ?
J’ai dit que l’axe majeur est central. C’est l’impérieuse nécessité d’avoir un Etat fort, un Etat juste. C’est la dorsale de tout. Mais ce travail ne peut pas être fait isolément. Au fur et à mesure que cela se fait, – le travail infrastructurel également (économique, éducatif, sanitaire) -, cela s’accompagne. Aujourd’hui, je propose de passer à une autre génération de centres de santé communautaires parce que ça a été une réussite. L’initiative pour le riz dont on parle tant et que l’on a continuée, c’est une opération juste, une opération pertinente. Et les paysans, les riziculteurs et les autres l’ont ressenti comme telle parce que elle a été étendue à des produits comme le coton, le maïs, etc… Donc les capacités humaines, il faut les renforcer. Et ça nous allons y travailler avec un système éducatif rénové.
S’il y a un deuxième tour, avec qui pourriez-vous faire alliance ?
Vous savez déjà que nous avons signé une alliance dans le cadre du FDR [Front pour la sauvegarde de la démocratie et la République, ndlr]. Tous ceux qui sont partie prenante sur le créneau de la démocratie, nous ferons un chemin avec eux.
Cela veut dire que s’il y a deuxième tour, quel que soit le candidat FDR qui passe, vous ferez plus facilement alliance avec un Soumaila Cissé ou un Dramane Dembélé qu’avec un Ibrahim Boubacar Keïta, dit IBK ?
Mais ce n’est pas nouveau. Je vous ai dit qu’on a signé un accord. Et cet accord lie tous les partis du FDR, notamment l’Adéma [Alliance pour la démocratie au Mali] et l’URD [Union pour la République et la démocratie]. Donc quelle que soit la situation, si c’est l’un ou l’autre, nous sommes obligés d’aller dans le respect de cet accord.
Est-ce que vous craigniez la fraude ?
Tout le monde doit veiller à ce que le vote soit sincère, à ce qu’il n’y ait aucune influence de quelque nature que ce soit. De quels que groupes que ce soient.
Vous pensez aux militaires peut-être ?
(rires) Je vous ai dit qui que ce soit.
Par Christophe Boisbouvier
Source: RFI