La commune rurale de Djiguiya de Koloni est située dans l’arrondissement de Doussoudiana, cercle de Yanfolila, région de Bougouni. Elle est composée de douze (12) villages avec une population de dix- mille huit-cent-dix-neuf (10. 819) habitants. L’agriculture et l’élevage sont les activités dominantes des populations de Djiguiya de Koloni.
Selon le rapport sur la pauvreté multidimensionnelle des 703 communes du Mali (Octobre 2022) de l’Observatoire du développement humain durable et de la lutte contre la pauvreté (Odhd/Lcp), Djiguiya de Koloni est frappé par une pauvreté monétaire avec une malnutrition chronique élevée. Elle dispose des ressources forestières abondantes. Cette commune est dirigée, depuis quelques années, par une dynamique femme.
Mme Traoré Sétou Sangaré, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a fait ses premiers pas en politique au sein de la Copp à côté de Me Mamadou Gakou (Paix à son âme!). A l’époque, elle travaillait au Cabinet de ce célèbre avocat. Elle a soutenu en 1999 les candidats du parti aux élections communales sans porter le maillot de la compétition électorale. Le parti obtient quatre conseillers qui ont permis au candidat de l’Adema-Pasj d’accéder à la mairie.
«J’étais avec eux en toutes circonstances»
Par la suite, elle a milité au Mouvement citoyen, un vaste regroupement politique et associatif qui soutenait les idéaux et les actions du Président Amadou Toumani Touré. Sétou Sangaré, épouse Traoré, rejoint l’Adema-Pasj. «Je sais que je suis une grande militante et une grande mobilisatrice. Les femmes et les jeunes sont mes priorités. Je compte beaucoup sur eux parce que ce sont des couches défavorisées de la société», explique-t-elle. Avant d’accéder à une quelconque fonction politique, elle s’est montrée disponible et toujours prête pour la cause collective. Elle n’a jamais coupé le pont avec sa terre natale. «J’étais avec eux en toute circonstance».
A la question de savoir comment elle a eu l’idée de devenir maire, l’édile lance : «Depuis l’avènement de la démocratie, j’étais dans la politique d’abord aux côtés Me Gakou, mais je ne me présentais pas. En 2016, je me suis dit : “cette fois-ci, je vais me présenter et figurer parmi les trois premiers. Dieu faisant bien les choses, j’étais tête de liste de l’Adema-Pasj. Mais on a fait alliance avec le parti Fare. On avait un jeune à Bamako très influent qui aidait beaucoup la commune. On m’a demandé de lui laisser la tête de liste. C’est sur cette base qu’on a fait l’alliance. Lui est ainsi devenu maire et moi, la 1re adjointe. Malheureusement, il n’a pas eu une longue vie. Quand il est décédé, je lui ai succédé, parce qu’on était sur la même liste».
«Je rappelle que neût été l’alliance, je serais la tête de liste. Je ne me suis pas imposée. Ce sont les militants de l’Adema-Pasj qui m’ont proposée d’être tête de liste».
Mme Traoré Sétou Sangaré a toujours été motivée par l’idée de faire quelque chose pour sa commune, son cercle et son pays. Le bilan de mon équipe est positif, se rejouit-elle. Ainsi par rapport à l’accès à l’eau potable, elle cite la réalisation d’un point d’eau dans chaque village et le chef-lieu de la commune avec l’Usaid Anw ka dji ko, un grand partenaire de la collectivité. Malgré ses efforts, l’élue locale est à la recherche d’autres partenaires pour plus de points d’eau au profit des populations. La mairie est très avancée dans la négociation avec le projet «Dji Coura». «Si nous arrivons à avoir plus d’eau, les femmes pourraient faire beaucoup plus d’activités de maraîchage. Les femmes sont dynamiques et ont besoin d’accompagnement», plaide-t-elle.
Actions en faveur du développement communautaire mal comprises
Au compteur des réalisations de la mairie sous l’égide de Mme Traoré Sétou Sangaré figure le sur-creusement des marigots afin de retenir l’eau pour les animaux du village mais aussi ceux qui viennent en transhumance dans la commune. Ces propriétaires de bétails paient un prix forfaitaire à la Mairie. Ces actions en faveur du développement communautaire semblent mal comprises par certains habitants qui revendiquent un droit coutumier sur le marigot. Elle joue sur la sensibilisation et l’information pour apaiser ces incompréhensions.
«Nous avons eu la chance d’être aidés par le Programme de filets sociaux ‘’Jigisemejiri’’, un projet du gouvernement malien pour aider les couches démunies. Dans ce cadre, plus de deux-cents vingt-cinq (225) familles recevaient trente mille (30 000 F) tous les trois (3) mois et pendant trois (3) ans», a fait savoir Mme le maire. Elle cite aussi les dons en petits ruminants et en matériels de maraîchage (arrosoirs, brouettes, semences) de la Fao en collaboration avec Jigisemejiri. «Cela a permis de créer un réel engouement autour des activités de maraîchage. Si vous partez dans ma commune, vous allez trouver un petit périmètre maraîcher dans chaque famille».
Elle se réjouit de l’aménagement par l’Ong Mali Folkecenter d’un grand périmètre maraîcher de trois (3) hectares avec un château d’eau et des bassins de retenue d’eau. Elle évoque une insuffisance des batteries pour tirer l’eau afin d’alimenter les bassins. «Ils sont là-dessus et nous comptons beaucoup sur eux». Mali Folkecenter a aussi construit une petite unité de production de beurre de karité. «Les femmes qui fréquentent régulièrement cette unité surtout pendant la saison sèche produisent de beurre de karité de la bonne qualité. Cette production est achetée avec les femmes puis revendues à l’extérieur du pays. Cela marche très bien pour les femmes qui se sont regroupées en coopérative. Et nous souhaitons que ça s’étende dans toute la commune».
Elle cite l’aménagement de pistes rurales par le Projet d’appui à la compétitivité agro-industrielle (Pacam) pour faciliter le transport des mangues. Mme le maire rappelle que sa commune est arrivée première en production de mangues. Elle dispose d’une petite unité de transformation des noix d’acajou grâce à l’appui du Projet d’appui à la filière Anacarde du Mali (Pafam). «De nombreux jeunes ont fait des plantations d’anacardiers», avance-t-elle.
Transformer les écoles communautaires en écoles publiques.
«Le gouvernement nous aide beaucoup dans les domaines de l’éducation et de la santé avec des subventions». Mme Traoré Sétou Sangaré affiche ses ambitions de doter chaque village d’un centre de santé et de transformer les écoles communautaires en établissements publics. «Nous avons beaucoup d’écoles communautaires. Nous voulons transformer ces écoles communautaires en écoles publiques. L’école communautaire n’était pas mal, mais je crois qu’on doit former les enseignants de ces écoles. Il y en a beaucoup qui ont besoin de formation pour avoir plus de pédagogie». La commune, explique sa première responsable, a besoin d’une ambulance pour évacuer les malades.
Elle met aussi au cœur de ses préoccupations l’électrification et le lotissement. «On a vraiment besoin d’électricité». Selon elle, les premiers pas ont été posés dans le cadre de l’électrification avec un partenaire qui a déjà installé des poteaux et des installations électriques. Des difficultés de mobilisation des populations à faible revenu persistent, car la barre de 100 preneurs de compteurs exigés par le partenaire n’était encore atteinte. A l’en croire, l’électrification va avec le plan de lotissement.
Elle plaide auprès du gouvernement pour le bitumage de la route qui traverse sa commune et quatre (4) autres collectivités et mène aux frontières ivoirienne et guinéenne. Notre interlocutrice rappelle que les cinq communes qui partagent la voie, à savoir Djiguiyakoloni, Koussan, Gouana, Madinakouroulamini et Faradiélé se sont regroupées en association dénommée : ‘’Benkadi’’ pour faire des plaidoyers afin que la route soit prise en compte par le gouvernement. Elle rassure que les collectivités sont prêtes à contribuer au financement de ce projet de développement. «Nous sommes prêts à mettre la main dans la poche pour la réalisation du projet de bitumage».
La dotation de la commune d’un nouvel hôtel de ville figure en bonne place dans l’agenda de Mme le Maire. Elle salue l’établissement de plus de cent actes de naissance d’enfants avec le concours de l’Usaid et du département en charge de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille. Les familles démunies soutenues par «Jigisemejiri» bénéficiaient d’une prise en charge sanitaire gratuite dans le cadre du Régime médicale d’assistance de l’Agence nationale d’assistance médicale (Anam) dont une partie était à la charge de la mairie. Cette expérience s’est arrêtée, parce que le gouvernement ne rembourse pas à l’Asaco les frais liés à la prise en charge de ces indigents, regrette-t-elle.
A la question de savoir quelles difficultés rencontre-t-elle en tant que femme maire, elle répond sans ambages : «Ah ! Ça, il y en a». «A cause des stéréotypes, certains refusent de m’exposer leur problème. Ils se disent que je suis, en tant que femme, incapable de les résoudre. Surtout pour célébrer leur mariage. Selon eux, un mariage célébré par une femme ne dure pas. Quand j’en ai été informée , je me suis retirée et c’est l’officier de l’état civil qui célèbre les mariages et je signe les actes. J’interviens souvent avec la sollicitation de certains qui sont contents de ma façon de faire puisque je donne des conseils, dans une ambiance conviviale et tout le monde est content. Je lis les textes et je donne des conseils», raconte-t-elle.
Gestion efficace du foncier au niveau local.
La première responsable de l’exécutif communal évoque aussi certaines incompréhensions dans la gestion des fonds alloués à la Mairie avec des accusations non fondées véhiculées au sein de l’opinion. «Il y a des gens qui ne comprennent rien. Quand les droits de tirage viennent, ils se rassemblent pour dire que Mme le Maire a bouffé l’argent alors qu’ils n’ont rien compris. Nous ne voyons même pas l’argent. Nous constituons notre dossier d’appel offre. La personne qui gagne le marché travaille avec l’Anict et notre équipe. L’entrepreneur effectue les travaux…. Par exemple, nous avons eu un marché de 15 millions mais jusqu’à présent, on n’a pas eu un rond. C’était avec la région de Sikasso. On voulait faire des têtes de robinet à travers le village. Ils sont partis les rouler dans la farine: ah, Mme le maire et ses adjoints ont bouffé les 15 millions. Je ne savais pas ça. On nous a appelés en réunion. On est parti et ils ont posé le problème. Nous avons beaucoup ri. Nous leur avons expliqué que nous ne voyons même pas la couleur de l’argent et que c’est plutôt l’entrepreneur. Or cet argent n’est même pas venu jusqu’à présent. On ne sait pas si c’est bloqué à Sikasso ou si c’est le gouvernement qui ne l’a pas donné. Vraiment, on ne sait pas…..Ils ne savaient pas que l’argent ne venait pas à nous directement. Ils ont compris et ont présenté leurs excuses».
A Djiguiya de Koloni, selon la Maire, les problèmes fonciers gérés par le 2è adjoint sont très nombreux : «on est toujours tombé d’accord pour ne pas aller à la justice ou à la gendarmerie», se réjouit Mme le maire. Elle n’a pas passé sous silence les difficultés dans le recouvrement des taxes au niveau de la commune. Selon elle, il y a des efforts à faire pour convaincre une frange de la population à s’acquitter de la taxe de développement local, qui constitue la principale ressource de la commune. Mme Traoré Sétou Sangaré se désole de certaines réticences notamment ceux qui viennent extraire le sable dans sa collectivité sans donner un franc à la mairie. «Une fois, raconte-t-elle, j’ai envoyé mon régisseur de recettes vers les camions-bennes. Il y a quelqu’un qui a failli renverser mon régisseur. Dès lors, on a décidé de surseoir à cette mesure en attendant de prendre d’autres décisions. On va aller sur de nouvelles bases. On est tombé d’accord sur quelque chose mais tout est bloqué d’abord ». Elle souligne un problème de personnel au niveau de la Mairie. L’élue locale note avec regret une certaine résistance au projet d’aménagement des étangs de poissons au niveau de marigots, considérés par certains habitants comme leur héritage. La mise en valeur de ces étangs de poissons est au bénéfice des populations, souligne-t-elle.
L’insécurité est une préoccupation dans la commune où le poste de douanes a été attaqué un moment avec des hommes armés. Certains ont été abattus par des chasseurs.
«Ma commune est citée dans la recherche de diamant».
Au sein de la mairie, elle déclare entretenir d’excellentes relations avec le personnel ainsi que ses adjoints. «Il n’y a pas de problèmes entre nous. Tout marche à merveille», dit-elle. L’édile est d’avis que la décentralisation est une bonne initiative dans le cadre du processus de développement du pays. Elle évoque toutefois certaines de ses failles, notamment les lenteurs dans le processus de transfert des compétences et des ressources financières, mais aussi le manque de fonds au niveau des communes rurales. Lesquelles, selon elle, sont mal logées comparativement aux communes urbaines qui bénéficient de plusieurs taxes. Elle note ces dernières années une nette diminution des fonds alloués à sa commune. «À cause du manque de ressources, nous avons souvent du mal à payer nos agents. Ma commune est pauvre. Je veux dire qu’elle est la plus pauvre des 12 communes du cercle. On a des problèmes… », fulmine-t-elle. La maire de la commune de Djiguiya de Koloni fonde beaucoup d’espoir sur les recherches minières en cours dans la commune. «Ils sont en train de créer une petite mine. Ils sont à la phase de prospection. J’ai espoir que ça va aboutir». Elle va loin en déclarant : «Ma commune est citée dans la recherche de diamant».
L’élue locale ne perd pas l’espoir et plaide pour une protection des maires dans l’exercice de leurs fonctions. «J’espère qu’on va donner plus de pouvoirs et de prérogatives aux maires pour de gérer certains de leurs problèmes…. Avec l’AES, si ça réussit, tout va changer. Le début de toute chose est difficile mais avec le temps et la patience, tout ira bien ».
«Mon époux est indulgent»
Maire, mère et grand-mère, elle concilie sa vie de ménage et ses activités politiques et administratives. Mme Traoré salue l’esprit d’ouverture et de compréhension de son époux qui n’a jamais posé d’entraves à ses activités politiques. «Je remercie sincèrement mon époux de m’avoir laissée libre de mes mouvements. Il est beaucoup indulgent et me laisse participer aux réunions. Très sensible à la situation des femmes, il a inscrit ses filles à l’école, qui travaillent toutes aujourd’hui».
Toutefois, elle reconnaît avec de rires que le début n’était pas facile. «Au début, ce n’était pas facile. Une fois, il a fermé la porte (elle éclate de rires), car j’étais partie à une réunion et je suis rentrée très tard. Mais il y a longtemps de cela. Cela fait plusieurs années… Je crois qu’il a confiance en moi. La compréhension est là », confesse la Maire de la commune rurale de Djiguiya de Koloni.
Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger