Le vieux sage nous fait cette bénédiction «Puisse Dieu face que personne ne regrette son passé !», avec la situation actuelle de notre pays, nous avons plus que besoin de cette prière.
La chute du régime corrompu d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), le 18 août 2020 par un groupe de militaires avec la bénédiction du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) avait suscité un grand espoir au sein de la population malienne, l’espoir d’un changement radical, d’une rupture totale avec les pratiques anciennes en cours, depuis l’avènement de la démocratie, en 1991.
Le souhait pour des millions de Maliens de ne voir des pratiques telles que la corruption, la gabegie, le favoritisme, la dilapidation de nos maigres ressources pour ne citer que ceux-ci, que des pratiques appartenant désormais au passé. C’était sans compter sur la réelle volonté des militaires d’usurper la victoire du peuple.
Nous parlons ainsi d’usurpation de la victoire du peuple. Nul n’ignore que si les militaires ont eu le courage de faire irruption sur la scène politique pour mettre fin au régime du pouvoir d’Ibrahim Boubacar Kéita, que c’est parce que le régime était déjà à l’agonie suite aux pressions exercées par le peuple regroupé au sein de ce vaste mouvement appelé Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP).
Toutefois, l’arrivée des militaires a été saluée par l’ensemble de la population et ces mêmes militaires ont été accueillis par le M5-RFP en liesse à la mythique place de l’Indépendance. Cependant, si les premières déclarations allaient dans le sens d’une collaboration entre le Mouvement du 5 juin et les militaires regroupés au sein du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) parce qu’ils targuaient partout d’être venus parachever le travail abattu par le mouvement, de part leur acte, chaque jour le voile se lève petit à petit sur leur vraie intention. Du choix du président de la transition à celui des membres du Conseil National de transition (CNT) en passant celui du Premier ministre sans consultation aucune, écartant du coup tous les leaders de la contestation et à ceux-ci viennent s’ajouter les nominations abusives des militaires en remplacement des administrateurs civils dans plusieurs localités du pays, tout porte à croire que ces militaires n’ont pas pris le pouvoir pour le rendre au terme de dix huit (18) mois.
Depuis quand un seul individu s’assoit et choisit, selon sa volonté, les membres d’un conseil qui est censé accomplir les fonctions de l’Assemblée nationale d’un pays qui se dit démocratique ? D’où vient la légitimité d’une telle nomination ? Peut-on bâtir un pays en violation de ses propres lois?
Et pourtant, la junte se plait à outre passer la Charte qui régit la transition, piétine les décrets qui déterminent la composition et la clé de répartition des membres du CNT au su et aux yeux de tous, tout le monde regarde sans rougir, est- ce par peur et pour se préserver un intérêt personnel? Tout sauf que c’est par devoir envers le Mali, car quand on aime son pays on préfère mourir que de laisser un précédant fâcheux qui compromettrait tôt ou tard son développement. On ne peut faire un pays dans le mensonge ou dans des compromissions.
Aujourd’hui, ça m’enrage, je ne dis rien mais et demain? Ces hommes et ces femmes, conscients que leur choix a été fait en violation de la Charte de la transition, du décret portant sur la composition et la clé de répartition du Conseil national de transition, doivent être les premiers à s’opposer à cette forfaiture si c’est pour matérialiser cet idéal de changement tant espéré par des millions de Maliens. Parce-que s’il est vrai que le décret stipule que ce sont les groupements ou des corporations qui doivent désigner leur représentant, un représentant d’un groupement ou d’une corporation est choisi par le groupement ou corporation lui-même mais pas par une tierce personne en leur nom. Ça c’est le bon sens qui nous l’enseigne.
En acceptant d’y siéger, ils se rendent inéluctablement complices de ces forfaitures causées par la junte. Ils encouragent de ce fait l’instauration d’une dictature militaire déguisée. Si nos égoïsmes, nos rivalités interpersonnelles, nos calculs d’intérêt prenant le dessus sur notre sens de l’objectivité et de responsabilité, nous conduit à tout permettre à une junte qui ne cherche en réalité qu’à asseoir son autorité, il va de soi que nous contribuerons à la destruction du peu qui reste de notre démocratie si chèrement acquise.
Nous sommes tous comptables devant l’histoire et devant notre peuple, de ce fait nous ne devons manquer de courage de nous assumer pour barrer la route à toute tentative de retour à des pratiques propres à une autre époque. Le nouveau Mali tend espéré par des millions de Maliens et pour lequel ils ont perdu des vies ne saurait se construire ni dans le non respect de nos textes fondamentaux ni dans des compromissions.
Le sang des martyrs des 10, 11 et12 juillet 2020 doit nous hanter à chaque instant et servir de catalyseur dans tout ce que nous poserons comme acte. Nous n’avons plus droit à l’erreur. Aucune menace, aucun calcul d’intérêt ni aucun sentiment égoïste ne doit nous dérouter de cette mission à laquelle nous ont investi les victimes de la répression de ces journées folles des 10, 11 et 12 juillet 2020.
Nous devons être conséquents et cohérents envers nous- mêmes, être à même de nous regarder et de nous dire la vérité pour que le nouveau Mali puisse avoir le jour au grand bonheur de tous les Maliens et pour le paisible repos de ceux-là qui ont perdu leur vie.
Daouda DOUMBIA
Source : L’ Inter De Bamako