L’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (Oclei) et la Cour Suprême viennent de sceller un accord de collaboration dans le but de la sécurisation des déclarations de biens. Il s’agira désormais de doter les deux structures de véritables chambres-fortes pour réceptionner, archiver, surveiller, numériser et traiter les déclarations de biens. Le président de la Cour Suprême, Nouhoum Tapily, et le président de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite, Moumouni Guindo, ont mis l’accent sur la confidentialité des déclarations de biens. Ainsi, la Cour Suprême mettra à disposition une salle et un agent chargé de la réception et de la conservation des déclarations de biens. Elle donnera un avis sur toutes questions liées à l’interprétation de la loi portant prévention et répression de l’enrichissement illicite. Et l’Office central mettra à disposition de la Cour Suprême les moyens techniques, matériels et logistiques pour assurer la sécurité des données recueillies.
Aujourd’hui, l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (Oclei) est appelé à travailler avec la Cour Suprême dans le cadre de la sécurisation des déclarations de biens des personnalités assujetties à cette formalité. C’est dans ce cadre que les deux structures ont procédé, le mardi dernier, à la signature d’un cadre de collaboration. Cette signature a fait l’objet d’une cérémonie très modeste, mais pleine de signification, dans la salle de conférence de la Cour Suprême, en présence de trois membres du gouvernement. En plus du ministre de la Réforme de l’Administration et de la Transparence de la vie publique, Safia Bolly, on notait aussi la présence de Tièna Coulibaly, ministre en charge de la Justice, des Droits de l’Homme et Garde des Sceaux et son homologue de l’Economie Numérique et de la Communication, Arouna Modibo Touré.
Etaient également au rendez-vous, les responsables des autorités administratives indépendantes, le représentant du Fonds monétaire international (FMI) au Mali ainsi que les membres de la Cour Suprême.
C’est devant tout ce beau monde que le président de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite, Moumouni Guindo, a pris la parole pour rappeler que : “la préservation du bien public et la sauvegarde de l’intérêt général ont commandé aux nations la mise en place de divers mécanismes de transparence, notamment dans le cadre d’instruments juridiques internationaux comme la Convention des Nations Unies et celle de l’Union Africaine contre la corruption. Au titre des mesures préventives, ces instruments internationaux, tout comme la directrice de l’Uemoa sur la transparence de la gestion des finances publiques, instituent la déclaration de biens à la charge des personnalités honorées du choix de la Nation pour exercer de hautes fonctions ou de fonctions de maniement des deniers publics. C’est dans ce cadre que se situent les dispositions constitutionnelles, législatives et règlementaires édictées au Mali depuis 1992 pour promouvoir l’éthique et la transparence à travers la déclaration de biens”.
L’Oclei, bras séculier de la Cour Suprême
La Cour Suprême, selon le président de l’Oclei, est l’épicentre de ce mécanisme en tant qu’elle est destinataire et dépositaire des déclarations de biens. Entre autres acteurs, dira-t-il, la loi a chargé l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite du traitement et de l’exploitation de ces documents à toutes fins utiles. “Vous avez pu, à cet égard, dire, à juste titre que l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite est le bras séculier de la Cour Suprême” précisera-t-il.
Pour un fonctionnement harmonieux et efficace des organes, organismes et processus qu’implique cette articulation, selon Moumouni Guindo, l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite a effectué, en 2017, avec la Cour Suprême et l’Autorité de protection des données à caractère personnel, des voyages d’études pour découvrir, comprendre et s’approprier les mesures prises dans d’autres pays pour recevoir, conserver, traiter et exploiter les déclarations de biens tout en conjuguant judicieusement l’intérêt général avec les intérêts particuliers. “C’est à l’issue de ces partages d’expérience que nous avons, ensemble, décidé de la mise en place de dispositifs sécurisés pour la gestion des déclarations de biens”, a rappelé le président de l’Office central. Avant de préciser que : “La sécurité et la confidentialité sont les maitres-mots, aux termes mêmes de la loi qui, en maintes dispositions, insiste sur l’impérieux besoin de préserver la confidentialité et le secret des données issues des déclarations de biens. Tel est, notamment, le sens de la prestation de serment déjà effectué par les membres de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite et celle, à venir, des personnels qui auront accès au contenu des déclarations de biens. Mais, au-delà des dispositions juridiques, il faut mettre en place des dispositifs matériels concrets pour renforcer la sécurité des déclarations de biens. Il faut également prendre des mesures de protection numérique pour garantir la confidentialité et l’intégrité des données liées aux déclarations de biens”. Voilà en fait l’objet du cadre de collaboration qui vient d’être scellé entre l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite et la Cour Suprême.
Pour le président de l’Office central, “les précautions à prendre pour encadrer et sécuriser le traitement des déclarations de biens ont rendu nécessaires des aménagements physiques et informatiques aussi bien à la Cour Suprême qu’à l’Office central. Il y aura, dans les trois prochains mois, à la Cour Suprême et à l’Office central de véritables chambres-fortes dotées de battants blindés, d’armoires ignifuges, de vidéosurveillance et d’équipements informatiques à la pointe de la technologie pour réceptionner, archiver, surveiller, numériser et traiter les déclarations de biens”.
Même sans de tels aménagements, précisera Moumouni Guindo, la Cour Suprême a déjà fait la preuve éclatante du professionnalisme et de l’intégrité de ses membres et de ses personnels : “En effet, depuis 1992 qu’elle reçoit les déclarations de biens du Président de la République, du Premier ministre, des ministres et des autres personnalités, aucun document, aucune information, n’ont été trouvés sur la place publique”.
Pour conclure, le président de l’Office central a tenu à remercier le gouvernement pour son appui et son accompagnement hautement appréciables. Il a saisi cette opportunité pour adresser ses vifs remerciements à l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas dont l’appui financier permet la réalisation des travaux de sécurisation et de conservation des déclarations de biens et des données y relatives.
Quant au président de la Cour Suprême, Nouhoum Tapily, il précisera que la bonne gestion des ressources publiques de l’Etat est une responsabilité partagée de l’ensemble des acteurs de la société malienne. Elle doit être, selon lui, le souci de tout citoyen. “La Constitution du 25 février 1992, la loi N°2014-015 du 27 mai 2014 modifié, portant prévention et répression de l’enrichissement illicite et l’Ordonnance N°2015-032/PRM du 23 septembre 2015 (ratifiée par la loi N°2016-017 du 9 juin 2016) ont conféré spécifiquement à la Cour Suprême et à l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite des rôles importants dans ce cadre. En effet, le président de la Cour Suprême, aux termes des articles 37, al 4 et 57 de la Constitution ; des articles 8 et 10 de la loi de 2014, reçoit les déclarations de biens du président de la République, du Premier ministre, des membres du gouvernement et de toutes les personnes assujetties à la déclaration de biens en vertu de l’article 9 de la loi de 2014.
La Cour, par l’organe de son président, assisté par la Section des comptes, veille également à la mise en œuvre effective de l’obligation de déclaration des biens”. Parole du président de la Cour Suprême.
Aux termes de l’article 4 de l’Ordonnance N°2015-032, l’Office Central, quant à lui, est chargé de mettre en œuvre l’ensemble des mesures de prévention, de contrôle et de lutte envisagées au plan national, régional et international contre l’enrichissement illicite en général.
L’Office central est chargé, selon Nouhoum Tapily, de “prendre communication des déclarations de biens aux fins d’exploitations, de recevoir toutes les autres informations utiles nécessaires à l’accomplissement de sa mission notamment celles communiquées par les organes de contrôle et d’inspection ainsi que les Officiers de police judiciaire et de centraliser les informations nécessaires à la détection et à la prévention des faits d’enrichissement illicite”.
Aux termes des articles 18 du Décret N°2015-0606 P-RM du 5 octobre 2015 (décret d’application de la loi portant prévention et répression de l’enrichissement illicite) et 22 de l’Ordonnance N°2015-032, l’Oclei est tenu à la confidentialité des renseignements par lui recueillis. L’Oclei adresse un rapport annuel d’activités au président de la République dont copie est remise au président de la Cour Suprême.
Il est nécessaire de rappeler que dans le cadre de la mise en œuvre de la loi de 2014 portant prévention et répression de l’enrichissement illicite et de ses textes d’application, les rapports entre la Cour Suprême et l’Oclei sont complémentaires. “Le cadre de collaboration que nous avons conçu vise à étayer davantage ces rapports et à les raffermir, tout en mettant un accent particulier sur le respect de la confidentialité, donc sur la protection des données personnelles recueillies” a-t-il conclu.
Le ministre de la Réforme de l’Administration et de la Transparence de la Vie publique, Safia Bolly, a salué cette belle initiative entre l’Oclei et la Cour Suprême dans le cadre de la lutte contre l’enrichissement illicite. Selon elle, c’est un bel exemple de collaboration entre les deux structures pour la gestion des finances publiques.
Cette cérémonie a été marquée par la présentation du projet d’archivage des déclarations de biens par Mahamadou Diarra du Cabinet “Midi” spécialisé dans la sécurisation des données. Il a donné toutes les explications concernant la mise en place d’une salle sécurisée dotée de serveurs d’archivage et d’un système de détection d’incendie… Cela à travers le dispositif de numérisation des documents, les procédures procédure de traitement des dossiers….
Notons que Moumouni Guindo, magistrat de profession, est depuis le 10 mars 2017, président de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite. A ce titre, il est chargé de coordonner l’application des textes relatifs à la lutte contre l’enrichissement illicite au Mali. Ainsi, l’Oclei est un service public. Il a été créé par l’Etat du Mali d’abord par une loi du 27 mai 2014 ensuite par une Ordonnance du 23 septembre 2015. C’est donc un service public que l’Etat malien consacre à la lutte contre le phénomène de l’enrichissement illicite, au combat pour l’amélioration de la gestion des deniers publics et des biens acquis sur ressources publiques.
El Hadj A.B. HAÏDARA
Source: Aujourd’hui-Mali