L’éradication du phénomène passe par l’amélioration des conditions d’existence et d’étude pour les talibés, et surtout d’exercice pour les maitres auxquels ils sont affiliés
La mendicité des enfants, surtout sous ses pires formes, devient de plus en plus inquiétant dans notre pays. A Bamako, le spectacle dégradant d’enfants mal vêtus, sans chaussures et occupant les voies et places publiques en quête d’argent, nous interpelle tous. Pourtant, la mendicité sur la voie publique est interdite dans notre pays. L’incitation d’un mineur à la mendicité est répréhensible d’une peine allant de trois mois à un an d’emprisonnement. Malgré cette disposition, la Direction nationale du développement social a recensé, en 2008, plus de 6 000 enfants mendiants à Bamako et dans les régions de Mopti et Ségou.
Traditionnellement, les enfants fréquentant l’enseignement coranique, les talibés, devaient aller de porte en porte pour quémander leur nourriture. La mendicité sous cet angle entrait dans le cadre de la formation et avait pour but de former les enfants à un certain ascétisme et à la vie dure. Mais, actuellement les talibés sont souvent des enfants exploités par des maîtres des écoles coraniques qui obligent leurs élèves à aller mendier pour leur compte. Ils leur fixent la plupart du temps une somme minimum à ramener de la quête au risque de subir violences et brimades de la part de ces maîtres.
Les pouvoirs publics ont développé plusieurs stratégies pour lutter contre le phénomène. Il a été proposé, entre autres, la formalisation des écoles coraniques comme cela a été fait avec les medersas, la vulgarisation et l’application des textes de loi relatifs à la protection des enfants pour une meilleure appropriation par la population, l’opérationnalisation du programme de lutte contre la mendicité avec un budget approprié et des mesures concrètes.
La lutte contre le phénomène de la mendicité passe aussi par une combinaison de textes législatifs et de projets et interventions concrets. C’est pourquoi la Coalition malienne des droits de l’enfant (COMADE) a initié le Projet d’appui à la lutte contre l’exploitation économique des enfants par la mendicité (PALUCEM).
Dans le cadre de la mise en œuvre de ce projet, une série de rencontres a été initiée entre la COMADE et les maitres coraniques, les maires, les coordinateurs et chefs de quartier et les leaders religieux de Bamako. Hier, c’était au tour des services techniques de l’Etat du district de Bamako de se réunir pour s’informer sur le phénomène et en discuter. Lors de la rencontre, le président de la COMADE, a jugé que de même que l’enseignement coranique, la pratique de la mendicité en général dans notre pays et celle pratiquée par les enfants en particulier, mérite une attention particulière. La préoccupation commune est, de l’avis de Amadou Bocar Téguété, la lutte contre la mendicité des enfants en général dans ses pires formes, pour les élèves coraniques en particulier.
Son éradication passe, selon lui, par l’amélioration des conditions d’existence et d’étude des talibés et surtout d’exercice pour les maitres auxquels ils sont affiliés. Ce progrès nécessite une conjugaison et une synergie de nos actions dans nos communes et nos quartiers. Amadou Bocar Téguété a annoncé des actions de proximité entreprises individuellement et collectivement. Il plaide pour une adhésion à ces actions dans un dialogue constructif et responsable. Le président de la COMADE en appelle à la responsabilité de tous pour mettre fin à ce spectacle désolant qu’offrent les enfants mendiants dans l’espace public.
Le représentant du ministère de la Solidarité, de l’Action Humanitaire et de la Reconstruction du Nord a expliqué que la mendicité est un phénomène lié à plusieurs aspects de la vie, notamment la pauvreté, la tradition et la religion. Lors du dernier Espace d’interpellation démocratique (EID), le ministre Solidarité, de l’Action humanitaire et de la Reconstruction du Nord a pris l’engagement de faire progresser positivement la lutte contre le phénomène de la mendicité, a rappelé Moussa B. Sissoko.
Cependant vu la complexité du phénomène, il faut trouver, selon lui, une approche moins agressive mais dissuasive afin de venir à bout de ce combat. Dans cette perspective, l’approche de la COMADE est une bonne initiative. Moussa B. Sissoko reconnaît aussi que les textes signés et ratifiés par notre pays en la matière doivent être rigoureusement appliqués.
M. A. TRAORE
source : L Essor