Ça y est ! Le déclic que tout le monde attendait est enfin arrivé ce lundi : Mahmoud Dicko a donné sa bénédiction à la grande marche de protestation contre la gouvernance d’IBK, prévue ce 5 juin sur le Boulevard de l’Indépendance. Non seulement, il apporte son soutien ferme et sans équivoque, mais il entend de surcroît y participer.
Après des rencontres et discussions informelles, les trois organisations initiatrices de la marche de ce 5 juin, le mouvement Espoir Mali Koura (EMK), conduit par le cinéaste et ancien ministre Sadi de la Culture, Cheick Oumar Sissoko, la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’Imam Mahmoud Dicko (CMAS), sous la houlette de Issa Kaou Djim, et le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), représenté par Choguel Maïga, le président du MPR, s’étaient finalement rencontrées ce mardi 26 mai 2020.
Dans leur déclaration liminaire du 30 mai, les trois forces tirent la sonnette d’alarme : «De l’existence même du Mali en danger, aux difficultés de l’école, l’état de l’armée, des libertés ainsi que de la gouvernance globale de l’Etat, notre pays apparaît totalement à l’abandon».
C’est à la suite de cette rencontre que la décision a été prise d’initier une marche de protestation, à travers «une grande mobilisation pour le sursaut national face à la gouvernance chaotique et prédatrice, au risque de partition du pays, aux atteintes graves aux principes républicains et démocratiques, notamment la confiscation du vote des citoyens».
L’objectif est sans équivoque, pour les initiateurs et les nombreux partisans qui entendent y prendre part : la démission du président de la République. Il s’agit de «créer les conditions d’une union sacrée autour de l’idéal d’un Mali uni, prospère et respecté, à travers la rupture avec le système actuel», assurent les initiateurs de la marche du 5 juin. «La réalisation d’un tel objectif exige la démission du président Ibrahim Boubacar Kéita et de son régime dont la gouvernance a mis en danger de dislocation notre Pays et notreNnation», sont-ils convaincus.
Pourtant, en dépit de la personnalité des initiateurs, le cinéaste Cheick Oumar Sissoko, Choguel Maïga ou Issa Kaou Djim, et bien qu’une rencontre avec l’imam Dicko, préalable à la conférence de presse commune, ait eu lieu, l’opinion en majorité attendait un mot de l’ancien Président du Haut Conseil Islamique du Mali. Qui est sorti de son silence, mettant fin au suspense et dans un réquisitoire au vitriol contre celui qu’il avait puissamment contribué à faire élire en 2013.
IBK consacre la partition du pays
Et pour Mahmoud Dicko, l’équation est simple : «Face à la situation actuelle du pays, il est temps que certaines choses soient dites… Que peut-on présenter dans ce pays comme acte de bien qui aurait été réalisé par ce régime ? » s’interroge l’imam de la Mosquée wahhabite de Badalabougou. «Ce pays n’a jamais été autant humilié…Ce pays est gouverné de la pire manière… On ne gouverne pas un pays en opposant les gens, en dressant les citoyens les uns contre les autres, les familles, les communautés, les religions, les porteurs d’uniforme sont tous dans la même situation…», déplore-t-il.
«Dans un pays où il y a un ministre de la réconciliation, un ministre de l’administration territoriale, des gouverneurs, des préfets ; l’Etat est là, à travers ses structures. Il existe plusieurs mécanismes capables de réconcilier les communautés. Pourtant, en dépit de tout cela, le président se permet de nommer quelqu’un comme Haut représentant de l’Etat, comme si celui-ci constituait une autre entité différente de la représentation régalienne de l’Etat. C’est le président lui-même qui consacre la partition du pays : avec un haut représentant pour le nord, un haut représentant pour le centre, le pays est donc divisé en trois entités distinctes», s’insurge l’ancien président du HCIM.
Le régime crée la violence
«Beaucoup s’inquiètent de la violence qui pourrait survenir. Mais la violence, ce sont les abus auxquels sont soumis les citoyens, ce sont les dénis de droit, c’est la gabegie, les prédations des biens publics au profit d’une minorité, etc. C’est de là que provient la violence ; elle n’est pas le fait de celui qui réclame ses droits, de celui qui aspire au changement !», explique avec beaucoup de pédagogie le théologien et ancien étudiant de Al Azar.
Pour le leader Wahhabite, le système de prédation mis en place, en guise de gouvernance, obère toute perspective de redressement du pays et de la Nation : «Comme ils aiment à le dire : ‘’Mettez quelque chose dans la bouche de celui qui proteste’’. C’est le système qu’ils ont mis en place. Que tout le monde se préoccupe de ce qu’il peut bien avoir comme dividende auprès d’eux… Ils estiment que personne n’a de dignité. Ils ont mis le grappin sur les ressources du pays dont ils se sont accaparés, en excluant ceux qui ne se soumettent pas à leur diktat. Comment peut-on soumettre les citoyens à une telle condition de vie ? C’est insulter le peuple. Protester expose à être stigmatisé et privé de tout… ils ont délibérément fragilisé le pays. Ils ont divisé le pays et les citoyens : c’est cela la méthode de gouvernance d’IBK… Il ne faut plus accepter de laisser le pays conduire ainsi ; il faut refuser cette situation ! » lance celui qui, en dépit de toutes les controverses, demeure encore une des rares personnalités morales de ce pays capables de mobiliser au-delà des chapelles.
«Si les citoyens décident de se lever pour manifester, c’est qu’il y a des raisons qui les incitent à le faire… Nous ne sommes pas un peuple qui accepte la résignation et la soumission…» conclut Mahmoud Dicko.
Et c’est en cela que réside le danger du rendez-vous du 5 juin. Le vent du boulet ne passera pas bien loin.
Mohamed Ag Aliou
Nouvelle Libération