Dans leur déclaration commune, les sections de France de l’Urd, du Fare Ankawuli, du PSP et du Parena avaient dressé le bilan de la première année du président IBK à qui ils reprochent «d’avoir grillé toutes les cartes qu’il avait en mains pour sortir le pays du gouffre. L’espoir et l’enthousiasme ont fait place à la désillusion et au découragement. Dépenses de prestige et de luxe, nombreux voyages improductifs, avion, scandales financiers, les Maliens sont déçus. Ils attendaient une prise en main des graves problèmes du pays, la fin du conflit dans les régions du nord et la réconciliation nationale, l’éradication de la corruption et la moralisation de la gestion publique, la restructuration de l’armée et la lutte contre la pauvreté. Le Président n’a pas encore pris conscience de la situation réelle du pays.»
Samedi 6 septembre dans l’après-midi, la Coordination de l’opposition malienne en France et environ 150 personnes se sont retrouvées sous la grande verrière de la salle Ambroise Croizat de la Bourse du Travail, au cœur de Paris. Avant de donner la parole aux représentants politiques, les Maliennes et Maliens ont entonné «à ton appel Mali, pour ta prospérité, fidèle à ton destin, nous serons tous unis». Le premier panel a détaillé les immenses déceptions engrangées, les unes après les autres.
Diane Touré, la secrétaire politique et Djibril Koïta, le secrétaire général, se sont exprimés pour l’Urd. C’est Mamadou Bathily, le président de la section France, qui a parlé pour le Parena. Hamidou Coulibaly est intervenu pour le Fare, et Lamine Diawara pour le PSP. Ils ont ensuite cédé la place à deux invités de marque, venus du Mali. Tiéblé Dramé, ancien ministre des Affaires étrangères, et Maître Demba Traoré, ancien ministre des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine. L’un aux couleurs du Parena, l’autre à celles de l’Urd. Leurs critiques de cette première année IBK ont été acerbes et argumentées.
Ce fut ensuite le temps des échanges avec la salle. Des questions ont amené la Coordination de l’opposition à préciser ses positions sur plusieurs points brûlants de l’actualité du pays. Les négociations en cours à Alger. Les crimes faits aux femmes jusqu’à maintenant impunis. La ratification de l’accord de coopération militaire entre le Mali et la France. La signature des APE (accords de partenariat économique) entre le Mali et l’Union européenne. L’enrichissement illicite et la surveillance de la juste utilisation des fonds alloués aux projets de développement du Mali, via le site mis en place par l’Ambassade de France. La mise à l’écart des Maliens de l’extérieur lors des élections, faute de carte Nina. La succession de tragédies de migrants, en mer Méditerranée ou dans le désert.
Malheureusement, faute de temps certainement, tout n’a pas pu être abordé. Demba Traoré «se garde de se prononcer sur l’accord de coopération militaire puisque le texte n’a pas été officiellement transmis à l’opposition». Ignorant si le site de l’Ambassade de France est opérationnel, il a tenu à préciser que la loi pour lutter contre l’enrichissement illicite, votée en 2014, avait été initiée sous ATT, et quasiment finalisée pendant la transition. Il a souhaité que cette loi soit maintenant appliquée. Demba Traoré, en tant que ministre sous la transition, a assisté à des débats pour les APE. Il confirme que s’ils étaient définitivement signés, l’Afrique serait une fois de plus mise à mal économiquement, car ils modifieraient sévèrement le système de taxation douanière. Demba Traoré a rappelé que si Tiéblé Dramé avait retiré sa candidature aux présidentielles, c’était, entre autres, parce qu’il était conscient que la mise à l’écart de beaucoup de Maliens, faute de carte Nina, rendait «la situation très inconfortable». Il rappelle qu’il avait été demandé au gouvernement que les listes électorales soient révisées avant les législatives et que cela n’a pas été fait.
Tiéblé Drame a précisé que «l’opposition n’est pas opposée à l’accord de coopération militaire, car il est évident qu’il faut saluer l’intervention Serval lancée en janvier 2013. Un tel accord est le bienvenu pour le Mali dans les circonstances actuelles». Il a souhaité que «des pistes d’accords de ce genre soient explorées avec d’autres partenaires du Mali afin de conserver une certaine marge de manœuvre». Tiéblé Dramé a rappelé que «la ligne rouge à ne pas franchir à Alger est celle contenue dans les accords préliminaires de Ouagadougou, et que ceux qui sont actuellement présents aux pourparlers inter-maliens, les ont signés le 18 juin 2013». Jusqu’à présent, «le Mali n’a pas su tirer profit de l’engagement du monde à ses côtés, espérons que ce sera le cas dorénavant».
Pour conclure, Tiéblé Dramé a répondu à ceux qui disent que un an, c’est trop peu pour évaluer la politique présidentielle : «Un an, c’est suffisant pour constater que rien de concret n’a été réalisé au Mali. En général les actes importants sont posés pendant les premiers mois. Un an, c’est comme «le crépuscule qui annonce la qualité de la nuit qui arrive».
Françoise WASSERVOGEL