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…M’Baye Boubacar Diarra ex-réalisateur de Top Etoiles et producteur : “Je ne travaillais pas pour de l’argent, mais pour une notoriété qui donne tout “

Il a été le créateur et réalisateur d’Etoiles du Mali, puis de Top Etoiles et créateur de Rythmes d’Afrique sur l’Ortm, avant de faire valoir ses droits à la retraite qu’il a défini comme la fin de son contrat avec l’Etat. Mais l’homme dont il s’agit a continué ses œuvres sur Africable télévision avec Africa Show. Pour dire qu’il n’est pas un inconnu pour les téléspectateurs car il s’agit de M’Baye Boubacar Diarra qu’on ne présente plus. Dans l’interview qui suit, il revient sur son parcours professionnel, sur la genèse de l’émission Etoiles du Mali devenue Top Etoiles et parle de sa relation avec Coumba Sira Koita. Une véritable histoire, une véritable mémoire vivante.  Entretien avec M’Baye Boubacar Diarra !

Mbaye Boubacar Diarra ancien realisateur emission Top Etoile

Aujourd’hui : Quand on parle de M’Baye Boubacar Diarra, on l’assimile directement à Top Etoiles. Mais au juste, qui est M’Baye Boubacar Diarra ?

M’Baye Boubacar Diarra : Je suis M’Baye Boubacar Diarra, technicien de l’Ortm à la retraite, réalisateur-producteur à la retraite. Je suis le président de l’Association des producteurs du Mali, vice-président de l’Association des éditeurs, producteurs d’artistes du Mali, réalisateur d’Africa show, créateur d’Etoiles du Mali et de Top Etoiles sur l’Ortm, d’Africa show sur Africable télévision et de Rythmes d’Afrique sur l’Ortm. S’agissant de mon cursus scolaire, je suis un sortant de l’Ecica avec le diplôme de BT de technicien électronicien. A ma sortie de l’Ecica, j’ai fait un concours international pour aller à l’Institut national de l’audiovisuel en France où je suis sorti avec le diplôme niveau II technique/vidéo. Après, j’ai fait des études en France pour être agent de production télé. Ensuite, j’ai fait la formation de directeur de production à Montreuil.

De BT technicien électronicien de l’Ecica au réalisateur de télévision, qu’en est-il de votre parcours professionnel ?

En tant que réalisateur, nous sommes dans un monde de création. On ne sort pas d’une école comme réalisateur. C’est comme si tu disais que tu es sorti écrivain d’une université. Non, on ne sort pas écrivain d’une université. Pour être reconnu écrivain, il faut écrire des livres. Et pour être réalisateur, il faut réaliser des œuvres. Comme nous sommes à la télévision qui est un monde de création, j’ai fait des stages dans beaucoup de télévisions en France, notamment Fr3 Strasbourg, Fr3 à Lyon, Fr3 à Marseille. J’ai fait beaucoup de formations de production, même sur le Tour de France de cyclisme. J’ai fait aussi des études de directeur de production en France. Avec ces armes, je me suis dit que j’étais en mesure de faire des œuvres par rapport à mon pays, le Mali. C’est comme ça que j’ai monté le premier téléfilm malien “Depté” avec Feu Djibril Kouyaté (paix à son âme). J’avais des aptitudes pour être réalisateur. C’est ainsi que j’ai décidé d’être réalisateur, surtout pour le journal parlé, parce que j’ai vu qu’au début les journalistes n’avaient pas beaucoup d’aptitudes audiovisuelles et les images leur manquaient un peu. C’est comme ça que j’ai donné mes services à la Division des informations pour être réalisateur du journal télévisé à l’Ortm. J’ai donc commencé par le journal.

 ” L’idée de m’occuper de la musique traditionnelle malienne est venue de Strasbourg et de Kalory Sory”

Par rapport à ma carrière à l’Ortm, je dirai que je suis rentré à la Rtm très jeune, en 1973. Au départ de ma carrière en 1973, j’étais technicien d’antenne. C’est moi qui animais les soirées dansantes avec Mamadou Dembélé sur la Radio nationale. Je faisais aussi le disque demandé avec Papa Oumar Sylla. Donc, j’étais déjà dans la musique avant même la création de la télévision. Dans le temps, les jeunes Bamakois étaient pressés que je monte à la radio les samedis pour faire mon animation de variétés musicales, surtout que j’avais beaucoup de disques et je faisais beaucoup de soirées dansantes. Je suis parmi les premiers discs jockeys du Mali.

Comment êtes-vous venu à Top Etoiles

Top Etoiles est une longue histoire. Avant d’aller en France, j’avais une idée de la musique française. J’avais des cahiers dans lesquels j’écrivais des chansons françaises. Je pensais que la musique française était ce qu’on écoutait au Mali. Mais quand j’ai été à Strasbourg pour être assistant réalisateur de télévision, on enregistrait nos émissions dans une boîte de nuit qu’on appelait Chalais. J’ai vu que  les Strasbourgeois, contrairement aux Parisiens, avaient une identité musicale et vestimentaire. Les femmes attachaient des foulards avec des robes de leurs contrées. Les Strasbourgeois étaient fiers de leurs musiques. Chaque samedi, on allait enregistrer l’émission au Chalais et je me suis alors dit pourquoi ceux-ci s’occupent de leurs musiques traditionnelles et nous les Maliens, nous sommes sur les Johnny Halliday, les Bob Marley, les musiques congolaises. C’est comme ça que je me suis dit qu’il fallait m’intéresser à la musique traditionnelle malienne. L’idée est donc venue de Strasbourg.

Ensuite, j’ai connu des amis en France comme les musiciens zaïrois, Pierre Belkos, Pépé Kalé, etc. Au premier Marché africain des arts et spectacles (Masa), Mory Soumano et moi avons rencontré Pépé Kalé pour le faire venir à Bamako et nous avons sympathisé. C’est comme cela que beaucoup de Zaïrois quittaient la France pour venir faire leur clip à Bamako. Et c’est moi qui réalisais ces clips. C’est comme ça aussi qu’un jour, un jeune, il s’agit de feu Kalory Sory (paix à son âme) est venu m’interpeller dans la cour de l’Ortm par rapport à la réalisation des clips des musiciens zaïrois. Il pensait, avec mon nom, que j’étais un Sénégalais. Quand il m’a vu, il m’a insulté en me disant que je ne faisais que m’occuper des musiciens zaïrois alors que je ne faisais rien pour les musiciens maliens. Cela a été un grand choc pour moi. Et j’ai failli le frapper parce que j’avais un gros cœur. Mais après, quand j’ai été à la maison, j’ai réfléchi. Je me suis dit que le monsieur n’avait pas tort. Et par rapport à ce que j’ai vu à Strasbourg et mon interpellation par Kalory Sory, je me suis décidé à faire quelque chose pour la musique malienne. Et le bon moment s’est présenté avec la chute du président Moussa Traoré.

Et comment ?

Avec ce coup d’Etat, il y avait une vague  d’euphorie avec un espace de liberté qui permettait à chacun de s’exprimer comme il le voulait. J’ai donc profité de cet espace de liberté pour créer Etoiles du Mali. Malgré l’espace de liberté, la création d’Etoiles du Mali n’a pas été facile parce qu’en ce moment, les émissions étaient enregistrées dans les studios avec des rideaux souvent rouges, souvent bleus, souvent verts. Et les mêmes rideaux servaient aux interviews, à l’actualité. J’avais dit non. Il fallait  sortir de cela. C’est ainsi que j’ai été voir mon chef pour lui dire que je voulais enregistrer les musiques en dehors du studio. Parce que la réalisation est comme un restaurant. Un réalisateur fait un produit que les gens peuvent consommer. C’est comme quand on fait un bon plat dans une assiette sale, cassée, tordue, cela ne donne pas l’appétit. Mais quand on fait le même plat dans une assiette bien propre, bien garnie, cela donne envie de manger. La réalisation est comme cela. Elle permet de faire un produit audiovisuel destiné à la consommation. La forme de la présentation du produit permet au public de le consommer. Le réalisateur est comme un chef cuisinier. Voilà pourquoi j’ai décidé de faire Etoiles du Mali dans une boîte de nuit. Et pour cela, j’ai rencontré beaucoup de difficultés. Le mot “boîte de nuit” a fait que l’on a retardé la diffusion de l’émission pendant plusieurs mois. La chute de Moussa Traoré a permis de libérer les génies créateurs. En ce moment, le Mali appartenait aux gens qui avaient des idées. Et chacun dans son domaine essayait de réfléchir. Je me suis battu.

Justement, comment cela s’est-il passé avec votre première émission ?

Ma première émission a été réalisée au Tempo, avec Anna Damba. A l’époque, lorsque notre ministre, qui a été gouverneur, Yaya Bagayoko a vu les images du spectacle que j’ai enregistré, il était nerveux. Et il est venu voir la Direction pour dire d’interdire Etoiles du Mali sur la télévision. A ses dires, c’est parce que toutes les femmes étaient blanches, dépigmentées avec des produits. Il était donc choqué par ces images. C’est vrai que j’ai facilité et valorisé ce phénomène de dépigmentation, de blanchiment des femmes maliennes. C’est dommage de l’avoir fait parce que je l’ai regretté après. Après le tempo, on est venu au Grand hôtel quand j’ai dit à mon ami et frère  (nous avons fait l’enfance ensemble) Cheick Hamalla Touré qui était chef de la production, que je voulais enregistrer un spectacle en public au Grand hôtel, il n’y a pas vu d’inconvénient. Il m’a aidé et a même cherché des sponsors pour l’émission dont Air Afrique à l’époque. Nous nous sommes endettés et jusqu’à présent, nous n’avons pas remboursé certains. Nous avons enregistré l’émission Etoiles du Mali au Grand hôtel. Mais malheureusement, cette émission n’était pas programmée dans la grille. Donc, je ne savais comment la diffuser. C’est comme ça que j’ai amené l’émission à Thierno Ahmed Thiam qui avait bien apprécié ce que je faisais, mais ne prenait pas de griottes dans son émission Jouvence consacrée aux musiques américaines. Je suis parti voir Baba Gracis à Samedi Loisirs. Lui aussi n’a pas accepté de diffuser l’émission. Même chose avec Papus Daff qui avait Cadences Dimanche, une émission beaucoup axée sur les musiques guinéennes, camerounaises, avec les Zangleba. Papus était plus Guinéen avec les clips de Justin Morel Junior. Il n’y avait donc pas de place pour la musique malienne sur la télévision malienne. Quand Mamadou Souleymane Touré est devenu chef de la production (Paix à son âme), je l’ai contacté pour lui dire que j’ai des images d’Etoiles du Mali, mais que je ne sais pas où les diffuser car il n’y avait pas de créneau pour sa diffusion. Il a réagi qu’il y a un créneau parce qu’il venait de suspendre Papus Daff qui avait Cadences Dimanche de 15 h à 16 h. Il m’a dit de prendre cette tranche avant la levée de la suspension de Papus Daff. C’est comme ça que j’ai diffusé la première émission d’Etoiles du Mali. Sans un seul commentaire. Et l’émission a été un succès incomplet. Thomas Lazare Kéita (Paix à son âme) est venu me dire que ce que je fais est trop radio. Il m’a proposé de voir dans quelle mesure je pouvais amener un animateur sur le plateau. Et l’émission allait être dynamique. Et Papus Daff (Paix à son âme) qui était mon ami aussi, est venu me dire qu’il est suspendu et que mon émission passe dans son horaire. Il m’a confirmé que ce que je faisais était tellement bien qu’il renonçait à son émission pour me faire place. J’étais très content de cette proposition de Papus Daff et je l’ai remercié. C’est comme ça que l’émission Etoiles du Mali a débuté et j’ai commencé à la diffuser.

Et après ?

Un jour, j’ai écouté une émission  musicale sur la radio Liberté qui était sur la colline, derrière le marché de Médinacoura. J’ai été voir Samory Touré (le promoteur de la radio Liberté) pour lui dire que j’ai écouté une émission musicale sur sa radio où on faisait le classement des artistes maliens et je voulais rencontrer l’animateur de cette émission. C’était Balla Tounkara que j’ai rencontré et il m’a filé le tuyau des classements des artistes. Je m’en suis inspiré pour l’adapter à la télévision avec Etoiles du Mali. Il m’a expliqué qu’il demandait aux auditeurs de faire des classements. Et il procèdait par dépouillement pour faire le classement en donnant des notes aux artistes. C’est ce que j’ai appliqué à Etoiles du Mali. Tout cela grâce à Samory Touré et Balla Tounkara. Et Moïse Traoré (présentement journaliste à l’Ortm) est témoin de ces faits. Il était à Liberté avant de venir à l’Ortm, tout comme Ibrahim Famakan Coulibaly (Paix à son âme), Ibrahim Diombélé. C’est à la Radio Liberté que j’ai noué de bons rapports d’amitié avec Moïse Traoré qui est devenu un bon ami. Voilà comment j’ai créé Etoiles du Mali. Mais dans le classement des artistes, il n’y avait pas de commentaires. Je proposais un classement en faisant passer des crawls et je disais aux téléspectateurs d’envoyer leur classement. Ensuite, il m’a été proposé de joindre des voix au classement. C’est comme ça que j’ai dit à Thierno Ahmed Thiam avec qui j’ai fait des études en France, comme aussi Baba Gracis est un promotionnaire, de me donner sa voix pour faire le classement d’Etoiles du Mali. C’est comme ça que j’ai mis la voix de Thierno Ahmed Thiam dans le classement.  Avec ça, on m’a encore dit que c’était trop radio et il fallait trouver le moyen de l’améliorer. C’est ainsi que j’ai contacté Zoumana Yoro Traoré pour animer Etoiles du Mali qu’on réalisait soit à l’Hôtel de l’Amitié, soit au Grand hôtel. Mais Zoumana Yoro Traoré était trop traditionnel. Et moi je n’étais pas dans cette dynamique traditionnelle. J’ai approché Kadiatou Kouma (Paix à son âme) qui était une amie. Et c’est le lieu de lui rendre hommage et présenter mes condoléances à sa famille. Elle a été la 2e présentatrice de  l’émission Etoiles du Mali après Zoumana Yoro Traoré et la première présentatrice de Top Etoiles. Nous avons commencé ensemble Top Etoiles qui a remplacé Etoiles du Mali. Donc, j’ai fait venir Kadiatou Kouma pour parler français et donner une autre dimension, surtout internationale à l’émission. Parce qu’à l’époque, Claudy Siar ne faisait que diffuser sur RFI les musiques d’Afrique centrale. Il n’y avait pas de place pour la musique malienne sur le plan international. Et sur la chaîne malienne, c’était les clips guinéens qui passaient.

Qu’est-ce que cela vous fait d’avoir créé Top Etoiles ?

A travers Top Etoiles, je me suis engagé, j’ai lutté pour installer la musique malienne au moins auprès des Maliens pour qu’ils puissent aimer leur musique. Parce que chaque fois qu’on jouait la musique malienne, les gens se plaignaient. Quand je me suis battu pour imposer la musique, cela a permis aux jeunes qui avaient des radios dans les grins à écouter la musique malienne. C’est comme ça que je suis arrivé à faire aimer la musique aux Maliens. Voilà un petit peu, brièvement, l’historique d’Etoiles du Mali qui est devenu Top Etoiles par la suite.

 Quelles ont été vos grandes satisfactions durant votre carrière à l’Ortm ?

Quand j’ai demandé à la direction de venir le vendredi soir et le samedi de 15 h à 16 h, j’ai voulu que Top Etoiles qui est une émission culturelle soit une émission familiale, pour que les gens puissent la regarder en famille. On m’a accordé le vendredi pour la diffusion de l’émission qui a été un grand succès. Cela est une grande satisfaction. Le monde entier, les Maliens de l’extérieur, tous ces gens demandaient la cassette vidéo d’Etoiles du Mali. Cela aussi est une grande satisfaction. Tous les jours, j’étais satisfait. Tous les jours, j’avais une dose de bonheur. Dans les régions, il n’y avait pas d’électricité partout. Le jeudi, les gens chargeaient leur batterie de télévision pour attendre l’émission Top Etoiles du vendredi. Cela est une grande satisfaction. Avec Top Etoiles, les artistes étaient heureux parce que la vente des cassettes avait monté. Avant Top Etoiles, il n’y avait pas beaucoup d’artistes domiciliés au Bureau malien des droits d’auteurs. Avec la création de Top Etoiles, beaucoup de gens sont devenus artistes et enregistrés au Bureau malien des droits d’auteur. Top Etoiles a contribué à la vente de cassettes, à l’installation et à la promotion du show business malien. Et un jour, un ministre m’a interpellé pour dire qu’avec Top Etoiles, les artistes maliens sont dans les mains de toubabs. C’est ainsi que j’ai fait les premières cassettes de Top Etoiles. Parce qu’il était interdit à l’Ortm de faire le spectacle.  C’était Dama production qui organisait Miss Ortm. Pour que je puisse faire l’émission Etoiles du Mali au Grand hôtel et dans d’autres espaces culturels, il a fallu que je passe par mon ami Moulaye Diabaté de Mandé production qui produisait Etoiles du Mali et Top Etoiles au nom de l’Ortm. C’est comme ça qu’on a fait les premiers clips avec les Djénéba Seck, Oumar Koïta avec ” An ka gnow b’an bo “, Habib Koité avec “Siraboulou”, etc. C’est moi qui ai fait le premier concert de Rokia Traoré. Et après elle a eu des contrats avec les toubabs. Je lui ai souhaité bonne chance en mettant mon contrat dans ma poche.

Vous avez ainsi commencé à faire de la production ?

Oui, c’est comme ça que j’ai commencé à faire la production. Et aujourd’hui, je suis le président des producteurs du Mali grâce à Etoiles du Mali et Top Etoiles. Cela est une satisfaction. J’ai reçu une lettre présidentielle de félicitation d’Adam Bâ Konaré quand elle était la Première Dame du Mali. J’ai reçu la décoration de Chevalier de l’Ordre national du Mali au nom de Top Etoiles. Et le président Alpha Oumar Konaré avait demandé à un moment donné d’enregistrer toutes les émissions de Top Etoiles, parce qu’il est un homme de culture. Et chaque fois que je le rencontrais à Koulouba, on discutait autour de Top Etoiles. Parce qu’à un moment donné, le classement à Top Etoiles était tellement mauvais que je n’en étais pas satisfait et je l’ai enlevé de l’émission. Le président Alpha Oumar Konaré m’a convoqué à Koulouba pour me demander pourquoi j’ai enlevé le classement ? Je l’ai répondu que le classement n’était pas objectif. Il m’a dit mais M. Diarra, un choix est toujours subjectif. Si vous désignez un premier, il ne sera jamais le choix de tout le monde. Il m’a dit que si j’enlève le classement de l’émission, elle va devenir une compilation. Il m’a dit de remettre le classement à Top Etoiles. Si un président me parle ainsi, cela ne peut que me réconforter dans ce que je suis en train de faire.

Quelles ont été vos déceptions durant votre carrière ?

Je ne vois trop ce que j’ai eu comme déception. Mais la nature humaine est souvent ingrate. Je n’ai été déçu NI durant ma carrière ni dans mon métier. Mais qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ? Les gens disent que les artistes maliens sont comme ceci, comme cela, ils sont ingrats. Je me porte en faux contre ces déclarations. Si je suis devenu ce que je suis aujourd’hui, c’est grâce aux artistes. Si on parle de M’Baye partout dans le monde, c’est grâce aux artistes. Sinon je ne chante pas, je ne danse pas, je ne joue pas de guitare encore moins de ngoni. Je ne fais que mettre en valeur les artistes. C’est eux qui parlent de moi et ont fait mon nom. Je ne peux donc pas dire que les artistes sont ingrats. Je n’ai pas eu de déception dans mon métier. Je n’ai eu que des satisfactions. Et on a toujours du plaisir dans la création. Si j’étais déçu, j’allais arrêter. J’ai fait ce métier jusqu’à ma retraite.

Après sa retraite, que devient M’Baye Boubacar Diarra ?

La retraite, c’est quoi ? La retraite est une rupture de contrat avec l’Administration. Parce que quand nous étions au lycée, avant de sortir, nous avons signé un contrat, un engagement de 10 ans pour travailler obligatoirement pour l’Etat. Quand le contrat finit avec l’Administration, cela ne veut pas dire que la carrière est finie. Après ma retraite en 2008, je suis venu au Cocotier en 2009 que j’ai dénommé “Café des arts” pour initier une autre émission musicale dénommée Africa show. Et c’est Top Etoiles qui a permis que je vienne au Café des arts. Donc, après ma retraite, je suis venu voir M. Traoré pour lui dire que je faisais Top Etoiles et que je voudrais un espace de spectacle pour que je puisse continuer à faire la promotion des artistes qui passaient à Top Etoiles et qui ne sont vus nulle part. Je ne pouvais plus continuer à m’occuper de ces artistes à Top Etoiles qui appartient à l’Ortm dont je n’étais qu’un fonctionnaire. Il fallait donc que je quitte cette émission que j’ai créée, mais elle n’était pas à moi. Le Directeur Traoré m’a compris en me disant que je suis un homme de culture que le Palais de la culture est un espace de culture, de spectacle. Il m’a dit de venir m’installer au Cocotier que j’ai rebaptisé “Café des arts”. Je fais Africa show, Yèlèbougou et beaucoup d’autres spectacles.

Continuez-vous à suivre Top Etoiles qui est votre bébé ?

Honnêtement, après ma retraite, je ne suis pas beaucoup Top Etoiles parce que je suis un bambara. Chez nous, on dit qu’il n’est pas bien aisé pour un ancien chef de village de se prononcer sur la destinée du village. Moi j’ai fini avec Top Etoiles depuis le jour où j’ai eu ma fiche de retraite. Et depuis ce jour, je passe rarement à l’Ortm. Si je vais là-bas, c’est pour une commission précise.

Après tant d’années d’expérience, quel message avez-vous à l’endroit des jeunes qui veulent devenir comme vous ?

Comme message aux jeunes, je leur dirai de persévérer car le métier que nous faisons n’est pas un métier rentable aujourd’hui. Nous ne travaillons pas pour de l’argent. A l’Ortm et en 30 ans de services, j’avais un salaire, mais je ne travaillais pas pour de l’argent. J’ai travaillé pour une notoriété qui  donne tout. Elle donne la reconnaissance nationale, l’argent. Elle donne la possibilité d’avoir des épouses, d’avoir tout ce que l’homme veut dans la vie. Si l’homme a la notoriété, il peut tout avoir dans la vie.  Je suis un exemple pour les jeunes. Il faut qu’ils travaillent bien pour avoir une notoriété. Il faut qu’ils apprennent le métier qui leur servira demain. Donc, à travers mon travail, je suis un homme heureux, comblé. Aujourd’hui, je continue à vivre de mon métier. Etant à la retraite, je vais à Paris quand je veux, je vais faire mes spectacles à Paris quand je veux, tout comme à Abidjan, Conakry, New York, partout. Et le monde entier amie mon émission. Africa show est plus regardé à New York et à l’extérieur qu’au Mali. Cela est dû au fait que j’ai travaillé à l’Ortm, à Top Etoiles, sans demander quoi que ce soit. Si j’avais mal travaillé à l’Ortm, les artistes n’allaient pas me suivre à Africa show. Aux artistes, je leur dis merci. Merci pour tout ce qu’ils m’ont apporté. Le président Alpha Oumar Konaré m’a convoqué un jour à Koulouba pour me dire qu’il avait un problème qui l’empêchait de dormir. C’était que les griots ne s’entendaient pas. Bakary Soumano et Djéli Baba Sissoko étaient en guerre. En tant que président de la République, chef de famille du Mali, si les griots ne s’entendent pas, cela veut dire que le pays n’est pas bon. Il m’a demandé si je pouvais amener les deux protagonistes à Koulouba. Et je lui ai répondu que je pouvais le faire. Et j’ai pu le faire malgré les oppositions des deux de se rencontrer à Koulouba. Quand j’ai été voir Djéli Baba Sissoko (Paix à son âme) qui est mon beau-père pour lui dire que le président a besoin de lui, il m’a demandé s’il sera avec Bakary Soumano. J’ai dit oui. Il m’a dit qu’il n’ira pas à Koulouba. Je l’ai dit qu’il partira. Quand j’ai été voir Bakary Soumano (Paix à son âme) qui est mon ami, ce dernier aussi m’a demandé si Djéli Baba Sissoko sera à Koulouba. J’ai répondu par l’affirmative. Il m’a dit qu’il n’ira pas. J’ai dit qu’il ira. C’est comme ça que j’ai pu amener les deux hommes à Koulouba et ils ont fait la paix. Comment j’ai pu amener les deux hommes à la paix ? Parce que j’étais avec les artistes. Cela m’a donné une notoriété. Si je n’étais pas avec les artistes, je ne serai jamais capable de les réunir.

Pourtant, il y a toujours de la rivalité entre les artistes

Même aujourd’hui, je continue à vivre avec les artistes. Et c’est normal qu’il y ait la rivalité entre eux. Dans le football, il y a la rivalité entre le Stade et le Djoliba tout comme chez les artistes il y a de la rivalité. Chaque artiste a ses supporteurs. On a vu cette rivalité entre Ami Koïta et Kandia Kouyaté, il y a la rivalité entre Babani Koné et Naïni Diabaté,  il y a la rivalité entre Astou Niamé et Safi Diabaté. Cette rivalité va continuer et elle leur permet de travailler. Il ne faut pas en faire un drame. Mais, les artistes doivent rester dans cette rivalité et avancer. Tout comme on voit que le monde entier est divisé entre le Réal Madrid et le Barça. Est-ce que cela veut dire que le Réal ne va pas jouer contre le Barça ? Ah non ! Ils vont jouer l’un contre l’autre. C’est pour vous dire que nous sommes aujourd’hui dans un monde de concurrence, de rivalité.

Donc, que la rivalité continue ! Elle permet aux artistes d’avancer. Mais il faut qu’elle se fasse sainement, dans le respect. Les griots sont les faiseurs des hommes. Ce sont les griots qui font la stabilité du pays. Donc, quand ça ne va pas dans le pays, c’est eux les fautifs. Et quand ça va au pays, c’est eux. Donc, si les griots n’arrivent pas à s’entendre, rien n’ira au pays. Il y a la guerre du nord parce que les griots n’ont pas fait leur travail. Les nordistes ont des griots tout comme les sudistes ont des griots. Est-ce que le griot de ma famille peut me demander quelque chose que je refuse de lui donner ? Non. Est-ce qu’un griot national peut demander quelque chose à IBK et que ce dernier puisse lui refuser ça ? Non. Il faudrait que les griots s’assument. Je suis avec eux tous les jours, mais je vois qu’ils ne s’assument pas. Ils ont laissé leur rôle dans les mains de certains musulmans, marabouts. Et c’est dommage ! Il faut que les griots reprennent leur rôle de conciliateurs pour nous baliser le chemin de la dignité. Sans les griots, le pays va à l’eau, sera sans repère. Sans les griots, il n’y aura pas de stabilité dans le pays. Le rôle du griot, c’est de dire la vérité à leur diatigui. Mais malheureusement, les griots ont démissionné. Et il est temps qu’ils reprennent leur rôle pour la stabilité du pays et le bonheur des Maliens.

 Une question sur votre vie privée. M’Baye Boubacar Diarra avait défrayé la chronique par son mariage avec Coumba Sira Koita. Que peut dire M’Baye par rapport à ce mariage ?

Coumba Sira Koita va très bien. Elle va bientôt sortir son nouvel album. J’ai aidé cette jeune artiste. Si j’ai marié Coumba, c’est par rapport au respect social. Comme on le dit, toutes les vérités ne se disent pas. Oui, je n’ai pas été compris par rapport à ce mariage. Mais avec le temps, la vérité triomphera. J’ai préféré me marier avec elle que d’aller courir à gauche, à droite. Et on ne me verra jamais devant la maison d’une artiste pour la courtiser. On ne me verra jamais sortir avec une artiste. Durant ma carrière  à l’Ortm, je ne suis jamais sorti avec une artiste.

 Et ton dernier mot ?

Je dis merci aux artistes, mais aussi à la presse qui m’a accompagné. Merci surtout aux radios libres. C’est avec la révolution du 26 mars 1991 qu’on a tous vu le jour, elles et Top Etoiles. C’est surtout le journal Les Echos et la Radio Bamakan en plus des artistes comme les Guimba, les Michel, Magma, Lassina (Paix à son âme) et autres comédiens, dans ” Ferekegnagamindugu ” qui ont permis aux Maliens d’aller à la révolution du 26 mars 1991. C’est la culture qui a fait cette révolution de 1991. Il faut voir, sous le régime Moussa Traoré, des comédiens ont parlé de “Wari” (argent) pour dénoncer les retards de salaire. Ce sont les artistes qui ont eu le courage de dénoncer des tares du régime de Moussa Traoré. C’est pour dire que la place de la culture est importante dans une société.

Ce sont les jeunes et les artistes qui doivent baliser le chemin qui nous mènera vers la société de valeur à laquelle nous aspirons tous. Ce sont les griots qui nous montrent cette société de valeur. Ce sont les artistes qui nous guident pour aller vers cette société de valeur. Donc, leur place est importante dans notre société. Et ils doivent continuer à jouer leur rôle.

          Réalisé par Siaka Doumbia

 

Source:  Aujourd’hui-Mali

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