Mamadou Ben Chérif Diabaté est griot, journaliste, agent de l’ORTM à la retraite, fondateur du Réseau des communicateurs traditionnels (Récotrade), membre de Comité de pilotage du Dialogue inter-maliens pour la paix et la réconciliation nationale. Qui mieux que lui pour parler de dialogue et de réconciliation ? Dans l’entretien qui suit, il se prononce sur l’organisation du Dialogue, fait des propositions et donne des conseils au Président de la Transition, Colonel Assimi Goïta.
Aujourd’hui-Mali : Quelle appréciation faites-vous de l’organisation du Dialogue inter-maliens pour la paix et la réconciliation nationale ?
Mamadou Ben Chérif Diabaté : De mon point de vue, ce fut une très bonne initiative d’organiser le Dialogue inter-maliens pour la paix et la réconciliation nationale. Dans la tradition africaine, particulièrement malienne, une famille repose sur le dialogue, sur l’échange d’idées entre l’homme et la femme. Si ces deux personnes ne se parlent pas, ils ne se comprendront jamais. Quelqu’un qui ne parle pas, on ne sait pas ce qu’il pense. Donc, il faut saluer cette initiative d’organiser un dialogue nous-mêmes Maliens, sans tabou. Car c’est ce tabou qui crée soit la crainte et la peur, ou la méfiance chez les uns et les autres. Parce que les hommes n’ayant pas la même façon de voir, la même façon de comprendre, la même façon de se comporter, se différencient face à certaines situations dans la vie. De mon point de vue, l’organisation du Dialogue inter-maliens pour la paix et la réconciliation nationale a été une très bonne chose, une très belle initiative de la part du Président de la Transition, le Chef de l’Etat, le Colonel Assimi Goïta. Je salue l’initiative.
En tant que membre du Comité de pilotage du Dialogue, peut-on savoir si le Dialogue a été inclusif comme préconisé ? Est-ce que les Maliens ont pu réellement s’exprimer lors des phases communales, régionales, au niveau des consulats et des ambassades ?
De mon point de vue, le Dialogue inter-maliens pour la paix et la réconciliation nationale a été inclusif de part d’abord sa structuration. Quand le Dialogue a été initié, un Comité de pilotage a été mis en place avec comme Président l’ancien Premier ministre Ousmane Issoufi Maïga qui est un homme d’Etat à la hauteur. Tu peux ne pas aimer l’homme mais il a des compétences, des qualités d’homme d’Etat. Cela est indéniable. Ensuite, comme structuration, le Comité de pilotage est reparti en 5 groupes thématiques de travail coordonnés par le président du Comité de pilotage.
Les groupes thématiques ont discuté et validé les Termes de référence (TDR). Des dispositions structurelles ont été prises pour que ces groupes de travail fonctionnent avec efficacité. Ensuite, il a décidé d’organiser le Dialogue inter-maliens pour la paix et la réconciliation nationale au niveau des Communes, des régions, des consulats, des ambassades. Ces différentes phases ont fait appel à toutes les composantes des populations maliennes : bergers, marchands, chômeurs, paysans, ménagères, les organisations de la société civile, les jeunes, les fonctionnaires, les retraités, etc.
Pour ces phases, le Président de la Transition a recommandé de donner la parole à tous les Maliens et de les laisser s’exprimer, de dire ce qu’ils ont sur le cœur et dans le cœur. C’est ce que le Président du Comité de pilotage du Dialogue inter-maliens pour la paix et la réconciliation nationale a fait. Il a veillé sur cette recommandation. Il n’a coupé la parole à personne.
Aux phases communales et régionales, il a donné des instructions aux différents groupes de prendre le temps d’écouter tout le monde. Un autre aspect très important est qu’aux phases communales et régionales, il était prévu 200 à 500 personnes. A des endroits, il y a eu entre 800 et 1 000 personnes. Ce qui veut dire qu’il y avait de l’engouement durant ces phases communales et régionales. Ce qui dénote que le Dialogue inter-maliens pour la paix et la réconciliation nationale a été une bonne initiative. La population malienne s’est sentie concernée par le dialogue et a participé activement aux débats. Les gens se sont exprimés librement. Il y a eu même des thématiques qui n’étaient pas prévues et qui ont été débattues. La parole a été donnée au peuple qui n’était pas cadré. Les gens, dans cette liberté d’expression, ont eu à dire des choses qui n’étaient pas prévues dans les Termes de référence. Mais, il nous a été demandé de prévoir autres thématiques. Ces thématiques non prévues ont été inscrites et retenues, et une réflexion a été faite autour de ces thématiques imprévues.
Au cours des phases communales et régionales et nationale, les Maliens se sont exprimés sur leur Mali qui les préoccupe. Le Colonel Assimi Goïta a dit de donner la parole à tous les Maliens, de les écouter et d’analyser leurs points de vue. Donc, en bien ou en mal, la parole a été donnée à tout le monde. Les gens ont été respectés dans leur temps de parole. Les préoccupations exprimées lors des phases communales, régionales seront examinées lors de la phase nationale pour pouvoir présenter le rapport final au Président de la Transition, initiateur du dialogue. Le Chef va ensuite rendre compte au peuple malien. Je pense que le Dialogue inter-maliens pour la paix et la réconciliation nationale a été bien organisé.
Au Mali, il y a la mauvaise habitude de mettre les recommandations des forums dans les tiroirs. Pensez-vous que les recommandations du Dialogue inter-maliens seront appliquées ?
De mon point de vue, je crois que pour une première fois, les recommandations du Dialogue vont être appliquées. Je suis griot, communicateur traditionnel, fondateur du Récotrade.
Aujourd’hui, j’ai un statut dans mon pays, je suis d’un certain âge (je frôle les 70 ans), je crois qu’à cet âge, le respect que je bénéficie de la part des plus hautes autorités de mon pays, vu le caractère des plus hautes autorités du Mali, vu la vision qu’elles ont du Mali, font que je peux aujourd’hui affirmer sans me tromper, que pour la première fois au Mali, les recommandations du Dialogue inter-maliens vont être appliquées par les plus hautes autorités du Mali.
Si vous devez vous adressez aux plus hautes autorités du Mali, surtout au Président de la Transition, Colonel Assimi Goïta pour l’application des recommandations du Dialogue, que direz-vous ?
Si je dois m’adresser aux plus hautes autorités du Mali, surtout au Président de la Transition, Colonel Assimi Goïta pour l’application des recommandations du dialogue, je lui dirai le plus simplement du monde que Dieu est avec lui. Il a sollicité de Dieu quelque chose que Dieu lui a répondu. Parce que tu peux demander quelque chose à Dieu, il peut mettre du temps à te répondre. Mais Dieu répond toujours à la sollicitation de sa créature. Assimi Goïta, jeune président de la République, il ne faut pas voir son âge mais son statut, la confiance que Dieu a placée en lui en lui confiant l’Etat. Vu sous cet angle, je crois qu’Assimi Goïta va être le plus heureux du monde en appliquant les recommandations du Dialogue inter-maliens pour la paix et la réconciliation nationale. Parce que c’est le peuple malien qui vient de s’exprimer à travers des recommandations qu’on va lui remettre pour qu’il puisse les appliquer. Et lui, dans cette application, n’attend que Dieu pour qu’il soit heureux et de voir le Mali heureux. Donc, je dirai à Assimi Goïta de tenir compte de ce que Dieu lui a confié et qu’il s’en remette à Dieu et non aux hommes. Je suis sûr et certain que Dieu va l’écouter et l’aider dans la construction nationale du Mali qui va être un Eldorado. Les gens vont prendre le visa pour venir voir le Mali. Et c’est Assimi Goïta qui va mettre son cachet sur ces visas.
Réalisée par Siaka DOUMBIA
Source: Aujourd’hui-Mali